La Russie vue par la presse francophone le 29 avril

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En Russie, une identité nationale problématique/ Poutine ambassadeur des ours polaires dans une île russe de l'Arctique/ La Russie fait feu de tout bois pour rétablir son influence en Ukraine/ La police autrichienne relie le président tchétchène au meurtre d'un opposant

Le Monde

En Russie, une identité nationale problématique.

Il n'y a pas qu'en France que l'identité nationale démange. En Russie aussi, la question taraude. Et ce débat qu'on croyait enterré ici pour cause de dérapages racistes s'est invité en douce dans la 8e Biennale de la photographie de Moscou, qui présente, jusqu'au 27 juin, soixante-huit expositions. Année France-Russie oblige, le programme fait une large place aux échanges entre artistes des deux pays. Côté français, on trouve des images de bonne tenue, dont une présentation de Pierre Boulat, photographe de Life. Côté russe, en dépit des photos historiques du reporter Arcadi Shaikhet, prises dans les années 1920, la sélection est plutôt décevante. Et pour cause : quand les photographes russes se penchent sur la France, ils collectionnent les tours Eiffel et les amoureux en noir et blanc...

Or c'est lorsqu'ils se penchent sur leur pays, réel ou fantasmé, que les Russes signent les oeuvres les plus inquiétantes. Ainsi, Natacha Pavlovskaya a travaillé en Ukraine, mais c'est bien l'identité russe, à la fois forgée et traumatisée par les années du régime soviétique, qui est en cause. A Donbass, site pollué par les rejets de l'industrie lourde, le ciel est noir même en plein jour. La neige qui tombe est déjà sale. La photographe signe des paysages glacés et glaçants, désertés par les humains, bouchés par les terrils. Natacha Pavolv-skaya a choisi Donbass car le site incarnait à l'ère soviétique le "paradis prolétarien", "l'endroit où l'idéologie officielle prenait corps. L'ouvrier était le citoyen soviétique idéal, et le charbon était son or".

Tout le site de Donbass, où la moitié des usines ont fermé, est resté bloqué au temps de l'URSS. "On y sent la présence des fantômes, ceux d'un pays qui a disparu de la carte il y a vingt ans, mais qui continue de nous former, nous guider. J'ai photographié un empire que personne n'ose nommer." Selon la photographe, ce sujet reste pour les Russes un blocage douloureux. "Il n'y a pas de réflexion sur notre passé commun. En Russie, il n'est pas possible de rejeter la faute sur le régime soviétique, comme l'ont fait les Polonais. On ne peut pas dire aux gens que la vie et les valeurs des quatre générations précédentes étaient une erreur. Le passé soviétique est la seule chose que partagent les Russes ; si on leur enlève, tout s'écroule."

Mais où trouver alors le socle d'un projet collectif ? Gleb Kossoroukov aborde la question avec une oeuvre dérangeante, Procession. Dans cette vidéo, deux jeunes gens se livrent à un concours minuté par une pendule : le plus vite possible, chacun assemble puis désassemble un fusil d'assaut kalachnikov. Avec ce petit jeu guerrier, le photographe fait écho à la " quête pour une nouvelle identité russe" lancée par le pouvoir et relayée par les médias.

"Depuis la fin de l'URSS, il n'y a plus d'idéologie, plus de religion pour bâtir une identité commune, explique l'artiste. Et les autorités mettent en avant le sport, l'église ou l'armée." Il cite le renouveau des Cosaques, ce peuple militaire quasi autonome désormais toléré par le pouvoir. Ou le titre de "héros de la Russie" décerné par le président Medvedev à Mikhail Kalachnikov, inventeur du célèbre fusil, en 2009. Mais la vidéo et le texte qui l'accompagne posent question. Veut-il soutenir ou critiquer le choix gouvernemental ? "Je n'ai pas de réponse, je cherche surtout à provoquer un débat", assure Kossoroukov, qui présentera prochainement au Festival de Sète un travail tout aussi ambigu, intitulé Stakhanov : des portraits de mineurs en majesté.

