Les relations russo-françaises vues par Thomas Gomart, directeur du centre Russie/NEI de l'IFRI

Thomas Gomart
Thomas Gomart - Sputnik Afrique
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La Russie n’a pas toujours une très bonne image en France et l'année croisée France-Russie va permettre de présenter la Russie sous d’autres aspects.

La Russie n’a pas toujours une très bonne image en France et l'année croisée France-Russie va permettre de présenter la Russie sous d’autres aspects.

- Quelles sont les perspectives dans les relations franco-russes?

La visite d’État en France du Président Medvedev marque une nouvelle progression dans les relations entre la Russie et la France. Il s’agit d’une relation qui s’intensifie sur le plan économique et aussi sur le plan politique malgré la persistance d’un certain nombre de différends. Mais c’est évidement une visite très importante pour la diplomatie française.

Je crois que cette relation franco-russe est extrêmement importante dans deux cadres principaux. Tout d’abord les relations entre l’Union Européenne et la Russie sont des relations structurantes pour les deux parties, et en particulier pour la Russie puisque l’Union Européenne représente entre 55 et 60 % de son commerce extérieure. Elle est également importante pour l’Europe puisque la Russie est le troisième partenaire commercial de l’Union Européenne et que la Russie joue un rôle très important dans les approvisionnements énergétiques de l’Europe. Ces relations entre Paris et Moscou constituent donc une des vertèbres des relations entre l’Union Européenne et la Russie.

Le deuxième cadre très important est évidement celui des rapports entre l’OTAN et la Russie puisque on est finalement en présence d’une situation de sécurité qui n’est toujours pas stabilisée après la guerre de Géorgie, d’une part avec l’initiative Medvedev, de l’autre avec l’élaboration du côté de l’OTAN du nouveau concept stratégique. L’enjeu est bien pour la Russie de trouver une place dans l’architecture de la sécurité européenne, une place qui lui convienne et en même temps une place qui soit aussi acceptée par les autres partenaires européens et en particulier par ceux qu’on appelle encore les nouveaux membres de l’OTAN, et en particulier les pays Baltes.

Dans ce cadre-là, la relation entre la Russie et la France est importante dans la mesure où la France est revenue dans le commandement intégré de l’OTAN au printemps 2009 et qu’il n’y a donc plus dans la politique étrangère française l’ambiguïté habituelle entre ce qui d’un côté relevait de l’alliance, et ce qui de l’autre relevait de l’organisation militaire à proprement parler.

Les Français sont presque pleinement intégrés à l’OTAN et d’une certaine manière il y a une volonté française d’essayer de faire évoluer les relations entre l’OTAN et la Russie. Cela renvoie notamment aux discussions qui ont court aujourd’hui sur le navire Mistral c'est-à-dire la perspective que la marine russe puisse acheter des bâtiments de projection et de coopération.

Il y a ensuite un troisième niveau dans cette relation bilatérale importante ce qu’on appelle la relation dans le cadre de la géopolitique tout globale de l’énergie puisque la Russie est évidemment un des acteurs principaux dans le domaine énergétique tant au niveau pétrolier, qu’au niveau gazier, que ça soit en matière nucléaire ou pour d’autres énergies fossiles aussi comme le charbon. Et la France a aussi une politique énergétique qui s’inscrit dans la politique européenne, qui repose en grande partie sur le nucléaire et qui s’appuie sur des groupes énergétiques de taille mondiale pour lesquels la Russie est évidemment un pays important. Je crois donc que cette relation aussi bilatérale doit se comprendre dans ce sens.

- Chaque année on a l’année d’un pays dans un autre. Est-ce que l’année croisée va changer quelque chose dans les relations franco-russes, dans la vie quotidienne des gens? Est-ce que cela va susciter plus d'intérêt de la part des Français pour les Russes et des Russes pour les Français?

C’est difficile à dire. La Russie n’a pas toujours une très bonne image en France et justement cette année croisée va permettre de présenter la Russie sous d’autres aspects que ceux que j’ai précédemment mentionnés, c'est-à-dire une puissance énergétique, une puissance militaire, sous l’angle des relations avec l’OTAN. Cela va permettre de montrer que la Russie a aussi une vie intellectuelle et culturelle qui témoigne d’initiatives, et une activité de la société russe souvent méconnue en France. En ce sens c’est positif. Cela fonctionne aussi en sens inverse : il y a peut-être une série de clichés en Russie sur ce qu’est réellement la France et cette année croisée va peut-être permettre de comprendre que c’est une société aussi plus complexe, beaucoup plus métissée que la manière dont peut-être on se la représente traditionnellement en Russie et que par exemple la vie culturelle, la vie littéraire dépasse largement la lecture des classiques etc. Cela me semble positif. Maintenant la France bénéficie plutôt d’une image favorable en Russie. C’est après l’Inde, la Finlande le pays qui est le plus souvent cité dans les enquêtes d’opinion par  les Russes, par conséquent cette année croisée ne va pas modifier radicalement la situation, on ne connaîtra pas une croissance extrêmement rapide des investissements etc. mais je crois en revanche que cela permettra de modifier et de corriger certaines images.

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