Comment faut-il vivre avec nos voisins?

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Malgré tous les efforts déployés par la Russie, elle ne réussit pas encore à venir à bout des processus de désintégration qui se produisent dans l'espace postsoviétique.

Malgré tous les efforts déployés par la Russie, elle ne réussit pas encore à venir à bout des processus de désintégration qui se produisent dans l'espace postsoviétique. Les exemples ne manquent pas: au nom des intérêts politiques conjoncturels, les hommes politiques d'Ukraine spéculent sur le "thème russe" dans la course à la présidence qui a commencé dans ce pays. L'élite géorgienne au pouvoir a fermé presque toutes les sources d'information russophones en recourant à des méthodes archaïques, et impose son point de vue nationaliste à la jeunesse quant aux rapports entre les Russes et les Géorgiens. Même les pays considérés comme des amis de l'OTSC (Organisation du Traité de sécurité collective) où se trouvent des bases militaires russes, signent, d'une part, des contrats commerciaux mutuellement avantageux et, de l'autre, adoptent des lois rigides concernant les langues d'Etat qui affectent sérieusement les minorités russophones de ces pays. Tout cela porte l'accent sur les méthodes employées par Moscou en vue de maintenir la stabilité dans l'espace de la CEI (Communauté des Etats indépendants).

Après la chute de l'URSS, de nombreux nouveaux Etats indépendants sont apparus aux frontières de la Russie. Les nouveaux voisins  sont différents. Dans les pays baltes sont arrivés au pouvoir des régimes de droite radicale qui ont jugé bon de fonder leur légitimité politique sur l’inimitié envers la Russie. Alexandre Loukachenko qui dirige la Biélorussie depuis 1994 a incarné jusqu'à un certain moment une tendance conservatrice et protectrice. L'Ukraine est devenue un espace de confrontation politique permanente. Des conflits armés sanglants, variantes de guerre civile, ont éclaté en Moldavie et en Transcaucasie. Cela a laissé une sérieuse empreinte sur les élites locales : les rapports entre elles sont marqués par la méfiance, et la Russie qui cherche à jouer le rôle d'arbitre représente souvent la cible d’attaques faciles. Des dirigeants très divers sont arrivés au pouvoir en Asie centrale: du gestionnaire soviétique compétent Nazarbaïev au président autocratique Niazov.

Les rapports avec les pays membres de la Communauté des Etats indépendants sont aujourd’hui la source de nombreux problèmes posés à la Russie. La place d’honneur parmi ces douloureux problèmes est occupée  par Kiev depuis la "révolution orange". Il reste moins de trois mois jusqu'à l'élection présidentielle ukrainienne prévue pour le 17 janvier 2010. La bataille électorale s'annonce être opiniâtre. Il y aura certainement un second tour, après lequel les candidats pourront contester les résultats du vote, ce qui pourra entraîner une période d'instabilité intérieure dont les conséquences sont imprévisibles.

En plus de l'Ukraine, d'autres défis ont été lancés ces dernières années à la politique russe dans l'espace postsoviétique. Ainsi, les rapports avec la Biélorussie se sont dangereusement détériorés. La situation politique en Moldavie s'est dégradée. En Géorgie, les positions de Saakachvili, au lieu de s’affaiblir après la guerre des cinq jours d'août 2008, se sont même un peu renforcées. Le dialogue entre la Russie et les Etats d'Asie centrale est devenu difficile. Des zones à problèmes sont apparues au Turkménistan, au Tadjikistan et en Ouzbékistan.

Pourquoi éprouvons-nous aujourd'hui de telles difficultés avec les ex-républiques soviétiques? Elles sont la conséquence d’une politique incorrecte appliquée à leur égard dans les années précédentes, ainsi qu'aux conséquences géopolitiques de la désintégration de l'URSS.

Au début des années 90, Moscou ne pouvait pas s'occuper sérieusement de ses plus proches voisins. Le pays endurait une profonde crise économique et politique. Qui plus est, l’illusion régnait que presque toutes les anciennes républiques soviétiques demeuraient très attachées à la Russie et qu'elles concerteraient leur politique avec elle. Par ailleurs, ni les Etats-Unis, ni les Etats européens ne contestaient d'abord les rapports de Moscou avec les pays de la CEI.

La situation a commencé à changer en 1994-1996 sous l'influence de plusieurs facteurs. Premièrement, les problèmes intérieurs russes se sont avérés n’être pas un phénomène temporaire mais permanent, ce qui détériorait substantiellement la situation de la Russie dans l'arène internationale. Deuxièmement, les troupes russes ont été retirées d'Allemagne et, profitant de la situation sociale et économique difficile qui affectait Moscou, l'Occident a eu la possibilité de revoir les gentlemen agreements qui ont mis fin à la guerre froide. Les Etats-Unis et l'Union européenne se consolidant ont eu la possibilité d'appliquer une politique franchement antirusse dans les anciennes républiques soviétiques. Enfin, la capacité de la Russie de répondre d'une manière ou d'une autre à ce défi géopolitique a été mise en question par la première campagne tchétchène infructueuse.

Essayant de conserver les restes de son influence, la Russie a misé, dans sa politique à l'égard des pays de la CEI, sur une coopération étroite avec les régimes politiques se trouvant au pouvoir. Le soutien inconditionnel apporté à ces derniers par Moscou et son refus d'engager le dialogue avec l'opposition politique dans les pays de la CEI ont constitué une tentative pour s'assurer la loyauté des nouveaux Etats, prévenir ou ne serait-ce que ralentir leur tournant vers l'Occident. A présent, on peut dire que cette politique n'a rien donné. Les courants d'opposition qui existaient dans la CEI se sont détournés de la Russie qui ne voulait pas mener un dialogue efficace avec eux. La place de Moscou a été occupée par les Etats-Unis et l'Union Européenne.  Et les gouvernements postsoviétiques arrivés au pouvoir ont commencé à appliquer, dans leur politique étrangère, une tactique de louvoiement entre Moscou, Washington et Bruxelles, en se livrant au marchandage avec les trois pour obtenir des avantages économiques et politiques.

La nécessité de changer cette situation ne suscite pas de doutes. Plus vite Moscou le comprendra et plus il aura de chances d'établir des rapports vraiment mutuellement avantageux avec ses voisins. La Russie doit apprendre à traiter non seulement avec les hommes politiques détenant le pouvoir dans les pays de la CEI, mais aussi avec l'opposition et les contre-élites. Il importe de considérer n'importe quel Etat indépendant comme un ensemble de forces politiques hétérogènes, de groupements économiques opposés, de toutes sortes de groupes sociaux, d'institutions civiles, etc. et de ne pas craindre de mener un dialogue avec eux, indépendamment de ce qu'en pense le pouvoir en place.

Ce texte n'engage que la responsabilité de l'auteur.

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