Nouveau Traité de sécurité européenne : quelles perspectives?

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Par Vladimir Ryjkov, professeur du Haut collège d'économie, pour RIA Novosti

Par Vladimir Ryjkov, membre du présidium du Conseil pour la politique étrangère et de défense, pour RIA Novosti 

Lors de la récente Assemblée générale des Nations Unies à New York, le président russe Dmitri Medvedev est revenu à son initiative de l'année dernière d'élaborer et de signer un nouveau Traité international de sécurité européenne. 

Ces dernières années, la Russie manifeste son profond mécontentement de l'état de choses actuel où les organisations dont fait partie la Russie soit sont pratiquement inopérantes (comme l'OSCE), soit, pire des choses, elles réduisent leur activité, selon Moscou, à l'ingérence dans les affaires intérieures de la Russie et d'autres Etats, en y contrôlant les élections et en portant leur évaluation sur celles-ci, sur l'état des droits de l'homme, la liberté d'expression, etc. (comme le Conseil de l'Europe et l'OSCE). 

Dans ce contexte, on constate l'élargissement de l'OTAN à l'Est, le déploiement de nouveaux systèmes d'armements, le refus de respecter les engagements pris aux termes du Traité sur les forces conventionnelles en Europe (FCE) (les projets américains récemment reportés de déployer un bouclier antimissile en Pologne et en République tchèque en sont un exemple), ce que Moscou interprète comme le souci d'assurer sa propre sécurité aux dépens des autres (notamment, de la Russie). 

Le fait que l'OTAN prétende jouer le rôle presque du seul garant de la sécurité en Europe, la paralysie de l'OSCE dans le cadre de la première et de la deuxième "corbeilles", la politique unilatérale des Etats-Unis qui ont agi ces dernières années sans égard non seulement au Conseil de sécurité de l'ONU, mais aussi, souvent, à ses alliés en Europe, n'arrangent pas la Russie. 

Dmitri Medvedev a invité tous les Etats intéressés à élaborer et à signer un document juridiquement astreignant, reposant sur le "principe de la sécurité indivisible", consignant, entre autres, l'engagement "à ne pas assurer sa propre sécurité aux dépens des autres". Lors du forum de sécurité internationale à Evian (France), le président russe a formulé cinq principes fondamentaux du nouveau Traité de sécurité européenne: 

- confirmation des principes fondamentaux de la sécurité et des relations interétatiques dans l'espace euro-atlantique; 

 - inadmissibilité du recours à la force ou de la menace d'y recourir dans les relations internationales; 

- garanties de la sécurité égale; 

- interdiction du droit exclusif de tout Etat et de toute organisation internationale au maintien de la paix et de la stabilité en Europe; 

- établissement des paramètres principaux du contrôle des armements et de la suffisance raisonnable dans l'édification des forces armées. 

Ces principes généraux traduisent le désir de Moscou d'obtenir des garanties juridiques des Etats-Unis et de l'Occident en ce qui suit: 

- la fin du processus d'élargissement de l'OTAN à proximité des frontières de la Russie, avant tout, la non-adhésion de l'Ukraine et de la Géorgie à l'Alliance; 

- le renoncement au déploiement de nouveaux systèmes d'armements et de la nouvelle infrastructure militaire en Europe, les restrictions du nombre des armements, leurs changements éventuels uniquement dans un format concerté; 

- la délimitation juridique et pratique des sphères de responsabilité entre les principales organisations de sécurité agissant dans la région de la "grande Europe" (autrement dit, des "sphères d'influence") : l'OTAN, OTSC (Organisation du Traité de sécurité collective), l'OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe) et, peut-être, l'OCS (Organisation de coopération de Shanghai);  

- la limitation de l'activité unilatérale des Etats-Unis dans la région, entre autres, dans les pays que Moscou considère comme faisant partie de la "sphère de ses intérêts vitaux". 

