Ce n’est que maintenant que British Petroleum commence probablement à se rendre compte des suites de la catastrophe pétrolière du 20 avril survenue sur la plate-forme de forage Deepwater Horizon dans le golfe du Mexique et des conséquences de ses bévues commises dans les premières semaines qui ont suivi la catastrophe.
Il s’agit notamment d’incompréhension de l’envergure de la catastrophe, de lenteur des mesures prises en vue de stopper l’écoulement de brut, des tentatives maladroites de faire retomber sa faute sur les entreprises chargées des travaux et les fournisseurs d’équipements, etc.
Les dirigeants de BP ont demandé d’urgence au gouvernement britannique de les recevoir en fondant tous leurs espoirs sur le premier ministre. Mais ils n’ont été reçus que par le vice-ministre de l’Énergie et du Climat Charles Hendry. Le 10, Downing Street a froidement déclaré: « Certes, la situation actuelle inquiète M. Cameron, le premier ministre britannique, mais, en fait, cela ne concerne que la compagnie pétrolière ».
En effet, pour le premier ministre britannique, il aurait été difficile de rencontrer les « fautifs » qui ont provoqué, entre autres, une nouvelle récidive d’aversion antibritannique aux Etats-Unis. Les Américains qui, déjà, n’aimaient pas beaucoup leurs cousins britanniques arrogants ont eu, grâce à BP, une occasion de les vilipender pour avoir souillé tout le littoral Sud des États-Unis. Le mouvement en faveur du « boycott de BP » s’amplifie déjà dans le pays, de New York à la Nouvelle Orléans, les stations d’essence BP sont déjà barbouillées de dessins outrageants et le nom même du géant pétrolier britannique (quatrième au monde pour ses revenus) est presqu’une injure.
Pour la seule journée du 2 juin, les actions de British Petroleum ont chuté de 13% lorsqu’on a appris qu’il serait impossible d’endiguer la fuite de pétrole pendant au moins un mois, même plus longtemps. La cotation de la compagnie pétrolière a baissé, au total, de 14 milliards de livres sterling. Au cours des six semaines écoulées depuis la catastrophe, la valeur boursière de la compagnie s’est réduite de 42 milliards de livres sterling. La compagnie BP qui existe depuis 101 ans, qui emploie plus de 80.000 personnes dans le monde entier et qui possède 22.500 stations d’essence sur la planète va d’échec en échec et cela ira de mal en pis.
Après que le président Barack Obama eut chargé le ministère de la Justice d’engager des poursuites judiciaires officielles pour la catastrophe, la City de Londres et la « communauté pétrolière » ont commencé à parler ouvertement du sort de BP. Le chiffre d’affaires de BP pour 2009 était évalué à 239,3 milliards de dollars, dont 16,6 milliards de dollars de bénéfice net.
L’action en justice engagée aux États-Unis contre BP rend recevables toutes les demandes de dédommagement pour les préjudices causés par l’activité de BP à l’État, à la nature, aux sociétés et aux particuliers, y compris non seulement les préjudices réels, mais aussi d’éventuels manques à gagner à l’avenir.
Selon les lois environnementales américaines, l’amende pour la fuite d’un baril de pétrole (159 litres) est de 4.300 dollars. Selon les dernières estimations, de 12.000 à 19.000 barils se déversent quotidiennement dans le golfe du Mexique. Certes, ces estimations sont très approximatives.
On sait déjà que plus de 30.000 plaintes (!) ont déjà été déposées contre les préjudices causés par la fuite de la part des pêcheurs, des propriétaires d’hôtels, des responsables du secteur touristique, etc. Le montant des dédommagements pourrait atteindre 40 milliards de livres sterling. Sans parler du coût approximatif des plaintes des parents des 11 victimes de l’explosion sur la plate-forme de forage qui n’a pas encore été établi. Ces sommes peuvent aller de quelques dizaines à plusieurs centaines de millions de dollars.
La compagnie a déjà dépensé 1 milliard de livres sterling dans ses tentatives de colmater la fuite de pétrole sous l’eau et de nettoyer le bassin. Puisque la pollution s’étend sur 29.000 milles marins carrés, les experts affirment que la somme totale des dépenses de BP pour ces opérations pourrait s’élever à 12 milliards de livres sterling.
Tout cela a fait baisser la valeur boursière de la compagnie de 122 milliards de dollars à 80 milliards de dollars. Il est déjà évident que BP ne pourra pas verser à ses actionnaires les dividendes qu’ils attendent. Le groupe devra aussi redistribuer les dettes, soit plus de 10 milliards de livres sterling.
En tout cas, il est presque certain que les licences de prospection et d’extraction sur le territoire des États-Unis seront retirées à BP. C’est un coup qui lui sera presque fatal puisque c’est précisément des États-Unis que BP tire 40% de ses revenus. Ken Salazar, le secrétaire à l’Intérieur dont relèvent tous les parcs nationaux, la protection de l’environnement, etc. sera le « principal accusateur » de BP pour toutes les plaintes écologiques déposées au nom du gouvernement américain. Il a déjà ouvertement déclaré qu’il s’agissait d’une question de vie ou de mort pour BP en Amérique.
Les têtes les plus chaudes du Congrès américain appellent même l’administration Obama à interdire complètement les opérations de BP sur le continent américain et dans ses eaux territoriales. Robert Reich, ancien secrétaire au Travail sous le président américain Bill Clinton, a exigé la nationalisation de tous les avoirs de la compagnie aux États-Unis tant qu’elle n’aura pas endigué la fuite, remédié aux conséquences et versé des dédommagements pour toutes les plaintes sans exception.
On a déjà rappelé que British Petroleum était non seulement un délinquant, mais aussi un récidiviste. En 2005, une explosion dans une raffinerie de pétrole de la compagnie au Texas avait fait 15 morts. En 2006, à la suite d’une rupture du pipe-line de BP en Alaska, plusieurs dizaines de milliers de barils de pétrole s’étaient déversés. Dans les deux cas, la faute en était aux mesures de sécurité.
La City de Londres estime que les jours de la compagnie BP, telle qu’elle existait avant la catastrophe, sont déjà comptés. On parle sérieusement soit d’un démembrement de BP, soit de sa fusion avec son principal antagoniste Royal Dutch Shell. Ces hypothèses ne sont nullement dénuées de fondements. Fait peu connu: BP avait déjà deux fois engagé des négociations sur sa fusion avec son concurrent anglo-néerlandais, d’abord, en 2004, ensuite en 2007. Selon l’ancien patron de BP, Lord John Browne, cela aurait permis d’accroître les bénéfices nets de la nouvelle compagnie de 9 milliards de dollars par an. De nombreux responsables de BP s’étaient alors opposés à cela. A présent, ils devraient probablement se montrer plus conciliants.
Ce texte n’engage que la responsabilité de l’auteur.
British Petroleum disparu corps et biens dans le golfe du Mexique?
17:48 04.06.2010 (Mis à jour: 16:05 05.10.2015)
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Ce n’est que maintenant que British Petroleum commence probablement à se rendre compte des suites de la catastrophe pétrolière du 20 avril survenue sur la plate-forme de forage Deepwater Horizon dans le golfe du Mexique et des conséquences de ses bévues commises dans les premières semaines qui ont suivi la catastrophe.