Non loin de là, une exposition française, "Mosaïque", est d'une tout autre nature. Quinze artistes, lauréats d'une commande publique lancée bien avant le débat sur l'identité nationale, se sont appliqués à montrer, en images, la diversité culturelle de la France et les signes de l'appartenance à une double culture. Les journalistes d'une chaîne de télévision russe, errant dans les salles, y cherchaient en vain la tour Eiffel.

L'Express

Poutine ambassadeur des ours polaires dans une île russe de l'Arctique

Sa visite -dont la date précise n'est pas connue- en Terre d'Alexandra (une île de l'archipel François-Joseph dans l'océan Arctique), l'un des territoires les plus septentrionaux de la Russie, a été organisée avec soin et diffusée simultanément jeudi matin par les principaux médias russes.
Située à un millier de kilomètres du Pôle Nord, cet archipel de près de 200 îles a été intégré dans les années 20 dans l'Union soviétique, et a joué pour elle un important rôle scientifique et militaire.

C'est encore le cas aujourd'hui puisque la base de garde-frontière de Nagourskaïa, où s'est rendu M. Poutine, est aujourd'hui la plus septentrionale du pays.

L'immense région arctique est sujette à de vives rivalités et tensions à propos de l'exploitation potentielle de ses richesses naturelles. Cinq pays, Canada, Danemark, Etats-Unis, Norvège et Russie se disputent à son sujet.

Russie et Norvège ont toutefois annoncé cette semaine avoir réglé un différend frontalier vieux de 40 ans dans cette même région.

Les intérêts de la Russie en Arctique "sont des plus sérieux: ici nous avons de grandes bases maritimes, des corridors aériens long courrier, des intérêts économiques", a martelé M. Poutine, évoquant notamment le vaste gisement gazier de Chtokman.

Les superbes images diffusées par les télévisions, ciel bleu, soleil vif, et animaux polaires sur fond de neige immaculée, atteignent leur paroxysme lorsqu'on peut y voir M. Poutine agenouillé et caressant un énorme ours blanc.

Vêtu d'une veste rouge vif brodée à son nom en lettres d'or, le Premier ministre aide les scientifiques à effectuer des prélèvements sur l'ours endormi, à lui passer au cou un collier émetteur et à le hisser dans une bâche pour le peser. Verdict: le plantigrade pèse 231 kilos.

On le voit ensuite prendre congé de l'animal en lui serrant longuement la patte et lui grattant la tête: "Salut, porte-toi bien !" lui lance-t-il.
"La patte est lourde. C'est le maître de l'Arctique, cela se sent", sourit-il peu après devant les caméras.

Mais cette domination est aujourd'hui menacée et la population d'ours blancs a été réduite à quelque 25.000 individus, souligne-t-il, rappelant que "la réduction de la surface de la banquise, la fonte des glaces" compromettent la vie des ours polaires.

Vladimir Poutine est le parrain de la prestigieuse Société géographique russe, fondée en 1845 par le tsar Nicolas 1er, et qui s'est très tôt illustrée par ses expéditions sur les immenses terres vierges de Sibérie et d'autres continents.

La Société et l'Académie des Sciences ont mis sur pied un programme de soutien aux animaux en voie de disparition que suit de près le Premier ministre: on l'a ainsi vu ces dernières années dans d'autres reportages le mettant en scène avec des tigres ou des léopards.

M. Poutine a déploré que les activités militaires soviétiques dans l'archipel François-Joseph aient laissé derrière elles "une fosse aux ordures". "Il faut faire un nettoyage général en Arctique", a-t-il jugé.

Selon les résultats d'une étude russe effectuée entre 1995 et 2005, environ 250.000 fûts contenant entre 40.000 et 60.000 tonnes de produits pétroliers, ainsi que des avions et des stations de radar y ont été abandonnés après la chute de l'URSS en 1991.

