Aujourd'hui notre observateur Alexei Grigoriev vous propose son commentaire « L'Algérie a célébré le 65ème anniversaire de la tragédie de Setif » et traditionnellement un bref aperçu des événements dans les pays maghrébins.
Les Parisiens et tous les Français célèbrent il y a 65 ans, le 8 mai 1945, le Jour de la Victoire sur l'Allemagne nazie. « Ve Day » est marqué également dans le Sud de la Méditerranée, notamment dans la ville de Setif en Algérie. Des milliers d'habitants réunis au stade ont exigé que l'administration coloniale octroie l'indépendance à l'Algérie en tant que récompense pour la participation des Algériens à la libération de la métropole. Les soldats mobilisés des colonies africaines, écrit Alexei Grigoriev, ont assuré, comme on le sait, la victoire à la France combattant lors de l'affranchissement du Sud du pays. Plus de 300 mille soldats ont été recrutés ne fut-ce que d'Algérie. La France a promis d'affaiblir régime de gestion des colonies. Or, les réformes promises étaient plutôt cosmétiques. Les leaders français, notamment le général de Gaulle, donnaient la priorité à la conservation de l'empire colonial, source de renaissance de la grandeur et de la puissance de la France. En ce qui concerne l'Algérie, elle a mérité le statut de province française : près d'un million de Français et neuf milions d'Algériens. Qui plus est, l'Algérie était au centre des colonies françaises dans le Nord de l'Afrique, au carrefour des voies les plus courtes reliant la métropole aux colonies en Afrique de l'Ouest et équatoriale. La perte de l'Algérie signifierait pour la France l'affaiblissement de son influence sur le continent. Dans le même temps, le mouvement patriotique pour l'indépendance s'est formé en Algérie avant la guerre et surtout après son achèvement. Les événements qualifiés dans l'histoire algérienne de « bain de sang de Sétif » le 8 mai 1945 ont donné une puissante impulsion à son développement. Des foules de manifestants se sont réunies ce jour à Sétif, à Guelma et à Kherrata. La police a ouvert le feu en tirant dans l'air et ensuite sur ordre de l'administration - sur les manifestants. Ceux-ci se mettent à poursuivre les Européens avec des poignards, des bâtons et des pierres. La rébellion affecte tout de suite une vingtaine de villes et villages. 50 mille personnes y participent. Les insurgés armés de fusils de chasse et de mitraillettes prises à l'ennemi mettent en flamme les fermes des colons, attaquent les commissariats de police et les casernes. Les autorités coloniales françaises emploient jusqu'à 122 mille soldats de l'armée régulière, notamment les unités de la Légion et de la garde civile composées de Français et de Harkis : Algériens ayant rejoint les colons. Les militaires italiens ont participé eux aussi à l'opération. Les régions rebelles ont été cruellement réprimées, beaucoup de villages - brûlés, les gens fusillés sans forme de procès. D'après les données officielles algériennes, près de 45 mille personnes ont péri, selon les sources françaises - de 8 à 18 mille ... Les Algériens ont célébré le 8 mai 2010 le 65ème anniversaire des événements de Sétif ». En silence, les participants des marches ont parcouru les mêmes rues que celles empruntées 65 ans auparavant quand « la fête de la victoire des Alliés sur le nazisme fut transformée le 8 mai puis durant un mois, en bain de sang », a déclaré Mohamed-Chérif Abbas, ministre algérien des Moudjahidine (anciens combattants). « Le 8 mai n'est pas seulement une date « pour le souvenir, le recueillement et la tristesse, mais une référence puisque le peuple avait compris qu'il fallait dorénavant se saisir du fusil », avait-il ajouté lors d'un séminaire consacré à cet anniversaire. « Ce jour-là j'ai vieilli prématurément. L'adolescent que j'étais est devenu un homme. Ce jour-là le monde a basculé », dira Houari Boumediene, ancien président de l'Algérie. En fait, les événements sanglants à Setif ont accentué les tendances antifrançaises parmi une grande partie des Algériens et renforcé le potentiel politique, idéologique et militaire qui s'est manifesté dans la guerre pour l'indépendance en 1954-1962 ... Le film « Hors-la-loi » du réalisateur franco-algérien Rachid Bouchareb est au programme concours du Festival de Cannes. Il est consacré à l'histoire de trois frères ayant réussi à sortir vivants du bain de sang à Setif en mai 1945. Ayant traversé la Méditerranée, les frères ont rejoint les mouvements clandestins algériens en France inspirant la lutte armée pour l'indépendance de l'Algérie. Le film de Rachid Bouchareb sera présenté au public le 21 mai mais il attire déjà l'attention des journalistes et des policiens français. Ainsi, le député des Alpes-Maritimes Lionnel Luca (UMP) a dénoncé avant même de l'avoir vu une « falsification » de l'histoire dans son évocation du massacre de Sétif. Selon lui, la projection du film est lourde de conséquences : les manifestations spontanées à La Croisette inspirées, comme on prétend, par les associations représentant des harkis, des anciens combattants et des pieds-noirs, et des mouvements d'extrême droite. André Mayet, élu non encarté de la majorité UMP de Cannes, a exigé que le préfet de la ville interdise la projection du film par crainte de troubles publics. A son avis, il faudrait prohiber la projection du film « Hors-la-loi » en France car il compromet les forces armées françaises ayant combattu en Algérie.