La Russie pourrait aider l'Ukraine à achever la construction du croiseur Ukraïna: les présidents des deux pays se sont entendus pour coopérer en vue de mener à bien la construction de ce grand navire de guerre. Quel sera le sort du dernier croiseur lance-missiles du projet 1164 et à qui appartiendra-t-il?
Mis sur cale aux chantiers navals de Nikolaïev en 1984 sur commande de la Marine de guerre de l'URSS, le quatrième navire du projet 1164 reçut le nom d'Admiral Lobov. Son but était de lutter contre les grands navires de guerre ennemis. Ces croiseurs sont dotés de missiles permettant de détruire même des porte-avions qui sont des navires très viables et qui sont accompagnés de systèmes puissants antiaérien et antimissile.
Ce navire devait faire partie de la flotte vers 1990, mais, à la fin des années 1980, sa construction se ralentit considérablement à cause d'une réduction des dépenses militaires par l'URSS. Sa mise à l'eau a eu lieu en août 1990, mais, après la désintégration de l'URSS, les travaux d'achèvement du navire furent pratiquement stoppés. Pourtant, la construction du navire était presque achevée, il ne manquait qu’à le doter d'armements et à installer à son bord une partie des équipements secondaires.
Lors du partage de la flotte, la construction de ce navire qui fut cédé à l'Ukraine et rebaptisé Ukraïna ne put être achevée. Pour la flotte ukrainienne, ce navire s'avéra superflu. L'autre prétendant éventuel au croiseur – la Marine de guerre russe – manquait d'argent pour l'acquérir, et ensuite, les divergences politiques entre les deux pays rendirent son achat très difficile. Sa vente à la Chine et à l'Inde était également difficile, car le principal armement du navire – le système de missiles Voulkan de portée de 1000 km – ne peut être exporté vers de pays tiers: il dépasse les restrictions internationales sur la portée des missiles exportés (300 km).
Après le changement de régime en Ukraine et l'arrivée au pouvoir de Viktor Ianoukovitch, la question de l'achèvement de la construction du navire pour la Marine de guerre russe a été de nouveau abordée. Cependant, il convient d'attirer l'attention sur certaines circonstances. Premièrement, dans les conditions actuelles, l'achèvement de la construction du navire d'après le projet initial est tout simplement impossible: ses équipements datant des années 1970-1980 sont devenus depuis longtemps obsolètes et ont été retirés de la production. Il s'agit, en fait, d'une modernisation du navire et de l'installation à son bord de systèmes modernes.
Deuxièmement, le stationnement prolongé du croiseur a certainement endommagé ses systèmes et ses équipements, dont une grande partie a besoin d'être réparée ou remplacée.
Compte tenu du fait que la Marine russe manque cruellement de grands navires de guerre, l'achèvement de la construction de l'Ukraïna et sa mise en service dans les forces navales russes (ce navire gardera-t-il son nom ou sera-t-il de nouveau rebaptisé?) serait une mesure raisonnable. Un croiseur modernisé, doté d'un nouveau système d'information et de direction de combat (BIUS), d'un système universel de tirs, des équipements hydroacoustiques modernes, etc. en ferait l'un des plus redoutables navires de guerre de la planète et, avec l'appui de corvettes et de frégates de nouvelles générations qui sont en construction pour la Marine de guerre russe, il pourrait combattre pratiquement n’importe quel adversaire. En cas de succès, il serait possible de réparer et de moderniser, en employant la même méthode, les navires déjà existants du projet 1164 Moskva, Marchal Oustinov et Varyag.
Comparant l'Ukraïna aux navires d'autres types, il faut dire que, par leur puissance de feu, les croiseurs de ce projet ne le cèdent qu'aux croiseurs nucléaires lourds lance-missiles du projet 1144 (parmi lesquels figure, par exemple, le croiseur Piotr Veliki, le seul navire de ce type resté en service).
Les plus proches analogues étrangers des navires du projet 1164 sont les croiseurs du type Tikonderoga de l'US Navy (22 unités). Ces croiseurs se distinguent par des moyens électroniques et anti-aériens plus perfectionnés, mais ils cèdent considérablement aux navires du projet 1164 pour leurs possibilités de lutte anti-navires. En cas de modernisation des croiseurs existants du projet 1164, en les dotant de nouveaux systèmes d'information et de direction de combat et en remplaçant les systèmes S-300F par ceux de missiles antiaériens de nouvelle génération, en installant les missiles dans des complexes universels de tirs, ces navires russes seront bien supérieurs par leur puissance de combat à leurs principaux concurrents.
Cependant, sans navires d'escorte suffisants, ni infrastructure côtière bien développée, sans navires auxiliaires et ni spécialistes spécialement formés, même les plus puissantes unités de combat ne représentent aucune valeur réelle, surtout si l'Etat n'a pas de stratégie navale intelligible et s'il ne comprend pas bien les besoins de la Marine de guerre dans l'avenir proche et lointain. Les dirigeants du pays doivent encore manifester une telle compréhension.
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