Le régime sans visa contre le nucléaire civil

© RIA Novosti . Vladimir Radionov / Accéder à la base multimédiaLe président russe Dmitri Medvedev en visite à Ankara
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Lorsque le président Dmitri Medvedev est arrivé le 11 mai au soir en visite officielle à Ankara, son principal but était déjà plus ou moins clair, il s’agissait de la création du Conseil de coopération de niveau supérieur (Medvedev le présidera du côté russe), la signature d’un accord sur la suppression des visas (pour les touristes, entrée libre pour un délai d’un mois) et de la coopération dans la construction de centrales nucléaires.

 

Lorsque le président Dmitri Medvedev est arrivé le 11 mai au soir en visite officielle à Ankara, son principal but était déjà plus ou moins clair, il s’agissait de la création du Conseil de coopération de niveau supérieur (Medvedev le présidera du côté russe), la signature d’un accord sur la suppression des visas (pour les touristes, entrée libre pour un délai d’un mois) et de la coopération dans la construction de centrales nucléaires. Nous commencerons avec la Turquie - et cela doit être déclaré lors de la première réunion du Conseil avec la participation du président russe - la mise en œuvre d’un « plan de coopération stratégique en trois étapes » dans les domaines politiques, commercial, économique et dans le cadre des organisations publiques.

 

Medvedev devait rencontrer le président turc Abdullah Gül et, le 12 mai, le premier ministre Recep Erdogan. La vingtaine d’accords et de documents politiques qui seront signés porteront la coopération russo-turque à un nouveau niveau. Les Turcs qualifient la coopération de « privilégiée » et les Russes, de partenariat « stratégique multiforme ».

 

Lorsque le président russe (ou le premier ministre) se rend à Ankara, ou son homologue turc à Moscou, un certain émoi est toujours ressenti en Europe qui craint constamment un « penchant » de l’Anatolie pour la Russie, la « renaissance des ambitions impérialistes » de Moscou et des ambitions « ottomanes » de la Turquie. Le fait que notre amitié politique s’appuie toujours plus sur les domaines énergétique et pétrogazier représente, selon l’Europe, un double danger. Gazprom livre à la Turquie 63% de sa consommation de gaz (la troisième place après l’Allemagne et l’Italie). Nous collaborons déjà dans le cadre du gazoduc Blue Stream qui passe par le fond de la mer Noire et nous construirons Blue Stream-2. Les Turcs sont disposés à adhérer à South Stream. Nous livrons à la Turquie du pétrole pour environ 1,8 milliard de dollars par an, ainsi que des dérivés pétroliers pour 1,1 à 1,3 milliard de dollars. La Russie accepte de participer à la construction de l’oléoduc important Samsun-Ceyhan dont le projet fut entériné en Turquie dès 2007. Un tronçon de 550 km doit relier la ville turque de Samsun située sur la mer Noire à Kyrykkale (à 15 km d’Istanbul) où il rejoindra le tube déjà existant de Ceyhan-Kyrykkale. La capacité du nouveau "tube" permettra d’acheminer 50 à 70 millions de tonnes de pétrole provenant de Russie et du Kazakhstan dans le port méditerranéen de Ceyhan.

 

Qui a davantage besoin de l’amitié pétrogazière, la Russie ou la Turquie ? Et l’amitié entre la Russie et la Turquie est-elle possible sans tubes ? Cette question ne se pose plus aujourd’hui. En ce qui concerne les gazoducs, tout est tellement entremêlé qu’il est déjà difficile de savoir où commencent les tubes et où s’achève la politique, et inversement.

 

Il faut reconnaître que la Turquie a toujours utilisé habilement la « carte de Moscou » dans ses relations avec Bruxelles. Par exemple, lorsque le « billet d’entrée » dans l’Union européenne fut refusé pour la première fois à Ankara lors du sommet de l’UE à Copenhague en 2002, le premier ministre turc Tayyip Erdogan se rendit presque aussitôt à Moscou. Ankara juge très avantageux de manifester de telles alternatives de son éventuelle orientation politique.

 

D’ailleurs, l’Union européenne pousse elle-même Ankara dans les bras de son voisin sur la mer Noire par les "lenteurs" (pour ne pas dire plus) de l’examen d’admission de la Turquie à l’UE. Formellement, la Turquie mène des négociations sur l’adhésion depuis 2005. Mais la France et l’Allemagne ont déjà déclaré qu’elles ne voudraient pas voir dans l’UE un nouveau pays de 60 millions d’habitants, à plus forte raison, musulmans. Par conséquent, la Turquie n’y sera pas admise dans les dix prochaines années. Naturellement, elle cherche des alternatives. Ankara ne les voit que dans le renforcement de son poids politique et économique régional. Mais cela est impossible sans Moscou.

 

La transformation de la Turquie (avec l’aide de Moscou) en répartiteur gazier et pétrolier de toute l’Asie mineure, de l’Europe du Sud avec les Balkans et du Proche-Orient, alourdira son poids régional. De plus, depuis quelques années, elle s’introduit intensivement dans la politique caucasienne et la concertation des positions de Moscou et d’Ankara peut y donner de bons résultats. Jusqu’à récemment, il n’y avait pas de leader régional dans le Caucase (Géorgie, Azerbaïdjan et Arménie). L’Azerbaïdjan s’orientait vers la Turquie, pays consanguin, l’Arménie, vers la Russie, la Géorgie, vers l’OTAN et les États-Unis. Quand tous les pays du Caucase vont (ou bien s’ils sont poussés, comme Tbilissi) dans les directions différentes, cela tourne très mal. La récente "guerre caucasienne" l’a bien montré.

 

Bref, si la Turquie et la Russie passent de la concertation de leurs actions dans le domaine énergétique à la concertation réelle de leurs démarches en matière de sécurité régionale, cela fera progresser la région vers la création d’une configuration régionale de sécurité. Ce serait une structure précisant ce qui est possible et inadmissible dans les rapports entre tous les voisins. Puisque ni l’OSCE, ni l’UE, ni l’ONU ne peuvent rien y faire, pourquoi ce rôle ne pourrait-il pas passer à la Russie et à la Turquie dans le cadre d’un nouveau forum régional caucasien que la Turquie a d’ailleurs proposé, l’an dernier, de créer.

 

Ce texte n’engage que la responsabilité de l’auteur.

 

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