L’Américain moyen estime que la crise majeure qu’est en train de vivre son pays, c’est le golfe du Mexique et la déclaration récente de Barack Obama était entièrement consacrée à la situation actuelle. Cette dernière fait partie de celles qu’un électeur n’apprécie guère, car il est impossible de faire plus que l’on ne fait déjà. Le président américain a l’intention de demander au responsable de la catastrophe, British Petroleum, de mettre de côté des fonds destinés au rétablissement de l’équilibre écologique, il propose de renforcer le contrôle gouvernemental sur les compagnies pétrolières etc.
Or les journalistes américains montrent leur mécontentement : ce n’est pas notre genre de demander, d’inviter ou de recommander. C’était une autre affaire avec John Kennedy lorsqu’il a pris la décision d’imposer l’embargo maritime contre Cuba, même si cea a été un échec.
Mais si l’on regarde attentivement, nous sommes face à cinq crises, et non pas une seule, dont chacune ne peut être réglée par les « bonnes vieilles » méthodes. Et quand elles se déroulent toutes en même temps, une nouvelle situation internationale, qui mérite toute l’attention, se met en place.
Au Kirghizstan, on compte 100 000 réfugiés et nul ne sait combiens de victimes. Or ce problème concerne principalement les Etats-Unis car la base aérienne des Etats-Unis à Manas n’a toujours pas été évacuée, d’autant plus qu’elle est nécessaire pour poursuivre la guerre en Afghanistan. Ainsi, les Etats-Unis se retrouvent dans une situation semblable à la Russie, à l’Ouzbékistan ou au Kazakhstan : une méthode militaro-policière pour mettre fin au massacre dans le Sud n’apparaît pas évidente. Comment vous l’imaginez-vous? Il faudrait au moins pouvoir reconnaître un Ouzbek d’un Kirghiz et ne pas oublier non plus que vos propres concitoyens ou vos compatriotes vivent aussi sur ce même territoire. Autrement dit, il ne faudrait pas transformer une opération de police en acte de guerre aux côté de l’un des belligérants. Que reste-t-il à faire? Rien en dehors de ce qui se fait déjà, aussi triste que ce soit. Et nul besoin d’initiatives de Washington (ou de Moscou) ou de tentatives d’utiliser la crise pour « l’éviction » de l’autre partie du pays ou de la région.
En Afghanistan, le caractère dramatique prend également de l’ampleur pour les États-Unis (et pour l’Union Européenne, et pour OTAN), surtout à l’heure actuelle quand l’armée américaine a commencé son offensive commune avec le gouvernement afghan dans la région de Kandahar. Et voici ce qui vient de se passer à l’audience du Sénat américain dans la commission chargée des affaires militaires. Le chef des armées au Proche Orient, le général David Petraeus a écouté la question concernant la possibilité du retrait des troupes américaines de l’Afghanistan en juillet 2011. Après l’avoir écoutée, il s’apprêtait à y répondre lorsqu’il a perdu connaissance.
Cela est, bien sûr, dû à son opération récente mais cette perte de connaissance a fait très grande impression comme symbole des événements. Par exemple, les États-Unis commencent à étudier la façon dont l’administration évalue la capacité des autorités afghanes de prendre en charge les opérations. Le fait-elle en se référant aux indicateurs formels, comme l’armement, ou plus sérieusement? Au même moment Kaboul a sérieusement commencé une politique « d’intégration » des talibans dans la gestion de l’Etat.
Globalement, il ne nous reste plus qu’à perdre connaissance parce que dans moins d’un an toute la situation internationale en Afghanistan et en Asie Centrale changera radicalement. Ce processus a déjà commencé. Hamid Karzai, le président afghan, fait beaucoup d’efforts pour se rapprocher de la Chine ; de l’Inde et des pays-membres de l’OCS (au sommet de laquelle il vient de participer). Les États-Unis ou l’Union Européenne avec l’OTAN peuvent-ils y changer quoi que ce soit? Non, ils ont déjà essayé, en vain. Pour cette raison, il y a des recherches de voies de coopération par tous ceux qui participent aux affaires de la région. Mais pour l’instant ces recherches restent l’apanage des experts.
Une quatrième crise est la Corée du Nord. Personne n’y perd connaissance ; tout le monde rejette tout simplement le problème coréen : il ne manquait plus que vous.
Que serait-il arrivé à l’époque du « mature George Bush » si un navire sud-coréen avait été coulé, entraînant la mort de la moitié de l’équipage, de la même manière dans des eaux que les deux Corées sont incapables à se partager. Beaucoup de choses auraient pu se passer. Et voici ce qui se passe maintenant : cette semaine les consultations du Conseil de sécurité de l’ONU ont commencé. Et plus elles progressent, plus on comprend que cette histoire soulèvent des questions. Oui, c’était une explosion. Et la commission internationale a, comme d’habitude, attribué la faute à la Corée du Nord. Mais… les experts russes vont mettre un mois entier à étudier les informations reçues. Beaucoup de Sud-coréens refusent également de croire que le Nord a tout simplement tiré une torpille contre une frégate du Sud (pourquoi l’aurait-il fait?). Au final, il est clair que cette histoire n’est pas aussi simple qu’elle ne le paraît et qu’il serait mieux de faire preuve de patience en écoutant les conclusions de l’autre partie.
La cinquième crise est, bien sûr, celle d’Iran. Il y aurait beaucoup de choses à dire mais prenons juste un exemple banal : la sélection de publications dans le magazine Foreign Policy où divers auteurs tentent de répondre aux questions suivantes : les Etats-Unis, qu’avaient-ils mal compris dans les élections en Iran de l’année dernière. Qu’aurait-il fallu faire différemment? Peut-être ne fallait-il pas que les États-Unis voient les choses en noir et blanc, comme ils en ont l’habitude?
Le plus important dans ces événements est le renforcement de l’esprit de coopération par rapport à 2005 quand la menace d’une nouvelle guerre froide se faisait de plus en plus concrète. A l’ONU, les États-Unis ont soutenu la Corée du Sud mais la Russie et la Chine ont invité à ne pas se précipiter. Or Moscou et Washington échangent volontiers leurs avis sur les événements. Et ils coopèrent également. L’Afghanistan et le Kirghizstan constituent les sujets de leurs consultations permanentes. Quant à la crise humanitaire locale, même l’Europe léthargique représentée par l’OSCE se joint aux efforts de la Russie et de ses alliés. Une coopération concernant les stupéfiants en provenance d’Afghanistan est également en train de se mettre en place. L’engin sous-marin Mir a failli apparaître dans le golfe du Mexique, et peut-être y arrivera-t-il après tout.
Si d’autres raisons à une coopération russo-occidentale apparaissent dans les mois à venir, la guerre froide pourrait être enterrée pour la seconde fois, probablement la dernière.
Ce texte n’engage que la responsabilité de l’auteur