Le sommet de l'UE en butte au climat et au gaz russe

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Un profond mal de tête s'est déclaré le 10 décembre lors du dernier sommet européen de cette année, qui se tenait à Bruxelles, avant de voir sa résolution remise à plus tard dès le lendemain.

Un profond mal de tête s'est déclaré le 10 décembre lors du dernier sommet européen de cette année, qui se tenait à Bruxelles, avant de voir sa résolution remise à plus tard dès le lendemain.

Les leaders de 27 pays ont évoqué, sans pour autant les résoudre, les problèmes quasi-insolubles du climat mondial; ils ont à peine abordé le problème du gouffre sans fond des dettes énormes de la Grèce (le pays se trouve pratiquement au seuil de la faillite) et ont examiné les problèmes énergétiques de l’UE, y compris les livraisons de gaz russe et leur partie ukrainienne imprévisible.

Les sommets de l’UE provoquent presque toujours la migraine – de Lisbonne à Varsovie, mais bizarrement ce mal se résorbe toujours petit à petit lorsque les États «récupèrent» après ces réunions au sommet et s’attaquent d’autres problèmes de façon pratique.

Cette fois la session de Bruxelles a  été présidée par le Premier ministre suédois Fredrik Reinfeldt. Or, il n’y aura plus de réunions au sommet de l’UE conduites par un seul pays européen: dès janvier prochain l'Europe renonce entièrement à la formule d'organisation des rencontres au sommet, qui avait existé pendant les dix dernières années et passe au nouveau «modèle de Lisbonne».

Dorénavant l'Union Européenne introduit le poste de Président permanent de l’UE. Cette fonction est revenue à l’ancien Premier ministre belge Herman Van Rompuy. A propos, le passage au « modèle de Lisbonne» a déjà commencé lors de  cette réunion-ci: pour la première fois les 27 ministres des affaires étrangères des pays de l’UE n’y ont pas participé, ce qui bien évidemment n’a pas manqué  de provoquer le mécontentement des ministres.

On a senti l’odeur du gaz russe au sommet surtout en rapport avec les actes du Parlement européen dont le président Jerzy Buzek (Pologne) a de nouveau appelé l’UE à élaborer un programme commun dans le domaine de l’énergie (l’UE s'en occupe déjà dans le cadre de préparation d’une nouvelle stratégie globale de développement économique jusqu'en 2020) et, ce qui est essentiel, à mettre en place la structure d’un système unifié d’achat du gaz russe. Pour cela, d’après M. Buzek, il faut que Bruxelles assume le monopole de toutes négociations gazières avec la Russie et que les pays de l’UE renoncent aux relations d'affaires bilatérales avec Gazprom et, suivant la logique de cette proposition, ausssi bien à la conclusion de contrats bilatéraux.

Ces trois dernières années, le passage à un tel système est fortement préconisé par les pays de l’Europe de l’Est, membres  de l’UE, et par les États-Unis, ainsi que par tous les partisans du projet de gazoduc «alternatif» Nabucco. Or, le système en question concerne peu le business et beaucoup la politique. Washington, lui, y voit un moyen de «désamorcer l'arme gazière de la Russie» et de protéger l'Europe contre ce qu'ils appellent «le dard gazier», dont la dépendance rend le Vieux monde incapable de pratiquer une politique autonome, et l’oblige à plaire à la Russie sur beaucoup de points qui déplaisent aux États-Unis. Un raisonnement stéréotypé, qui persiste même sous la présidence du Prix Nobel Barak Obama.

«Le bloc oriental» à l'intérieur de l’UE redoute fortement qu'avec la construction des gazoducs Southstream et Nordstream, ils perdraient tous les moyens d'influence sur tout que se passe au sein de l'Union. Tant que les gazoducs passent par leur territoire et par l'Ukraine, ils possèdent «des instruments de pression à gaz de transit». Et ils en auront jusqu'à 2014 c’est-à-dire jusqu’à ce que l’UE passe entièrement au nouveau système selon lequel une décision sera considérée comme adoptée, si elle a recueilli 55% des votes des représentants les États de l’UE totalisant un minimum de 65% de la population de l’Union dans son ensemble. Mais en attendant l’UE fonctionne sur la base du consensus, et les «petits pays» souffrant d'une hostilité chronique vers la Russie, sont capables de bloquer n'importe quelles de ses décisions la concernant. Et c’est ce qu'ils ont fait avec succès jusqu'ici. Un mécanisme commun de négociations sur le gaz leur redonnerait au fond le même droit de véto, seulement enveloppé sous «le prétexte gazier», c’est-à-dire un peu moins fort.

Des innovations de cette sorte n’arrangent ni la France ni l'Allemagne depuis longtemps irritées par le droit des "jeunes de l’UE» de bloquer n'importe quelle décision pour des raisons purement politiques. De sorte qu'en l’occurence l’état actuel des choses restera sans doute inchangé. Andris Piebalgs, le commissaire européen responsable de l'Énergie, a assuré les leaders de l’UE que cet hiver aucun problème de livraisons de gaz en Europe via l'Ukraine n’était à prévoir, tout en reconnaissant que certains risques subsistaient quand même. Ce qui préocccupe Bruxelles à présent – et on ne l’a pas caché pas dans les couloirs de la rencontre – est l'imprévisibilité des résultats de la campagne électorale en Ukraine et les menaces réitérées de Iouchtchenko de ne pas respecter les derniers accords sur le gaz entre l’Ukraine et la Russie.

En ce qui concerne le problème du climat (sujet principal du sommet), l’UE et n'a pas réussi à trouver les 6 milliards d'euros promis à titre d'aide annuelle aux pays en voie de développement en échange d’une réduction des émissions d’hydrocarbures.

Le climat, soit dit en passant, a jeté une ombre aussi bien sur l'état et les perspectives de développement des relations dans sphère gazière entre la Russie et l'Europe. Juste à la veille du sommet, L'Agence internationale de l'énergie (AIEA) a rendu public ses pronostics quant aux changements possibles de structure et de volumes de consommation de gaz en l'Europe d’ici 2020. Ces pronostics sont intimement liés à la conférence de l'ONU sur le climat qui se poursuit à Copenhague. Les experts de l’AIEA ont calculé que si le «protocole post-Kyoto» (nouveau document sur la réduction des rejets dans l'atmosphère) est quand même signé à Copenhague, la Russie aura à resserrer progressivement ses robinets à gaz, et qu’un sort peu enviable attend les gazoducs Southstream et Nordstream. L’AIEA croit que dans le cadre du «nouveau Kyoto», d’ici 2020, la Russie pourra livrer à l’Europe 180 milliards de mètres cube de gaz, et que la consommation de gaz augmentera de 37%.  Mais si à Copenhague on  ne trouve pas un "remplaçant" pour «Kyoto», alors la croissance des «appétits» gaziers de l’UE serait de 67%, et les livraisons de gaz russe augmenteraient jusqu'à 240 milliards de mètres cubes. La différence de volumes tient au passage probable de l'Europe, en cas de «nouveau Kyoto», à des technologies à taux d’énergie réduit, à l'efficacité accrue du secteur énergétique et au développement de l’énergie atomique.

Gazprom envisage de porter ses exportations de gaz vers l’Europe en 2012 à 170 milliards de mètres cubes. En 2010 elles doivent constituer 160 milliards de mètres cubes. En attendant, à en juger par ce qui se passe à Copenhague, aucun nouveau document «post-Kyoto» obligatoire, ne semble pas pouvoir y être adopté. Gazprom peut bien s’en réjouir.

Ce texte n'engage que la responsabilité de l'auteur.

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