Par Ilia Kramnik, RIA Novosti
La piraterie au large de la Somalie et de certains autres pays d'Afrique occupe depuis longtemps une place de choix, comme pourvoyeur de nouvelles aux agences d'information. Cependant, la piraterie n'est que le sommet de l'iceberg africain. Les événements qui ont lieu dans la région, entre autres, en Somalie, contiennent une menace plus grave que la piraterie.
Les Etats-Unis ont récemment manifesté, une fois de plus, leur inquiétude: séjournant en Algérie, le sous-Secrétaire d'Etat américain pour le Proche-Orient Jeffrey Feltman a déclaré que les Etats-Unis étaient inquiets du problème du terrorisme dans les pays du Sahel (l'une des plus pauvres régions du monde, comprenant le Sénégal, la Mauritanie, le Mali, le Burkina Faso, le Niger, le Nigéria, le Tchad, le Soudan et l'Erythrée). Le diplomate américain a souligné que les Etats-Unis n'avaient pas l'intention de se substituer à ces pays dans la lutte contre le terrorisme dans la région, bien qu'ils soient prêts à les aider.
L'activité terroriste a commencé à s'amplifier dans la région après l'apparition des "filiales" d'Al-Qaida en Afrique. Ainsi, "Al-Qaida du Maghreb" (AQM) s'est manifestée en janvier 2007, en lançant des attaques terroristes, tant contre les organes d'Etat et les forces armées des pays de la région (par exemple, contre les bases des forces armées algériennes) que contre les représentants des Etats étrangers, y compris la Russie.
Un autobus qui transportait des spécialistes de la compagnie russe Stroïtransgaz a explosé en mars 2007 en Algérie. Cet acte terroriste a fait 4 morts, dont un Russe, et cinq blessés. Parmi les blessés, il y avait un Russe et deux Ukrainiens. AQM a affirmé dans un communiqué que cette attaque avait "tué et blessé 10 infidèles russes". AQM a dédié cet acte aux "frères musulmans en Tchétchénie". Sans se borner au Maghreb, les terroristes d'AQM ont commis leurs forfaits dans le Sud, dans les pays du Sahel et dans l'Est, où la situation au Soudan et en Somalie a été un terrain fertile pour l'intensification de l'activité des terroristes.
En Somalie, territoire en proie à une guerre civile qui se prolonge depuis plusieurs années, les groupements islamistes radicaux jouissent de plus en plus de l'influence. L'un des plus influents groupements de ce genre est le mouvement Al-Shabaab qui entretient des contacts avec Al-Qaida et qui contrôle un territoire de plus en plus vaste dans le pays. Le 19 octobre 2009, les islamistes d'Al-Shabaab ont abattu un drone américain au-dessus du port de Kissimaio.
Al-Shabaab agit également contre d'autres Etats d'Afrique, en menaçant de commettre des actes terroristes dans les capitales de l'Ouganda et du Burundi, dont les soldats faisant partie de la Force de paix soutiennent le gouvernement somalien de Mogadiscio universellement reconnu. Au cours des récents combats contre les islamistes, les soldats de la paix ont lancé une attaque aux roquettes contre un quartier de Mogadiscio qui a fait, entre autres, des victimes parmi les civils, et qui a fourni un prétexte aux menaces proférées par les terroristes contre ces pays africains. Auparavant, les islamistes d'Al-Shabaab avaient déclenché une guérilla contre les troupes éthiopiennes, qui avaient également apporté leur soutien au gouvernement reconnu de la Somalie.
Les groupements islamistes jouissent de plus en plus de popularité face à l'incapacité totale du gouvernement somalien reconnu de renforcer son pouvoir sur tout le pays. La misère et la famine provoquées par l'absence pratiquement totale d'activité économique normale dans le pays assurent toujours nouveaux adeptes aux islamistes.
L'aide étrangère et les livraisons d'armes au gouvernement somalien reconnu ne peuvent pas changer la situation. Bien plus, cette aide qui n'apporte pas d'effet tangible ne fait que détériorer le comportement de la population autochtone envers les Etats étrangers. La capacité de la communauté mondiale à stabiliser la situation en Somalie et dans d'autres pays à problèmes est douteuse.
Il est clair qu'une lutte réelle contre le terrorisme n'est possible que grâce à un développement économique de ces pays qui priverait le terrorisme de la source qui l'alimente. Cependant, cette solution ne convient pas non plus à la Somalie, car une aide économique ne peut être apportée qu'à un pays plus ou moins stable, et non pas à une région en proie à la guerre civile, dans laquelle même les convois humanitaires de produits alimentaires et de médicaments sont la cible d'attaques.
Pour effectuer une véritable opération de paix dans ce pays, il faut un contingent d'au moins 25000 à 30000 hommes, doté d'armements lourds, appuyé par l'aviation et prêt aux combats assez durs. Les Etats-Unis et leurs alliés sont incapables d'effectuer aujourd'hui une telle opération, car trop de forces sont engagées dans d'autres conflits, mais, hormis ces pays, personne ne peut prendre cette responsabilité.
L'évolution ultérieure de la situation est incertaine, mais tout porte à croire que même si les pirates agissant au large de l'Afrique cédaient leur place dans les colonnes des journaux et sur les écrans de la TV, ce ne serait qu'aux terroristes locaux.
Ce texte n'engage que la responsabilité de l'auteur.