La Russie vue par la presse francophone le 4 mai

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Professeur Poutine, docteur ès libertés/ Quand Poutine accueille un léopard persan/ Le chantage au gaz russe est une chimère

Le Monde

Professeur Poutine, docteur ès libertés, par Salvatore Aloïse

La décision de Silvio Berlusconi de confier à Vladimir Poutine le cours inaugural de l'Université de la liberté qu'il s'apprête à lancer à Lesmo, près de Milan, dans une superbe demeure du XVIIIe siècle achetée pour l'occasion, n'a guère été appréciée dans la mouvance libérale italienne.

Que le président du Conseil s'autorise un "caprice universitaire", pourquoi pas ? Mais qu'il veuille transformer l'autoritaire premier ministre russe en professeur invité, spécialiste des libertés, le projet a suscité de fortes perplexités. Un groupe d'intellectuels italiens, qui signe " Les libéraux invétérés", lui a même adressé une lettre pour manifester son "trouble" face au choix de ce "maître déplacé".

Il Foglio, journal de référence de l'intelligentsia de droite, a, quant à lui, traité le Cavaliere de "roi de la farce surréaliste" et il s'est demandé si, après Poutine, ce sera le tour d'"un général birman ou d'un évêque de la mouvance de Mgr Lefebvre" de venir donner un cours. Conclusion : "Le libéralisme est mal-en-point !" C'est toute fin avril, au terme de deux jours d'entretiens sur la coopération entre l'Italie et la Russie en matière énergétique, que Silvio Berlusconi avait révélé avoir lancé son invitation insolite à Vladimir Poutine. Ce dernier semblait "avoir apprécié l'idée", laissait-il entendre.

Dans les intentions du Cavaliere, "son" université doit fournir aux jeunes étudiants les "principes de la démocratie" dans la lignée de "la pensée libérale". Particularité due aux fréquentations des grands de ce monde par M. Berlusconi, ces étudiants d'un nouveau style auront comme professeurs les ténors de la politique internationale. Parmi ceux qui ont déjà été pressentis, figure, en premier lieu, l'ex-président des Etats-Unis, George W. Bush.

Les journalistes présents à la conférence de presse ont parlé d'un Silvio Berlusconi ému alors qu'il serrait la main à son homologue russe devant une reproduction grandeur nature de la fresque L'Ecole d'Athènes, de Raphaël, choisie comme symbole de l'esprit de la nouvelle université. Vladimir Poutine, lui, a été décrit comme "presque amusé" par la situation. Et les commentateurs se sont demandé ce qui pouvait bien passer par la tête de cet ancien agent du KGB, promu professeur des droits de l'homme alors qu'il est accusé de les violer dans son propre pays.

Silvio Berlusconi a toujours affiché son amitié envers "Vladimir" en soutenant, à plusieurs reprises, que la liberté n'était pas bafouée en Russie. En 2008, il avait fait le geste de mitrailler une journaliste russe qui venait de poser une question "inopportune" à son homologue, en oubliant ce qui était arriver à Anna Politkovskaïa, la journaliste russe assassinée en 2006. Vladimir Poutine n'a pas formellement pris d'engagements professoraux pour l'Université de la liberté de son ami Berlusconi. Il a pris la liberté de faire attendre sa réponse.

L'Orient-Le Jour

Quand Poutine accueille un léopard persan

Vladimir Poutine a accueilli un léopard persan (photo), l'exhortant personnellement à entrer dans son enclos dans une réserve naturelle près de Sotchi (sud de la Russie), dernier épisode en date du Premier ministre russe aux côtés d'un animal sauvage, selon des images diffusées hier par les télévisions russes.

M. Poutine, qui avait été filmé la semaine dernière en train de passer un collier à un ours polaire dans le Grand Nord, a cette fois ouvert la porte d'une cage pour permettre au félin de rentrer dans son habitat, dans un centre de réhabilitation. Il s'agit de l'une des deux femelles offertes par l'Iran en échange de deux tigres de l'Amour (Sibérie), cadeaux entrant dans le cadre de la diplomatie des « animaux » entre la République islamique et l'un de ses principaux alliés.

La réintroduction du léopard persan en Russie, d'où il a disparu dans les années 1950, a été décidée en marge de la préparation des Jeux olympiques d'hiver qui doivent avoir lieu en 2014 à Sotchi, sur la mer Noire. La Russie espère ainsi que les deux femelles auront des petits avec deux léopards mâles importés du Turkménistan pour permettre une renaissance de l'espèce aujourd'hui en voie de disparition dans le Caucase russe.Vladimir Poutine, arborant ses lunettes de soleil, a été filmé par les télévisions au volant de sa jeep dans cette réserve naturelle près de Sotchi, puis aux côtés du félin. « N'aie pas peur, marche un peu », a dit le Premier ministre au félin, pour le faire entrer dans sa cage. Après une hésitation, le léopard a avancé en gratifiant l'assistance d'un puissant rugissement. « Partons, laissons-la, nous n'allons pas la déranger », a dit M. Poutine à ses collaborateurs. La deuxième femelle léopard, qui est en quarantaine parce que malade, a également reçu la visite du Premier ministre russe, a indiqué une télévision.La Russie, critiquée par de nombreux écologistes, cherche à améliorer son image en tentant notamment de réintroduire ce type de félins avant les jeux d'hiver de Sotchi. Les télévisions russes ont montré la semaine dernière M. Poutine aidant des scientifiques à effectuer des prélèvements sur un ours polaire endormi dans la région de l'Arctique.

