Les Oncles Vania avancent en troupes

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Il semble qu’à l'occasion de l'anniversaire de naissance d'Anton Tchékhov, les théâtres sont plus attirés par sa pièce Oncle Vania que par les autres œuvres du grand classique russe.

Il semble qu’à l'occasion de l'anniversaire de naissance d'Anton Tchékhov, les théâtres sont plus attirés par sa pièce Oncle Vania que par les autres œuvres du grand classique russe.

Une série de représentations s’est ouverte au Théâtre Alexandrinsky de Saint-Pétersbourg sous la direction du metteur en scène américain d'origine roumaine Andrei Serban. Aussitôt après, le Théâtre Vakhtangov à Moscou a présenté un spectacle impressionnant avec Sergueï Makovetsky dans le rôle principal, et une version de la même pièce a été proposée par le célèbre réalisateur Andreï Kontchalovsky au Théâtre Mossoviet.

L'épidémie des Oncles Vania a également frappé Paris où sont présentées deux versions de cette pièce : celle de Rodolphe Dana et de Katja Hunsinger (« le Collectif Les Possédés ») et celle de Marcel Maréchal, le directeur du théâtre ambulant « Les Tréteaux de France ». A Berlin, au Deutsch Theater, la mise en scène de Jürgen Gosch a été un événement. « Oncle Vania » monté par Daniel Veronese (Buenos Aires) jouit d'un grand succès en Europe et il sera bientôt possible de le voir à Moscou puisque les Argentins présenteront ce spectacle l'été prochain au Festival international de théâtre Tchékhov.

Cette recension, loin d'être complète, suffit à s’interroger sur la logique cachée des processus culturels communs. Il est peu probable que ce brusque regain d’intérêt puisse s’expliquer par la seule présence, dans les troupes, de brillants acteurs quinquagénaires avides de bons rôles. Il y a probablement quelque chose dans notre époque qui nous oblige, ainsi que les Européens, et même les Argentins, à prêter attention à l'image de l'oncle Vania (Ivan Petrovitch Voïnitsky).

En ce qui concerne les interprétations du rôle de l'oncle Vania en Russie, toutes les mises en scène constituent une révision plus ou moins évidente de la compassion ressentie à l’égard de ce personnage. L'oncle Vania interprété par Sergueï Parchine (Théâtre Alexandrinsky de Saint-Pétersbourg), Sergueï Makovetsky (Théâtre Vakhtangov) ou Pavel Derevianko (Théâtre Mossoviet) n’aurait certainement pas engendré un Schopenhauer ou un Dostoïevsky. Tous ces personnages appartiennent, chacun à sa manière, au type de gens « qui voulaient faire quelque chose de bien ». Les metteurs en scène issus de différentes écoles et de divers pays qui dirigent nos acteurs comme, par exemple, Andrei Serban, Rimas Tuminas et Andreï Kontchalovsky ne sont pas enclins à éprouver de la compassion pour Ivan Petrovitch en accentuant la faute du professeur Serebriakov. Il serait probablement injuste d'expliquer la vie inconsistante de l'un des deux par celle de l'autre. Chacun d'entre eux a perdu de vue le sens de sa vie et créé son présent peu réjouissant par ses propres actes, et non pas par ceux d'autrui.

L'attitude d'Andrei Kontchalovsky envers l'oncle Vania est probablement la plus radicale. On le sent notamment à cause de son film tourné d'après cette pièce d'Anton Tchékhov voici quarante ans. Le rôle de l'oncle Vania y avait été interprété par Innokenti Smoktounovsky. L'intellectuel impulsif qui, lui non plus, n’aurait pu devenir un Schopenhauer, aurait pu tout à fait devenir un Tourgueniev.

Analysant ce changement de type par Andreï Kontchalovsky et la façon dont il le ravale à un autre rang, on est témoin non seulement d'une nouvelle interprétation, mais aussi d'une polémique cachée et menée par le réalisateur avec soi-même. Son oncle Vania est un homme mesquin, un jaloux caustique. Sans les mots d’esprit tchékhoviens prononcés par Ivan Petrovitch et grâce auxquels on estime qu'il a lu, sinon Dostoïevsky, du moins Sologoub (homme de lettres russe), Voïnitsky ressemblerait plutôt à un intendant. Lorsque, dans le premier acte, il sort la cravate au cou, ce qui retient le regard méchant d'Astrov, Vania est tout simplement ridicule. Cet homme vivant à la campagne qui vendait de l'huile de lin met tout à coup une cravate, on le devine amoureux d'Elena Andreïevna qui doit faire son apparition au petit déjeuner alors que ce sont les lycéens qui retiennent ainsi l'attention des femmes, et non pas les hommes à l’approche de la cinquantaine.

D’ailleurs, dans le spectacle de Peter Stein mis en scène jadis avec des acteurs italiens, l’oncle Vania sortait avec un ruban de soie noué, mais il était tout de suite clair qu'il le portait toujours, soucieux de ne pas se relâcher dans l’ennui du quotidien. Or, personne ne prendra au sérieux Voïnitsky dans l'interprétation de Pavel Derevianko. Le metteur en scène y voit non seulement le malheur du personnage, mais aussi celui du caractère national.

Ce texte n'engage que la responsabilité de l'auteur.

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