Union européenne : le dernier sommet avant une nouvelle vie

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Les chefs d'Etat et de gouvernement des 27 pays de l'UE se sont réunis les 29 et 30 octobre pour leur traditionnel sommet d'automne qui ne sera, vraisemblablement qu'un « demi-sommet »: les Européens devront probablement se réunir de nouveau en novembre pour « l'autre moitié du sommet », afin de donner sa forme définitive à la nouvelle loi fondamentale de la Grande Europe.

Par Andreï Fediachine, RIA Novosti. 

Les chefs d'Etat et de gouvernement des 27 pays de l'UE se sont réunis les 29 et 30 octobre pour leur traditionnel sommet d'automne qui ne sera, vraisemblablement qu'un « demi-sommet »: les Européens devront probablement se réunir de nouveau en novembre pour « l'autre moitié du sommet », afin de donner sa forme définitive à la nouvelle loi fondamentale de la Grande Europe. 

Les Tchèques rebelles ont de nouveau ajourné le "couronnement constitutionnel" de Bruxelles: l'adoption officielle de la nouvelle constitution de l'UE, c'est-à-dire du traité de Lisbonne sur les réformes. La Cour constitutionnelle de la République tchèque doit se prononcer le 3 novembre sur la conformité du traité de Lisbonne à la constitution tchèque. Bien que la demande "d'étudier le traité de Lisbonne" ait été faite officiellement à la cour par 17 sénateurs conservateurs de la République tchèque, c'est en réalité une initiative du président tchèque Vaclav Klaus, que l'on considère comme un eurosceptique encore plus endurci que l'ancienne première ministre britannique Margaret Thatcher. Il n'a jusqu'à maintenant toujours pas signé le traité de Lisbonne ratifié par le parlement tchèque. 

Cet ajournement n'est nullement un problème pour la Grande Europe et les retardements avant le début d'une « nouvelle vie » ne constituent pas une catastrophe. En fin de compte, le traité de Lisbonne a été élaboré pendant presque 8 ans, à partir et sur la base d'autres documents juridiques, et l'Europe peut patienter encore un peu. D'autant plus qu'il ne reste qu'à attendre quelques semaines : le verdict de la cour tchèque sera probablement positif. Vaclav Klaus a reconnu lui-même que "le train est allé trop loin" pour qu'on puisse l'arrêter. 

D'une manière générale, le traité de Lisbonne est justement conçu pour que semblables événements ne se répètent pas, pour que les petits pays et les « jeunes » adhérents ne puissent pas freiner la majorité européenne ou contredire les vieux pays européens : la France, l'Allemagne, l'Italie, la Grande-Bretagne et l'Espagne. 

La Grande Europe recevra un nouveau certificat de naissance (même sans Prague) et développera de façon accélérée ses institutions modernisées, car elle est déjà en retard  sur  le calendrier établi. L'UE vivra avec une nouvelle constitution à partir de janvier 2010 (jusque-là, Bruxelles espérait commencer la "nouvelle vie" à partir de janvier 2009). 

Certes, tout ne sera pas facile après l'introduction de nouveaux gènes juridiques dans les chromosomes de la bureaucratie de Bruxelles, mais les nouveaux Statuts rendront tout de même la vie de l'UE plus facile qu'avant.  Le travail sur ceux-ci avait commencé, en fait, dès 2001, après le début de l'élaboration des changements fondamentaux à apporter aux documents sur la fondation de l'UE, ses institutions et l'appartenance à la communauté. Le traité a particulièrement souffert à cause des Irlandais qui ont tenu deux référendums à son sujet, le réfutant une première fois l'année dernière et l'approuvant à la majorité écrasante le 2 octobre. 

Pour comprendre le motif de l'apparition de nouvelles règles de conduite dans l'UE, il faut rappeler que la nécessité d'une réforme a surtout été ressentie après 2004. De ce moment-là à 2007, le nombre des membres de l'UE est passé de 15 à 27. Les « jeunes » (ce sont, pour la plupart des pays de l'ancien camp socialiste) y ont apporté les germes d'un mécontentement profond envers l'ancienne métropole socialiste (aujourd'hui, la Russie), le désir de bénéficier au plus vite de la "prospérité européenne", une main-d'œuvre nombreuse, une vision  inadaptée du mode de vie dans la partie occidentale de l'UE et trop de morgue due à la possibilité de voter et de bloquer n'importe quelles décisions au sein de l'UE. Puisque toutes les décisions importantes sont adoptées à Bruxelles par consensus, les "vieux pays" - en premier lieu, la France et l'Allemagne, ainsi que l'Italie et l'Espagne - ont senti qu'ils n'étaient plus considérés comme les "aborigènes" ayant le droit d'être "plus égaux que les égaux". Le fait que, dans une communauté de plus de 500 millions d'habitants, les pays de 4 millions, même de 2 millions d'habitants puissent bloquer toute décision, est maintenant jugé absurde. Il faut remédier à ce "défaut" de la bureaucratie européenne. 