La Tribune

Le chantage au gaz russe est une chimère

Il faut se rendre à l'évidence : sans le gaz russe, des millions de Français et d'Allemands grelotteraient de froid chaque hiver. Bien des pays européens, notamment l'Allemagne, recourent en outre massivement au gaz pour produire leur électricité. S'ils étaient contraints de limiter considérablement leur génération électrique, les répercussions négatives sur leurs voisins seraient considérables. La Russie couvre 70% des importations européennes de gaz, et l'extraction en mer du Nord est en recul, en raison d'une exploitation très intense. Mais la demande de gaz va augmenter de 50% au minimum d'ici à 2030.

Malgré la progression de ses exportations vers l'Europe, Gazprom ne sera pas en mesure de couvrir entièrement cette demande. Les pays fournisseurs d'Afrique et d'Asie centrale vont en profiter et la part de la Russie dans les importations européennes de gaz pourrait reculer à 50% d'ici à vingt ans. Les livraisons russes demeureront toutefois indispensables. Mais la Russie elle-même est dépendante de ses exportations vers l'Europe. Le secteur énergétique contribue à la moitié des recettes de l'Etat et à 20% du PIB. Nous avons besoin de gaz russe, mais la Russie a besoin de notre argent.

Pour autant, et malgré l'existence de contrats à long terme, la Russie ne serait-elle pas tentée de "fermer le robinet" à des fins politiques ? Elle possède après tout des réserves financières qui lui permettraient de compenser pendant deux ans le manque à gagner des exportations. En revanche, la France ou l'Allemagne ne pourraient remplacer le gaz russe que pendant quelques mois. D'autres pays sont encore plus vulnérables : on se souvient des Balkans transis de froid en janvier 2009 lorsque le passage du gaz par l'Ukraine fut interrompu. Sans compter que, à la différence des pays du Golfe, il n'est guère possible d'imposer une pression militaire sur la Russie. Les pays européens ne sont-ils pas alors conduits à une certaine complaisance vis-à-vis du Kremlin, avant même qu'il ait pu faire la preuve de sa capacité de nuisance ?

Une telle réflexion n'est pas concluante. D'abord parce que les actifs financiers de la Russie se trouvent majoritairement en Occident. Une crise pourrait lui en couper l'accès. Par ailleurs, les acheteurs européens ne prennent pas en compte le potentiel de chantage de la Russie. Sinon ils exigeraient une baisse notable des prix du gaz afin de couvrir les mesures coûteuses à prendre en cas d'interruption de la livraison. Par ailleurs, ni la Chine ni Israël n'ont montré de réticence vis-à-vis du gaz russe, preuve que ces pays le jugent fiable. Même les États baltes, si prompts à mettre en garde contre la Russie, ne cherchent guère à réduire une dépendance proche de 100% vis-à-vis du gaz russe. C'est que, en réalité, de tels efforts seraient économiquement insensés et qu'ils ne s'imposent pas sur le plan de la sécurité énergétique.

Certes, la diversification des sources d'achats de gaz est nécessaire, compte tenu de la hausse des besoins. Mais les mises en garde nerveuses contre la puissance énergétique de la Russie sont déplacées et nuisibles aux intérêts européens. La réalisation du pipeline Nabucco, qui veut transporter le gaz de la Caspienne en contournant la Russie, serait raisonnable si l'on parvenait à conclure suffisamment de contrats de livraison avec des producteurs. Mais malgré des années d'efforts, ce n'est pas le cas aujourd'hui. S'il était un jour construit, Nabucco ne pourrait couvrir que 10% des importations européennes. Certains de ses partisans veulent cependant donner l'impression que ce gazoduc offrirait une alternative au gaz russe. Leur but consiste à créer un environnement favorable à leurs propres intérêts. Mais alors la Russie, qui est dépendante de la fiabilité de ses transactions et de l'augmentation de ses exportations, pourrait, presque malgré elle, tourner davantage son attention vers les acheteurs de l'Asie orientale et leur concéder son gaz à bon marché - on voit déjà les signes de ce mouvement.

L'idéal serait, en réalité, de développer une interdépendance des systèmes énergétiques et des intérêts sur l'ensemble du continent, Russie comprise. Cela dépend de nous autres, Occidentaux, mais aussi d'une plus grande sécurité des investissements russes à l'Ouest.

 

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