L'OTAN à Moscou: la "Liste de Rasmussen"

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Durant trois jours, l'OTAN ne pensera qu'à la Russie: le 15 décembre, le nouveau Secrétaire général du bloc commence sa première visite officielle à Moscou.

Durant trois jours, l'OTAN ne pensera qu'à la Russie: le 15 décembre, le nouveau Secrétaire général du bloc commence sa première visite officielle à Moscou.

L'accroissement prévu du contingent militaire des Etats-Unis, de l'OTAN et d'autres pays de la coalition anti-talibane n'appartenant pas à l'Alliance, marquera la visite. Il est également prévu d'accroître les effectifs de l'armée afghane qui doivent atteindre d'ici octobre prochain 134000 soldats. Encore 100000 hommes  s'y ajouteront vers 2014.

La force internationale s'accroîtra de 37000 hommes pour dépasser 140000 hommes. La composante internationale et afghane de ce qu'on qualifie en Occident de "forces de sécurité en Afghanistan" augmentera d'environ 300000 "baïonnettes" (il est vrai, il est difficile de comprendre pourquoi on y inclut l'armée afghane à laquelle on ne peut guère se fier). Il faut les habiller, les chausser, les armer, les nourrir, les soigner, les instruire, etc. Pour cela, il faut trouver des voies d'approvisionnement et l'OTAN n’en voit pas de meilleure que celle passant par la Russie.

L'OTAN ne voit pas non plus de meilleurs précepteurs pour les Afghans que les instructeurs militaires et policiers russes, car leur mentalité, leur comportement et l'efficacité de leurs méthodes d'instruction conviennent mieux à la mentalité afghane que ceux de l'Occident. Qui plus est, toute l'armée afghane est dotée entièrement ou presque d'armes d'infanterie et d'autres armes soviétiques. La Russie a d’ailleurs déjà formé quelques milliers d'Afghans dans la lutte contre le trafic de drogue et elle continue à former de nouveaux policiers et agents. Bref, elle a une expérience et les Afghans, aussi étrange que cela paraisse, font aujourd'hui confiance plus à l'expérience combative russe et aux chourawi (les Russes) qu'aux instructeurs américains et britanniques.

Le Secrétaire général de l'OTAN a apporté à Moscou une longue liste de ce qui lui est nécessaire. Cette "Liste de Rasmussen" énumère quelques dizaines de dénominations d'"articles militaires et de services", dont l'octroi à l'Afghanistan permettrait de porter les relations OTAN-Russie, comme s'est exprimé Anders Fogh Rasmussen, aux sommets d'un "authentique partenariat stratégique".

La "Liste de Rasmussen" comprend des mitraillettes AK-47 de différents modèles (en tout, quelques centaines de milliers), des mitrailleuses lourdes, des pistolets, des lance-grandes, des mortiers, des systèmes portables de DCA, des pièces d'artillerie de campagne, des transports blindés. Les avions de transport AN-32 qui ont fait leurs preuves en Afghanistan (encore six en plus des quatre qui se trouvent déjà dans ce pays), des hélicoptères et des camions. L'OTAN part logiquement de l'idée que les Afghans sont déjà habitués depuis longtemps à tout ce qui est "soviétique", que leur recyclage d'après les standards de l'OTAN est insensé, faute de temps et d'argent (l'OTAN dépense la part léonine de ses fonds pour financer ses propres troupes) et la Russie pourrait apporter, en ce sens, une aide inappréciable au bloc, au monde et à soi-même.

Le Kremlin est disposé non seulement à étudier la "demande de Rasmussen", mais même à citer presque tout ce qui est demandé comme prêt à être expédier immédiatement. Mais, comme le reconnaissent en privé tous les diplomates et les experts militaires du bloc, l'OTAN voudrait que la totalité ou, au moins, une partie considérable des armes russes soit remise à l'Afghanistan de façon désintéressée, et non pas vendue. Pour effectuer des achats aussi immenses -il s'agit de centaines et de centaines de millions de dollars- les Etats-Unis et l'OTAN devraient puiser beaucoup dans leurs budgets. Or ils ne prévoient pas d'affecter de l'argent pour des achats massifs d'armes ni pour l'année prochaine, ni pour 2011.

D'ailleurs, l'OTAN ne cache pas qu'elle voudrait obtenir bien plus de la Russie: voir un contingent militaire russe en Afghanistan.

Anders Fogh Rasmussen parlera de tout cela lorsqu'il rencontrera  le président Dmitri Medvedev d'abord, puis le premier ministre Vladimir Poutine. Puisque Rasmussen vient à Moscou pour lui demander une aide russe au domptage de l'Afghanistan, il devra, volens nolens, débattre avec le président Medvedev de son plan de nouveau Traité de sécurité européenne. A l'OTAN, on a déjà dit doucement "non" à une nouvelle structure de sécurité européenne, bien que personne ne l'ait fait à haute voix et officiellement. Mais le bloc y voit une atteinte à son propre rôle de garant de la sécurité des pays membres, de la Baltique à Lisbonne, et il n'a pas l'intention d'accepter le "plan Medvedev".

Anders Fogh Rasmussen s'efforcera également de persuader la Russie d'adopter un nouveau projet de défense antimissile (ABM) prévu par Barack Obama pour l'Europe. Selon le Secrétaire général, l'OTAN est même prête à aller encore plus loin et à inclure la Russie dans la nouvelle architecture de la défense antimissile européenne.

 

Bref, il semble que tant que les talibans resteront en Afghanistan, nous serons partenaires avec l'OTAN. Mais ils y resteront longtemps. Les troupes américaines ne seront pas retirées d'Afghanistan dans un an et demi, comme l'a déclaré en novembre le président Barack Obama. Le Pentagone reconnaît déjà que cela a été fait de façon inconsidérée. La présence militaire américaine en Afghanistan durera encore au moins quatre à cinq ans.

Ce texte n'engage que la responsabilité de l'auteur.

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