Ce 27 novembre était la Journée de l’infanterie de marine en Russie.
Cette fête est célébrée depuis 1996 en souvenir de la création du premier régiment de « soldats de la Marine » formé le 27 novembre 1705 sur décret de Pierre Ier.
Les unités destinées à l’abordage et au débarquement sont apparues pour la première fois en Russie au XVIIe siècle: un tel détachement servait par exemple à bord du premier navire de guerre russe Orel, construit sous le règne d’Alexeï Mikhaïlovitch. Ensuite, sous le règne de Pierre le Grand, des unités des régiments Preobrajenski et Semenovski ont été utilisées en tant qu’infanterie de marine dans les campagnes d’Azov. En 1705, lorsque la flotte est apparue sur la Baltique, il a été décidé de former une unité d’infanterie de marine permanente.
Durant les trois siècles de son histoire, l’infanterie de marine russe s’est distinguée dans de nombreuses batailles: des combats contre les Suédois pendant la guerre du Nord à la guerre des cinq jours d’août 2008 (le conflit entre la Géorgie et l’Ossétie du Sud).
La Marine de guerre russe compte actuellement cinq brigades de marines et un grand nombre de bataillons et de compagnies, y compris des unités spéciales. L’objectif principal de l’infanterie de marine est avant tout de participer aux combats sur la côte en débarquant des forces spéciales, mais, vu la situation mondiale aujourd’hui, cet objectif est devenu bien plus large.
Quelles sont les missions actuelles de l’infanterie de marine russe ? En plus de sa mission principale, c’est-à-dire le débarquement en lui-même, les unités de marines peuvent être utilisées dans les opérations de paix, la lutte contre les pirates, les opérations spéciales et les opérations à longue distance, ainsi qu’en qualité de forces d’accompagnement à bord de navires transportant des cargaisons particulièrement importantes, etc.
Pour accomplir ces missions, l’infanterie de marine emploie des navires de débarquement et des vedettes de différents types, des blindés, des hélicoptères et d’autres armements qui ne diffèrent presque pas de ceux des troupes terrestres.
La question de l’accroissement des possibilités de combat de la Marine de guerre, y compris de l’infanterie de marine (par exemple l’achat à la France d’un navire universel de débarquement de type Mistral et la construction d’une série de navires de ce type dans les chantiers navals russes) est actuellement vivement débattue en Russie.
Le 23 novembre, le Mistral est arrivé en visite amicale à Saint-Pétersbourg et de nombreux officiers de marine et spécialistes sont montés à son bord pour prendre connaissance des possibilités et des caractéristiques de ce navire. Le 27 novembre, le Mistral est parti pour effectuer des exercices avec la Flotte de la Baltique, au cours desquels des hélicoptères russes, y compris le Ka-52, se poseront sur le pont du navire.
L’attitude à l’égard de ce navire dépendra pour beaucoup des résultats de ces exercices, mais certaines conclusions ont déjà été tirées à l’issue du premier examen du navire.
Selon le rédacteur en chef de la revue Moscow Defense Brief, l’expert militaire Mikhaïl Baranov, qui a visité le navire, le Mistral représente un « projet bien réfléchi et équilibré de navire correspondant aux exigences concrètes françaises: c’est un navire d’expédition destiné aux opérations prolongées à longue distance, il peut également être utilisé en tant que navire de commandement, sa « composante combative » étant minimale.
Cette utilisation du navire est déterminée par son aspect: afin de de diminuer le coût du projet, le navire a été construit en se basant sur des technologies commerciales, sa résistance est bien moins élevée que celle exigée pour les navires de guerre, c’est pourquoi il rappelle à bien des égards un ferry boat civil. L’armement du Mistral se borne à deux rampes de lancement de missiles de combat rapproché, deux pièces d’artillerie de DCA de 30 mm et quatre mitrailleuses de gros calibre, c’est pourquoi il nécessite une escorte renforcée.
Le potentiel de débarquement du Mistral n’est pas très grand, notamment à cause des grandes exigences de confort pour l’équipage et les marines en raison des longs séjours sur les théâtres d’opérations éloignés.
Le Mistral peut être également utilisé comme navire de commandement, comme hôpital flottant, comme base pour les opérations de paix et comme soutien dans les situations d’urgence.
Bref, pour être utilisé dans la Marine de guerre russe, le projet du Mistral a besoin de changements importants: il faut assurer le stationnement d’hélicoptères de fabrication russe, renforcer la DCA du navire et accroître ses possibilités de débarquement, en tenant compte qu’il est probable que le navire participe plus souvent à des conflits armés sérieux que dans le cadre des opérations pour la France.
Vu l’ampleur des modifications éventuelles du projet et son coût, on peut s’interroger: est-il opportun d’acquérir un navire de type Mistral ? Il y a dans le monde plusieurs autres projets de navires de cette classe et d’autres compagnies de construction navale capables de réaliser rapidement un projet en tenant compte de ces exigences concrètes.
Il ne faut pas oublier non plus l’existence du projet national UDK 11780 conçu au bureau d’études Nevski dans les années 80 du siècle dernier. Certes, ce projet ne peut pas être immédiatement réalisé, il a besoin d’une sérieusement révision, compte tenu des exigences actuelles, mais, à la différence du Mistral, c’est un navire de guerre conçu en tenant compte des exigences de résistance plus rigoureuses et, par conséquent, capable, s’il est dûment équipé, d’accomplir un éventail plus large de missions.
Bref, il serait judicieux de lancer un concours parmi les grandes firmes étrangères et russes pour faire ressortir le projet qui correspond au mieux aux conditions russes, qui pourrait être perfectionné en collaboration avec la Marine russe et mis en œuvre rapidement. De cette façon, la coopération avec les constructeurs de navires étrangers peut apporter à l’industrie russe un avantage qui dépasserait l’effet de l’apparition de navires d’assaut universels dans la flotte russe.
Ce texte n’engage que la responsabilité de l’auteur.