Il y a 10 ans, le 31 décembre 1999, le premier président de la Fédération de Russie, Boris Eltsine, présentait sa démission. Les Russes ont appris cette décision au cours de son discours télévisé du 31 décembre. La veuve du premier président de la Russie postsoviétique, Naïna Eltsine, raconte dans une interview accordée à Ria Novosti, cette décision, et comment la famille Eltsine a fêté le Nouvel An 2000, la table et les cadeaux.
-Comment vous avez fêté le Nouvel An 2000 ? En famille ? Qui était à table, qui vous a appelé, qui vous a rendu visite ? Quelle était atmosphère ce jour- la? Est-ce que Boris Eltsine était triste ou au contraire excité? Est-ce que vous avez longtemps célébré la fête et est-ce que vous êtes allé coucher tôt ?
-Tout était comme d’habitude. Nous nous sommes réunis autour de notre grande table. Mais c’était en même temps un Nouvel An particulier. Comme si nous nous étions libérés de la lourde charge qui pesait sur nous au cours de ces dernières années. Nous plaisantions. Nous nous amusions, nous faisions des projets. Nous savions que nous n’appartenions plus qu’à nous-mêmes. C’est un sentiment étonnant. Boris plaisantait, souriait. Il était très content. Il sentait qu’il a fait une grande chose. Nous avons fêté le Nouvel An comme d’habitude- la première fois à 10 heures d’après l’heure d’Ekaterinbourg, c’est notre tradition à nous. On a branché la télé. Et là, près du sapin dans le cabinet du Kremlin, ce n’était pas Boris mais Vladimir. Les invités sont partis vers 2 heures. Le lendemain matin nous n’avions pas à nous dépêcher. Et pas seulement le lendemain matin. Nous avons commencé une nouvelle vie et ce fût une grande joie.
-Vos parents comment ont-ils réagi à cette décision? Est-ce que dans votre famille on le savait déjà? Est-ce que Boris en a parlé avec vous avant de prendre sa décision?
-Boris ne parlait jamais de son travail à la maison. Il n’aimait pas ça. Bien sûr nous voulions le questionner, écouter son opinion. Mais à la maison, il préférait parler des affaires domestiques. Et cette fois d’autant plus. Il a parlé de cette décision avec ces collaborateurs les plus proches. Tania (la fille de Boris Eltsine) était au courant, elle travaillait auprès de lui comme conseillère, de même que le chef de l’administration présidentielle Alexandre Volochine. A moi il ne l’a dit que le 31 décembre, avant de partir au Kremlin. Il me l’a dit dans l’antichambre, avant de monter dans la voiture. Je me suis jeté à son cou, je m’en suis réjoui. Je pouvais à peine retenir mes larmes. Et à midi, quand il a prononcé son discours télévisé, toute notre famille a appris la nouvelle. Et tous ont eu la même réaction : nous étions très joyeux.
Nous avons tous été extrêmement fatigué par ces dix ans entre 1991 et 1999. Ma petite fille Masha m’a demandé: «Grande- mère, est-ce que maintenant nous n’aurons que des droits et plus de devoirs ?»
-Est-ce que votre mari préparait longtemps à l’avance de telles décisions, ou est-ce qu’il se fiait à ses intuitions?
-Il réfléchissait longtemps à ses décisions mais en même temps il se fiait à ses intuitions.
Je pense que l’impulsion qui l’a fait réfléchir à cette décision, ce sont les résultats des législatives, qui avaient eu lieu au mois de décembre. Le nouveau parti Edinstvo, soutenu par Vladimir Poutine, avait montré de bons résultats aux élections. Et Boris a décidé que le temps était venu de céder la place à un nouveau leadeur, de lui donner la possibilité d’être à la tête du pays. Et il a présenté sa démission.
-Est-ce qu’il prêtait l'oreille à vos conseils ou aux conseils de quelqu’un d’autre ?
J’ai déjà dit qu’à la maison il n’aimait pas parler de son travail. Il était mécontent si quelqu’un commençait à parler politique ou économie. C’est pourquoi nous ne lui donnions pas de conseils. Bien que, certes, nous nous inquiétions de ce qui ce passait dans le pays et nous voulions que la situation s’améliore.