L'Orient le jour

La Russie fait feu de tout bois pour rétablir son influence en Ukraine

La Russie a payé un prix « exorbitant » pour le maintien en Ukraine de sa flotte, a admis l'homme fort de Russie, Vladimir Poutine. Mais le jeu en vaut la chandelle, selon Moscou, qui multiplie les initiatives pour rétablir son influence historique sur l'Ukraine. « Pour nous, ce n'est pas une question d'argent », a résumé M. Poutine, le Premier ministre, tout en plaisantant sur le fait que les 40 milliards de dollars versés pour garder en Crimée la flotte russe de la mer Noire auraient pu lui permettre de « manger le président ukrainien ».

Cette flotte est le symbole du regain de l'influence russe en Ukraine sous le nouveau président ukrainien Viktor Ianoukovitch, après un quinquennat de conflits sous son prédécesseur prooccidental Viktor Iouchtchenko, qui souhaitait voir les navires de guerre russes quitter l'Ukraine en 2017. « Toute sorte de politique extérieure efficace coûte cher », explique Mikhaïl Marguelov, chef de la commission des Affaires étrangères au Sénat russe, dans une tribune publiée hier par le quotidien Kommersant. « Surtout si Moscou a l'intention d'être leader dans l'espace postsoviétique », poursuit-il.

Mais cette résurgence russe n'est pas du goût de tout le monde, en témoigne la ratification houleuse mardi de l'accord sur la flotte russe pendant une séance du Parlement ukrainien troublée par des bagarres ainsi que des jets de fumigènes et d'œufs. Car la Russie a contrôlé la majeure partie du territoire de l'Ukraine pendant des siècles, à l'époque tsariste comme sous l'Union soviétique, une domination qui est loin d'avoir laissé de bons souvenirs à tous les Ukrainiens. L'indépendance de l'Ukraine en 1991 après la dislocation de l'URSS a mis fin au contrôle de Moscou sur cette république pauvre en ressources énergétiques (charbon excepté), mais aux terres fertiles. La révolution orange en 2004, ayant porté au pouvoir M. Iouchtchenko et marqué un virage spectaculaire vers l'Ouest, est toujours considérée par plusieurs observateurs comme la défaite la plus douloureuse de Vladimir Poutine, alors président et soutien du prorusse Viktor Ianoukovitch. Mais le balancier a basculé de l'autre côté après la victoire de M. Ianoukovitch à la présidentielle en début d'année, un phénomène que Moscou a su exploiter à une vitesse surprenante.

« L'idée russe est de faire revenir l'Ukraine dans son orbite et de la tenir à l'écart de l'influence des institutions occidentales », commente Nico Lange, directeur de la Fondation Konrad Adenauer à Kiev. « La Russie s'efforce de conclure toute une série d'accords à long terme avec l'Ukraine en un temps record. C'est incroyable comme cela va vite », ajoute-il. M. Ianoukovitch, qui doit faire face à une grave crise économique, a obtenu une réduction de 30 % du prix de gaz russe en échange du maintien de la flotte russe jusqu'en 2042, soit environ 40 milliards de dollars sur 10 ans. « Il y a cinq ans, l'Ukraine avait un rêve : l'Europe. Aujourd'hui, il est plus pragmatique du point de vue des autorités de se rapprocher de Moscou », estime Andreï Riabov, du centre Carnegie à Moscou. « L'Ukraine obtient un carburant bon marché et des emplois, et voit la nécessité de réformer son économie remise à plus tard », analyse-t-il.

Quelques jours après la signature par M. Ianoukovitch et son homologue russe Dmitri Medvedev de l'accord sur la flotte, M. Poutine s'est rendu à Kiev pour sceller cette nouvelle relation. Il y a fait une proposition sans précédent d'unir à terme les importantes industries nucléaires civiles des deux pays. Selon des informations de presse, la Russie souhaiterait également prendre une participation de 50 % dans l'avionneur ukrainien Antonov, fondé à l'époque soviétique et connu pour ses gigantesques avions cargo.

Le Monde

La police autrichienne relie le président tchétchène au meurtre d'un opposant

Pour la première fois, un service de police occidental a établi un lien entre le président tchétchène Ramzan Kadyrov - principal allié de Moscou dans cette république du Caucase ravagée par des guerres d'indépendance - et le meurtre d'un opposant à son régime, tué par balles à Vienne le 13 janvier 2009.

