Grandeur et décadence de Mikhaïl Gorbatchev

© RIA Novosti . Valerii Melnikov / Accéder à la base multimédiaMikhaïl Gorbatchev
Mikhaïl Gorbatchev - Sputnik Afrique
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Deux principales dates de la biographie de Mikhaïl Gorbatchev sont le 11 mars 1985, lorsqu'il fut élu Secrétaire général du Comité central du PCUS (le Parti communiste de l'Union Soviétique) et le 15 mars 1990, lorsqu'il fut élu président de l'URSS. En cinq ans et quatre jours, Mikhaïl Gorbatchev sut vivement impressionner non seulement son pays, mais aussi le monde entier.

Deux principales dates de la biographie de Mikhaïl Gorbatchev sont le 11 mars 1985, lorsqu'il fut élu Secrétaire général du Comité central du PCUS (le Parti communiste de l'Union Soviétique) et le 15 mars 1990, lorsqu'il fut élu président de l'URSS. En cinq ans et quatre jours, Mikhaïl Gorbatchev sut vivement impressionner non seulement son pays, mais aussi le monde entier.

L'aube de la perestroïka (la restructuration) pointait déjà il y a 25 ans, mais personne ne l'avait alors remarqué. Ce mot n'existait même pas, il est apparu plus tard par opposition à l'"époque de stagnation". Le seul trait distinctif du nouveau leader du parti était son âge. Après les vieux caciques dirigeaient l'Union Soviétique, un homme politique relativement jeune - 54 ans - prit le gouvernail, ce qui inspirait déjà un espoir de renouveau.

Il y a 20 ans, un vent de changements soufflait déjà, mais cela n'était pas suffisant pour les citoyens aux idées avancées qui voulaient aller toujours plus loin. Le dramaturge Mikhaïl Chatrov avait écrit une pièce durant la période de perestroïka intitulée "Plus loin, plus loin…" L'Etat et la société se métamorphosaient, ce dont témoignaient les changements importants dans les procédures électorales.

En mars 1985, les membres du Bureau politique du Comité central du PCUS et les délégués de la session plénière du parti votèrent unanimement pour le nouveau Secrétaire général. Pour de nombreux délégués, surtout ceux de l'échelon régional, la candidature de Gorbatchev surprenait, mais ils se gardèrent bien d'émettre leur opinion, ne posèrent pas de questions et applaudirent unanimement.

En mars 1990, la candidature au poste inhabituel de président n'eut non plus d'alternatives et ne fut une surprise pour personne. Le vote eut lieu non pas à huis clos, mais sous les yeux des millions de téléspectateurs qui suivaient attentivement la séance du Congrès extraordinaire des députés du peuple de l'URSS.

Cela ressemblait déjà à un parlement. Les députés exprimaient ouvertement leurs avis, y compris les plus critiques, car ils étaient déjà habitués et n'avaient pas peur. Des questions insidieuses furent posées et le président Gorbatchev ne fut pas élu unanimement. Il recueillit 495 voix "contre" et 1329 "pour", c'est-à-dire 59,2% du nombre total des députés du peuple de l'URSS. Il arrive que les présidents russes recueillent plus de voix en leur faveur, il est vrai, aux élections générales.

Gorbatchev pouvait-il accepter de participer à celles-ci? Cette question relève de la spéculation. Tout simplement, il ne le jugeait pas nécessaire. Alors que, théoriquement, il avait encore des chances de remporter des succès au printemps 1990, et pas seulement en Russie.

Les rapports entre Mikhaïl Gorbatchev et les électeurs étaient complexes et contradictoires. Il acquit rapidement une immense  popularité parmi les intellectuels qu'il perdit au bout de cinq ans. Le rôle principal fut joué par la glasnost (la transparence). Les larges masses trouvaient cela, pour l'essentiel, à leur goût. Qui ne veut pas voir ses supérieurs  sévèrement critiqués et punis?

Mais le peuple avait également son addition à présenter au réformateur du parti. Pour une bonne partie des Soviétiques, la perestroïka avait commencé par le décret du Présidium du Soviet Suprême de l'URSS du 16 mai 1985 sur le renforcement de la lutte contre l'ivrognerie, l'alcoolisme et la fabrication de vodka artisanale.

Il serait erroné de penser que "tout le peuple" accueillit  négativement cette mesure. Par exemple, elle fut approuvée par les femmes. Mais, chez nous, on sait porter à l'absurde même une initiative raisonnable, en célébrant, par exemple, des "noces sans alcool". Je me souviens d'une fête de la rédaction, lorsque nous avions versé de la vodka sous la table, alors que des boissons non alcoolisées et des hors-d'oeuvre se trouvaient sur la table. Etant au courant de cela, les chefs exigèrent de donner l'apparence de sobriété. Bref, c'était une "lutte contre l'alcool" selon le principe suivant: "le monde ne punit pas les erreurs, mais il exige qu'elles soient gardées secrètes".

La loi gorbatchévienne de "semi-abstinence" eut des conséquences différentes. Selon les statistiques, la diminution des ventes d'alcool s'accompagna d'un accroissement de l'espérance de vie, de la natalité et d'une diminution de la mortalité. Cependant, la hausse du prix de la vodka et la difficulté d'accéder aux rayons des vins avaient compromis la réputation du Secrétaire général, plus précisément du "Secrétaire minéral" (de l'eau minérale), comme il fut immédiatement surnommé par des humoristes populaires.

Autre circonstance digne d'intérêt. Il s'avère que les deux révolutions russes du XXe siècle – celles de 1917 et de 1991 – se produisirent après une lutte opiniâtre contre l'ivrognerie et l'alcoolisme. En 1913, la Russie tsariste prérévolutionnaire promulgua une loi sur l'abstinence totale qui ne fut pas non plus rigoureusement respectée. Quelques années après la campagne anti-alcool gorbatchévienne, l'Union Soviétique s'écroula.

Y a-t-il un lien entre ceux événements?  Il y a néanmoins une coïncidence curieuse, d'ailleurs, confirmée par une anecdote apparue peu après 1985: "Un télégramme urgent arrive au Kremlin d'un chef-lieu de région perdu: "Envoyez d'urgence deux wagons de vodka. Le peuple s'est dégrisé et demande: qu'est devenu notre cher tsar?"

Il y a probablement une part de vrai dans cette plaisanterie, car les révolutions sont accomplies par des gens sobres. Il est vrai, avant mars 1990, la lutte contre l'alcoolisme était, en fait, terminée. Mais la situation révolutionnaire n'était pas venue à maturité. Les dirigeants pouvaient encore faire quelque chose, mais le peuple ne voulait pas agir. Au bout des cinq premières années de sa direction, Mikhaïl Gorbatchev avait atteint le point culminant de son activité, après quoi son déclin irrésistible fut inévitable.

Ce texte n'engage que la responsabilité de l'auteur.

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