Un coup de froid hivernal se fait sentir dans les relations russo-iraniennes

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Un événement significatif survenu le 19 janvier 2010 semble témoigner d'un certain « refroidissement » des relations entre Moscou et Téhéran.

Un événement significatif survenu le 19 janvier 2010 semble témoigner d'un certain « refroidissement » des relations entre Moscou et Téhéran.
Ce jour-là, les autorités iraniennes ont interdit de survol du territoire iranien un avion de transport russe qui effectuait un vol à Bahreïn avec à son bord un chasseur Su-27SKM (version modernisée du modèle de base destinée à l'exportation) sous prétexte que la demande appropriée n'avait pas été déposée à temps. Or, cela aurait pu compromettre la participation du chasseur russe au Salon aéronautique Bahrain International Airshow 2010 (BIAS-2010). Le soir même, l'autorisation nécessaire a soudain été reçue. Il s'est agi, semble-t-il, d'un regrettable malentendu dans les relations russo-iraniennes qui ne font pourtant que se renforcer.

Le premier signe de détérioration des relations date pourtant de la mi-juin 2009 juste après l'élection présidentielle qui s'est déroulée en République islamique d’Iran sur fond de fraudes massives et qui a suscité l'indignation des habitants et des troubles à Téhéran. Quelques jours après, s’est tenu à Ekaterinbourg un sommet de l'Organisation de coopération de Shanghai (OSC) dans laquelle l'Iran a le statut d'observateur. Le président Mahmoud Ahmadinejad, qui a assisté à ce sommet, a mis la Russie dans une situation embarrassante en la contraignant, de fait, à reconnaître sa victoire aux élections, ce qui a placé Moscou sous le feu de la critique de l'opposition iranienne. Mais les dirigeants russes l'ont fait en comptant établir à l’avenir des rapports de confiance, surtout dans des domaines aussi sensibles que la vente d'armes et le nucléaire civil.

L'événement négatif suivant a eu lieu fin septembre, lorsque le président Dmitri Medvedev a appris, au cours d'un entretien avec son homologue américain, qu'une nouvelle usine d'enrichissement de l'uranium était en cours de construction secrète près de Qom, ville iranienne sacrée pour les chiites. Cela a complètement sapé la confiance que la Russie accordait au programme nucléaire iranien, elle avait d’ailleurs non seulement préservé longtemps l'Iran des sanctions sévères (« traumatisantes ») du Conseil de sécurité de l'ONU, mais aussi continué à coopérer avec l'Iran dans le domaine du nucléaire civil, malgré une puissante pression de l'Occident. En fin de compte, Dmitri Medvedev a dû admettre que de nouvelles sanctions pourraient être prises à l'encontre de l'Iran.

La détérioration des relations russo-iraniennes aurait pu être corrigée au cours des premières négociations à sept, c’est-à-dire les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU, plus l'Allemagne et l'Iran. Elles se sont tenues le 1er octobre 2009 à Genève où Téhéran a accepté les inspections à l'usine en voie de construction à Qom. Une inspection a été effectuée dès la fin du mois d’octobre. En outre, les propositions sur le ré-enrichissement de l'uranium iranien faiblement enrichi (UFE) à l'étranger ont été validées le 21 octobre à Vienne avec la participation de représentants de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), de l'Iran, de la France, de la Russie et des Etats-Unis.

Cette transaction correspond entièrement aux intérêts nationaux iraniens puisque Téhéran ne peut pas acheter du combustible nucléaire pour son réacteur en raison des résolutions prises en ce sens par le Conseil de sécurité de l'ONU. Qui plus est, Moscou comptait intensifier au mois d’octobre la coopération militaire et technique avec Téhéran, comprenant la livraison à l'Iran de cinq batteries de missiles sol-air de longue et de moyenne portée S-300 PMU1. Le contrat sur cette livraison avait été signé il y a quelques années, mais sa mise en œuvre avait été retardée pour des raisons politiques. Le consentement des dirigeants iraniens à l’envoi à l’étranger d'une partie considérable des matières nucléaires accumulées créait un contexte international favorable très nécessaire pour la Russie. Cependant, l'Iran s'est mis à éluder sous toutes sortes de prétextes la mise en œuvre de cette transaction assez avantageuse pour lui en vue de conserver les stocks aussi importants d'uranium faiblement enrichi sur son territoire, ce qui permettait, en cas de leur ré-enrichissement, d'obtenir plus de 60 kg d'uranium à usage militaire. A noter que 25 kg suffisent pour la production d'une bombe nucléaire.

Téhéran a d’autre part manifesté une méfiance évidente envers Moscou en acceptant d'envoyer son UFE, sous le contrôle de l'AIEA, non pas sur le territoire de la Russie, mais en Turquie. Ce faisant, l'Iran a commencé à poser des conditions toujours nouvelles, ce qui rendait la transaction très problématique.

La tension ressentie dans les relations russo-iraniennes s'est encore accrue en décembre lorsque le président Mahmoud Ahmadinejad a chargé son administration d'évaluer le préjudice causé à l'Iran dans les années 1940 par les Etats de la coalition antihitlérienne: l'Union Soviétique, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne. Il ne fait aucun doute que ces exigences financières ne s’adressent pas seulement à Washington et à Londres, mais aussi à Moscou.

L'avenir de nos relations n'inspire pas trop d'optimisme, compte tenu du prochain rapport au sujet de l'Iran, probablement encore plus sévère, qui doit être présenté par le directeur général de l'AIEA Yukiya Amano. Le  soutien apporté par Téhéran à des organisations radicales islamistes comme le Hezbollah libanais et les mouvements palestiniens Hamas et le Djihad islamique, ainsi que le rôle loin d’être toujours positif joué par l'Iran dans le règlement des problèmes irakien, afghan, libanais et celui du Yémen ne promettent pas non plus un avenir serein. La situation s'aggrave encore en raison de l'absence de base économique solide entre nos Etats et de la perception négative de Moscou qu’entretient l'opposition iranienne.

Ce texte n'engage que la responsabilité de l'auteur.

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