Le traité de Lisbonne de 2007 n'est, en fait, que la Constitution européenne élaborée par un groupe sous la direction de l'ancien président français Valéry Giscard d'Estaing en 2004 et qui avait été rejetée par référendums en France et aux Pays-Bas en 2005. Le traité de Lisbonne ne fait qu'introduire un nouveau système de vote selon la formule de la majorité qualifiée ou "double", ce qui veut dire qu'il prive les pays rétifs d'Europe de l'Est du droit d'opposer leur veto à n'importe quelles décisions. Ce système entrera en vigueur à partir de 2014. D'après lui, une décision est considérée comme adoptée, si les représentants de 55% des Etats de l'UE qui comptent au moins 65% de la population ont voté pour elle. Il introduit également le poste de président de l'UE qui sera occupé non pas par rotation, mais en permanence (durant deux ans et demi). En outre, le nombre de Commissaires de la Commission européenne est réduit de 27 à 18. Mais cela n'aura lieu qu'en 2014. 

A la veille de la présente rencontre de Bruxelles, le président français Nicolas Sarkozy a officiellement invité la chancelière allemande  Angela Merkel aux festivités marquant le jour de la fin de la Première Guerre mondiale qui est régulièrement fêté en France le 11 novembre. C'est un cas sans précédent depuis la Grande Guerre, comme on dénomme la Première Guerre mondiale en Europe. Le fait que Merkel et Sarkozy se rencontrent pour la première fois sous l'Arc de Triomphe à Paris pour assister à une cérémonie consacrée à la fin de la guerre perdue par l'Allemagne, atteste que des changements politiques importants sont survenus à l'intérieur de l'Europe. Les experts ont laissé entendre depuis longtemps qu'après toutes les péripéties du traité de Lisbonne et les ennuis causés au sein de l'UE du fait des nouveaux membres de l'Est, il faut s'attendre à la formation d'une nouvelle entente franco-allemande. En fait, c'est ce qui aura lieu le 11 novembre à Paris. L'initiative de cette nouvelle alliance au sein de l'UE a toujours plus émané de l'Elysée que du  département du chancelier fédéral d'Allemagne. A Paris, la formation de cette alliance est déjà qualifiée de "troisième étape de l'histoire européenne" (après la Seconde Guerre mondiale et la guerre froide). A présent, Berlin estime probablement qu'il est temps de conclure un "nouveau mariage". On dit que Merkel y a été poussée par la perspective très sérieuse de l'arrivé au pouvoir en Grande-Bretagne (les élections dans ce pays doivent avoir lieu avant l'été prochain) du gouvernement des conservateurs qui sont très eurosceptiques. 

Paris et Bonn ont déjà commencé à chercher le candidat au poste important de représentant de l'UE pour la politique étrangère qui sera aussi le vice-président de l'UE. Merkel voudrait que ce poste soit occupé par son ministre de l'Intérieur Wolfgang Schauble qui avait produit un choc en Europe en 1994 en rendant public pour la première fois le principe d'une "Europe à deux vitesses" sous la direction de l'Allemagne et de la France. Les autres pays de l'UE devaient soit rester derrière les "leaders" de l'intégration, soit les rejoindre, mais déjà en se soumettant aux conditions de ceux-ci. Sous Sarkozy et Merkel, cette idée a connu sa "deuxième naissance". 

Avant le sommet, Sarkozy et Merkel ont eu leur traditionnelle rencontre de travail à Paris où ils ont examiné, entre autres, la candidature au nouveau poste de président de l'Union européenne : celui de président de l'UE. Jusque-là, Paris et Berlin admettaient, semble-t-il, que l'ancien premier ministre britannique Tony Blair convenait parfaitement comme candidature. A ce propos, Tony Blair a déjà déclaré qu'il ne le refuserait pas, si ce poste lui était proposé. 

Il est vrai que ses chances d'y accéder ont brusquement diminué. Les "petits vieux pays d'Europe" - les Pays-Bas, la Belgique et le Luxembourg - qui ne participent même pas à la zone euro ni à la zone Schengen ont commencé à se prononcer contre Tony Blair. Les Néerlandais et les Belges proposent la candidature du premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker, dont l'hérédité européenne est meilleure. Blair et Juncker ont aujourd'hui à peu près les mêmes chances d'occuper ce poste. Paris et Bonn réfléchissent ces derniers temps de plus en plus souvent à la candidature et n'arrivent pas encore à comprendre si Blair les aidera ou leur nuira au poste de président. Ce qu'ils craignent surtout, c'est la détérioration immédiate des rapports entre Blair et le premier ministre conservateur qui arrivera probablement au pouvoir en Grande-Bretagne l'année prochaine. La candidature du premier ministre néerlandais Jan Peter Balkenende est sérieusement étudiée ces jours-ci. Mais, pour l'instant, personne n'ose miser tout l'argent sur Blair, Balkenende ou Juncker. Parmi, les candidats éventuels, on cite aussi de plus en plus souvent l'ancien président finlandais Martti Ahtisaari. 

Ce texte n'engage que la responsabilité de l'auteur.

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