Au terme d'une longue enquête, le Bureau de la sécurité et du contre-terrorisme de Vienne (LVT) a établi les preuves que les meurtriers supposés d'Oumar Israïlov, un ancien rebelle tchétchène qui avait ensuite servi de garde du corps à M. Kadyrov, ont eu des contacts avec un proche conseiller de celui-ci, Shakya Turlayev. L'un des hommes qui traquaient M. Israïlov et ont fini par le tuer en pleine rue, a notamment composé peu après le meurtre un numéro de cellulaire russe utilisé par le conseiller présidentiel, révèle le dossier que les enquêteurs du LVT ont remis à la justice autrichienne. Certains éléments ont été divulgués, mardi 27 avril, par le New York Times.

M. Kadyrov a aussitôt démenti toute implication. Il a même convoqué des correspondants étrangers en poste à Moscou, qu'il a reçus à une heure du matin, la nuit de mardi à mercredi, dans sa résidence proche de Grozny, la capitale tchétchène. Cet homme de 33 ans, que des témoins ou victimes de ses interrogatoires décrivent comme "sadique", a déclaré aux journalistes respecter scrupuleusement les lois de l'islam et celles de la Fédération russe. "Mais on m'accuse chaque fois que le sang coule quelque part !", proteste le protégé de Vladimir Poutine.

Or l'enquête du LVT, qui pourrait déboucher sur des inculpations, notamment de trois suspects détenus en Autriche, est gênante pour l'homme fort de la Tchétchénie ou ses mentors russes. Mais aussi pour les autorités autrichiennes. A trois reprises, celles-ci ont négligé de protéger des témoins à charge contre M. Kadyrov, accuse le député Vert Peter Pilz, spécialiste des questions de sécurité.

Trois informateurs l'ont payé de leur vie, a affirmé mercredi à Vienne M. Pilz, membre du Conseil national de sécurité. Le plus connu est M. Israïlov : ce jeune père de famille réfugié en Autriche après avoir assisté et participé aux exactions commises par la contre insurrection en Tchétchénie, avait attiré l'attention internationale en déposant contre M. Kadyrov, à l'été 2008, une plainte pour torture auprès de la Cour européenne des droits de l'homme.

Il avait ensuite demandé à l'Autriche une protection rapprochée, qui lui a été refusée : en cas de problème, il n'avait qu'à composer le numéro d'urgence de la police, lui a-t-on répondu. Une phrase du rapport du LVT est explosive : "Puisque l'on sait (...) que Kadyrov n'hésite pas, pour arriver à ses fins, à torturer et à exercer d'autres formes de représailles, il faut accorder foi aux déclarations de Israïlov et supposer que l'ordre de (LE)tuer était bien venu du sommet de la hiérarchie", c'est-à-dire de "Kadyrov", précise le texte reproduit par l'hebdomadaire viennois Falter.

"Particulièrement tragiques", selon l'hebdomadaire, sont les cas de deux informateurs tchétchènes qui avaient fourni à la police viennoise des éléments précieux sur la traque d'Israïlov et sur le service de renseignement quasi militaire monté par le régime de Grozny pour espionner, et le cas échéant éliminer physiquement, les opposants réfugiés à l'étranger.

L'un d'eux, "Salman M.", a été tué par balles en Azerbaïdjan à l'automne 2009. L'autre, Artour Kourmakaev, avait informé Vienne qu'Israïlov, ayant refusé de retourner en Tchétchénie, serait probablement exécuté. Il s'est pourtant vu refuser l'asile en Autriche et a dû embarquer, à l'été 2008, dans un vol à destination de Moscou, où M. Pilz a pu l'appeler peu après sur son numéro de cellulaire autrichien. Le rapport du LVT signale que M. Kourmakaev a dû quitter le pays après le rejet de sa demande d'asile et "n'est sans doute plus en vie". M. Pilz rappelle que l'Autriche a conclu, en 2002, un accord pour la formation d'agents du FSB russe, dont les termes sont restés jusqu'à ce jour secrets.

 

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