Dmitri Medvedev : "Ce fut une année difficile, mais sans pertes graves"

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Le président russe Dmitri Medvedev a accordé une interview en direct aux responsables des trois chaînes fédérales de télévision: La Première chaîne, Rossia et NTV.

Le président russe Dmitri Medvedev a accordé une interview en direct aux responsables des trois chaînes fédérales de télévision: La Première chaîne, Rossia et NTV.

 Au début de l'entretien, il a parlé économie : le chef de l'Etat a énuméré les succès de la lutte contre la crise économique et fixé les objectifs pour l'avenir.

Selon le président, le mérite principal des autorités est "d'avoir réussi à passer cette année difficile sans pertes graves", le principal objectif pour les années à venir est d'engager l'économie nationale sur la voie de l’innovation"

Dmitri Medvedev a mis l'accent sur trois succès importants du pouvoir russe commençant tous par le mot "conservation" et concernant la stabilité sociale, les grandes entreprises et la stabilité financière. Le chef de l'Etat a tout particulièrement souligné les succès enregistrés dans le domaine social: "aucun engagement social n'a été suspendu, au contraire, cette année, nous passons à un nouveau système d'octroi des retraites, nous avons commencé à les augmenter". Selon le président, les pensions se sont accrues d'un tiers en valeur nominale et d'un quart en valeur réelle.

La conservation des grandes entreprises est un autre mérite de la politique anti-crise appliquée par les autorités: aucune grande entreprise n'est en faillite, leurs personnels ont des emplois. Lorsque la production a été temporairement suspendue,  des allocations ont été versées aux travailleurs. Enfin, grâce aux efforts du gouvernement et de la Banque centrale, le système financier fonctionne et fin 2009, le taux d'inflation sera inférieur à celui de l'an passé : 9% contre 13%.

Les experts ont maintes fois souligné que toutes les mesures anti-crise prises par les autorités étaient subordonnées à une seule idée : maintenir la stabilité sociale. En effet, aussi bien le soutien apporté au secteur bancaire que la conservation des grandes productions, souvent inefficaces, ont poursuivi l'objectif de prévenir des protestations et des ébranlements dans le pays. Et effectivement cet objectif a été atteint. Cependant, des engagements sociaux exagérés, selon certains économistes, ont réduit les possibilités du budget de financer l'économie. Cela n'a pas permis d'exécuter efficacement des tâches aussi sérieuses que, disons, la modernisation du secteur technique national ou la création de mécanismes de migration intérieure, ce qui aurait permis de régler le problème du chômage dans certaines régions et celui du manque de main-d’œuvre dans d'autres.

Quant au taux d'inflation sensiblement inférieur à celui de l'année dernière, cela ne saurait être considéré comme une victoire des autorités. Le ralentissement de la hausse des prix, plus précisément, la diminution de la demande, est dû à l'afflux du capital spéculatif sur le marché russe et à certains facteurs saisonniers.

En ce qui concerne les perspectives de l'économie russe, elles dépendent aujourd'hui entièrement des tendances mondiales. Autrement dit, la Russie ne peut qu'attendre le rétablissement de la demande de matières premières et la réanimation du marché des crédits. L'espoir principal, sinon unique, de l'économie mondiale, ce sont les grands pays émergents, la Chine et l'Inde, dont les économies croissantes doivent créer une demande en matières premières et en articles manufacturés.

Cependant, comme l'a déclaré hier lors d'une conférence de presse le premier vice-premier ministre et ministre des Finances, Alexeï Koudrine, l'année prochaine, "tous les risques" de l'économie mondiale seront encore présents. C’est à dire l'accroissement immense des dettes nationales de toute une série de pays, la menace d'accroissement de l'inflation et la réduction des crédits dans les économies du monde. Rappelons que les gouvernements de plusieurs pays, y compris de la Russie, recourront l'année prochaine à d'importants emprunts, en faisant concurrence aux compagnies privées sur le marché des prêts. Il est peu probable que cela rende les crédits plus accessibles. Il ne faut donc pas se faire d’illusions, au contraire, il faut se préparer à une nouvelle étape de la crise.

De nombreux experts sont certains qu'une nouvelle étape de la crise est inévitable, car aucune des causes qui l'ont provoquée n'a été éliminée. Sans comprendre (ou ne voulant pas reconnaître) les causes véritables de la crise, les autorités des grands Etats ont préféré "inonder" la crise par l'argent. D'une part, cela a permis de maintenir la demande et de relancer un peu l'économie. Mais, d'autre part, l'afflux de liquidités dans le secteur financier a gonflé de nouvelles bulles sur le marché des titres et des matières premières qui crèveront tôt ou tard, ce qui entraînera de nouveaux bouleversements économiques. Par exemple, le directeur du département d'analyse stratégique de la société FBK, Igor Nikolaïev, estime que la "bulle pétrolière" peut crever dès les premiers mois de l’année prochaine, le prix du baril tombant à environ 50 dollars alors que la cote dollar s'élèvera à 35 roubles.

N'importe quelle détérioration de la situation dans l'économie mondiale aggravera tout de suite les problèmes économiques intérieurs de la Russie. Selon le président, le chômage reste le problème principal. Après son atténuation saisonnière durant l'été-automne 2009, les rangs de chômeurs ont recommencé à grossir. En novembre 2009, Service fédéral des Statistiques (Rosstat)  a enregistré un accroissement du chômage de 5%, par conséquent, le nombre de chômeurs a atteint 6,13 millions, soit 8,1% de la population active du pays. Selon les prévisions, la situation pourrait encore se détériorer l'année prochaine.

Ce problème est aggravé par l'arrivée constante d’une main-d’œuvre peu qualifiée et bon marché en provenance de pays faiblement développés. Comme l'a souligné dans son interview Dmitri Medvedev, environ 12 millions de personnes arrivent chaque année en Russie, alors que notre pays compte six millions de chômeurs. Mais les autorités russes assurent toujours qu'on ne peut pas se passer de travailleurs immigrés, car il faut bien que quelqu'un accomplisse le travail non prestigieux et peu rémunéré. Cependant, la présence d'une main-d’œuvre bon marché n'exigeant pas de majorations ni de garanties sociales maintient le retard économique autant que la dépendance des matières premières qui est une sorte de malédiction.

Dans son interview, le président a souligné encore une fois: "Pour nous, il est extrêmement important que le caractère innovateur du développement de la production devienne  prédominant".

Mais à quoi bon l'entrepreneur ferait-il des dépenses pour la modernisation de la production, s'il est plus avantageux économiquement d'utiliser des ouvriers bon marché? On est en présence non pas de modernisation, mais de primitivisation de la production. En même temps, les ouvriers qualifiés qui ne trouvent d'emploi digne d'eux grossissent les rangs des chômeurs.

Ce processus affaiblit la motivation au travail et devient l'un des facteurs de dégradation du marché du travail. Les autorités devront y réfléchir, si les thèses de la modernisation de l'économie russe ne sont pas qu’une simple déclaration.

Ce texte n'engage que la responsabilité de l'auteur.

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