«Un regard sans frontières»: Saga immobilière franco-russe

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Ce bâtiment n’est pas très beau. Datant de 1948 et reconstruit en 1960, il est plutôt sobre et austère, style d’après-guerre. Mais son emplacement très « pignon sur rue » a fait rêver bien des investisseurs. L’immeuble est situé dans le VIIe arrondissement de Paris, quai Branly, à quelques centaines de mètres de la Tour Eiffel. Depuis quelques jours, cet ancien bâtiment de Méteo-France appartient à l'État russe qui aurait déboursé plus de 60 millions d’euros pour transformer les quelque 8 500 mètres du bâtiment en centre culturel et spirituel.
Pourquoi cette vente ? D’après le Ministère du Budget français, l'Etat vend régulièrement des biens immobiliers qu'il juge "inutiles au service public". Au cours des cinq dernières années, cette politique "a rapporté à la France près de 3 milliards d'euros". Cette fois également, l'Etat français a décidé de vendre le siège de Météo France afin d’ajouter quelques millions d’euros à son escarcelle. D’autant plus que le marché immobilier en est hausse.
Et la Russie, que signifie pour elle cet achat, semble-t-il assez emblématique ? Ce n’est pas pour rien que l’Etat russe, en la personne de l’administration présidentelle, a proposé le prix le plus élevé en devançant dans ce tournoi d’achat, l’Arabie Sahoudite et le Canada. On pourrait penser qu’il s’agit d’y transférer le Centre de Russie pour la science et la culture, situé aujourd’hui rue Boissière dans le XVIe. Mais en fait, non. L’État russe a décidé d’inaugurer quai Branly quelque chose de totalement nouveau, et en même temps très en phase avec son actuelle politique de soutien de l’orthodoxie, à savoir un centre spirituel orthodoxe comprenant, entre autre, un seminaire destiné à la formation des prêtres pour les paroisses étrangères du Patriarcat de Moscou. Les travaux de réaménagement doivent débuter en 2011.
Mais si du côté russe, on se félicite de la victoire, en France, il y a des voix qui s’élèvent contre la transaction ou qui veulent en tirer un avantage. Il s’agit en premier lieu des porteurs d’emprunts russes qui seraient encore quelque 316.000 à détenir ces bons dont la valeur est estimée à 100 milliards d'euros ! Les héritiers des investisseurs floués par la révolution bolchévique sont déjà partis à l’assaut de la cathédrale de Nice, donnée par la justice française à L’Etat russe le 20 janvier dernier. Leur logique est la suivante : pour se voir reconnaître la propriété de la cathédrale Saint-Nicolas, la Fédération de Russie a plaidé la “continuité de l'État” depuis le tsar ; alors, ce qui vaut pour un bien, doit valoir pour des dettes. L’achat par la Russie d’un immeuble à Paris, conclue il y a quelques jous, va stimuler davantage l’activité des héritiers. Moscou, pour sa part, ne reconnaît pas ces plaintes en estimant que le dossier est clos. Le fait est qu’en 1996, la Russie avait déjà versé aux porteurs d’emprunts 400 millions dollars. C’est peu, mais en acceptant ce versement, l’Etat français avait, semble-t-il, tourné la page. Il s’agit maintenant de voir si juridiquement l’accord passé entre les pays était définitif. Quoi qu’il en soit, tout le monde n’est pas content dans cette histoire, et nous risquons d’ententre parler des litiges immobiliers franco-russes encore plus d’une fois.

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