En tant que format concret du nouveau Traité de sécurité européenne, Dmitri Medvedev a proposé d'envisager la modernisation de l'OSCE, de lui donner un nouveau contenu et, l'essentiel, d'investir cette organisation de nouveaux pouvoirs, avant tout, dans le cadre de la première "corbeille". L'OSCE, en tant qu'unique organisation paneuropéenne de sécurité, comprenant la Russie, pourrait supprimer ainsi le monopole de l'OTAN qui s'établit actuellement, assurer la politique unique en matière de sécurité dans toute la méga-région, c'est-à-dire préparer un accord "Helsinki plus". 

Cependant, il y a de grands doutes que cette initiative russe d'envergure globale, la plus importante ces dernières années, trouve le nombre suffisant de partisans et qu'elle soit réalisée. Il y a plusieurs raisons importantes à cela. 

Premièrement, tous ne partagent pas (loin s'en faut) l'avis de Moscou que le système de sécurité existant est inconvenable. Au contraire, il arrange entièrement de nombreux pays (non seulement les Etats-Unis, mais aussi la majorité des Etats européens). Les Etats-Unis l'ont déjà déclaré, de même que le Haut représentant de l'UE pour la politique étrangère et de sécurité Javier Solana et plusieurs autres.  Au lieu de cela, on propose de mieux utiliser les mécanismes déjà existants : le Conseil Russie-OTAN, l'OSCE, le dialogue permanent dans le cadre de Russie-UE. 

Deuxièmement, il n'y a probablement pas de sens de créer une nouvelle organisation au moment où les engagements sont violés dans le cadre de celles qui existent déjà (la reconnaissance du Kosovo, de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud, les violations des engagements de la Russie dans le cadre du Conseil de l'Europe, les actions unilatérales de l'OTAN, etc.). 

Le problème principal n'est pas le mauvais design des organisations existantes, mais l'absence de confiance et de compréhension entre leurs membres. C'est ce qui bloque souvent l'adoption de décisions au Conseil de sécurité de l'ONU, paralyse l'activité de l'OSCE, du Conseil Russie-OTAN, le dialogue dans le cadre de Russie-UE, du Conseil de l'Europe. Toute nouvelle organisation peut se heurter à la même paralysie de son activité. 

La signature d'un nouveau Traité de sécurité européenne nécessite un consensus de tous les Etats de la méga-région euro-atlantique.  Sera-t-il possible d'obtenir les signatures de la Serbie, de la Géorgie, de l'Arménie, de l'Azerbaïdjan, etc. sans révision des décisions prises sur la reconnaissance du Kosovo, de l'Abkhazie, de l'Ossétie du Sud, sans règlement du problème du Nagorny-Karabakh? Cette révision et ce règlement, sont-ils possibles?  Or, sans ces pays et une dizaine d'autres pays ayant des problèmes non réglés, peut-on parler du caractère global d'un nouveau traité? 

Pour ces raisons, le nouveau Traité de sécurité européenne n'a probablement pas de perspectives sérieuses. En même temps, le dialogue amorcé autour de lui peut être utile pour préciser les positions mutuelles des parties, les prendre en considération dans la politique pratique, accroître l'efficacité et la capacité des organisations existantes et des formats de coopération, pour établir la coopération entre les organisations internationales qui n'ont pas encore coopéré entre elles (par exemple, entre l'OTAN, l'OTSC et l'OCS). La discussion à ce sujet peut contribuer à l'apparition d'un esprit si  nécessaire, celui de confiance et de compréhension. Un des rôles principaux peut être joué dans ce processus par le dialogue entre la Russie et l'Union européenne qui s'étaient entendus en 2003 pour édifier, entre autres, l'espace commun de sécurité extérieure, ce qui doit être confirmé dans le nouveau traité Russie-UE en voie d'élaboration par Moscou et Bruxelles. 

Ce texte n'engage que la responsabilité de l'auteur.

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