-Vous souvenez-vous de quelque chose de remarquable cette année-là outre la démission de Boris?
-Non, cette année n’avait rien de particulier par rapport aux autres. Mais sans doute cette année a été marqué par une certaine légèreté.
-Comment on fêtait le Nouvel An dans votre famille ? Qu’est-ce qu’il y avait sur la table, qu’est-ce qu’aimait le plus Boris?
Il aimait beaucoup ma spécialité : les pelménis au poisson. Sinon notre table ressemblait beaucoup à une table traditionnelle. Il y avait nécessairement la salade russe, sans qui le Nouvel An n’est pas une fête. Poisson en gelée, veau en gelée, lard, concombres et les tomates en saumure. Et un assortiment de salades.
Toute notre famille aimait mes pâtisseries: petits fours au fromage blanc, gâteaux au citron, tarte de farine à base de fleur de merisier. Tout ça était sur notre table.
Qu’est-ce que vous lui avez offert pour ce Nouvel An? Est-ce qu’il aimait offrir des cadeaux? Quel cadeau le plus joli ou le plus agréable vous a-t-il fait pour Nouvel An ou pour une autre fête?
Boris aimait offrir des cadeaux. Et ce depuis le temps quand nous habitions à Sverdlovsk. Il jouait toujours le Père Noël. Et à Moscou c’est Tania, notre Snegourotchka, qui l’aidait. Ils gardaient en secret tous les cadeaux. Les invités arrivaient vers 20 heures. On était assis longtemps autour de la table, on portait les toasts. Puis nous nous rassemblions autour du sapin, sous lequel il y avait des cadeaux pour tous. Le Père Noël prononçait le nom: Vania par exemple, il s’approchait du sapin et récitait s’il le voulait les vers. Snegourotchka prenait le cadeau sous le sapin et le Père Noel le décernait solennellement. Les adultes ne lisaient pas les vers mais s’approchaient aussi du sapin. Notre famille est grande, avec les parents ça fait plus de vingt personnes. Alors la procédure durait au moins une heure. Boris m’offrait chaque fois quelque chose de particulier. Je me rappelle qu’il m’a offert un beau sac de soirée, une autre fois une écharpe douce en cachemire. Une fois il m’a offert les boucles d’oreilles. Et trois mois après pour mon anniversaire, une bague qui allait avec ces boucles d’oreilles. Jusqu'à aujourd’hui ce sont mes bijoux préférés.
Ou en sont les choses avec la construction du centre Boris Eltsine à Ekaterinbourg ?
Quels sont vos souhaits et est-ce que les créateurs en prennent compte?
-Pour l’instant le projet n’en est qu’au début. La loi adoptée par notre Douma (chambre basse du parlement russe) prévoit la création de centres semblables pour chacun des présidents russes. Nous sommes les premiers. Je voudrais que ce ne soit pas seulement un musée mais un vrai centre culturel pour Ekaterinbourg, que tous ceux qui y viennent y trouvent quelque chose d’intéressant.
Quelle est votre position sur le fait que dans ce musée on va assigner un lieu particulier au musée d’Egor Gaïdar?
Sans aucun doute chacun de ceux qui ont contribué de manière particulière au développement de la Nouvelle Russie doivent être représentés dans ce centre. Et évidemment Egor Gaïdar, avec lequel Boris avait des relations particulières et de confiance doit être représenté à cet endroit.
Quels sont les compagnons de Boris Eltsine que vous voyez ? Rencontrez-vous souvent des camarades d’étude? Ou vous rencontrez-vous?
Avec mes camarades d’étude, nous nous voyons chaque fois que je viens à Ekaterinbourg. Nous nous rappelons notre vie d’étudiant, chaque rencontre est inoubliable. Avec les compagnons de Boris, nous nous voyons le jour de son anniversaire. Pour nous tous c’est une journée particulière. Ou à présent à la veille du Nouvel An, beaucoup de monde m’appelle et me souhaite ses vœux, et avant tout ceux qui ont travaillé avec Boris. Et je rends visite presque chaque jour à mes filles et mes petits-fils.