Avant de partir en vacances, le Conseil de la Fédération a proposé de punir de la prison à perpétuité les gros trafiquants de drogue. Cette question a été examinée lors d'une rencontre des membres de la chambre haute du parlement russe avec le premier ministre Vladimir Poutine.
Selon le premier vice-président du Conseil de la Fédération, Alexandre Torchine, la drogue tue plus de 30.000 jeunes par an en Russie. Soit, en moyenne, plus de 80 victimes quotidiennes. Qui plus est, il s'agit de personnes des plus actives, âgées de 18 à 39 ans. On dénombre aujourd'hui, au total, entre 2 et 2,5 millions de toxicomanes en Russie.
La mafia russe profite largement des imperfections de la législation antidrogue russe. Comme le souligne le sénateur Torchine, les criminels n'ont rien à craindre. Le plus gros risque que courent les trafiquants est de mourir de rire en lisant les articles du Code pénal russe consacrés à la diffusion de stupéfiants.
On considère qu'une quantité de drogue est particulièrement importante au-delà de 2,5 grammes, a expliqué le sénateur. Etant donné qu'il n'y a pas d'autres critères de poids pour évaluer le danger que représentent pour la société les crimes et délits liés au trafic de drogue, le risque encouru est le même, que l'on vende 2,5 grammes d'héroïne ou 10, voire même 100 kilogrammes de cette substance. Les gros dealers ont pratiquement le même "statut" que les petits délinquants et encourent les mêmes peines qu'eux. Lorsqu'ils n'échappent pas, purement et simplement, à toute sanction.
D'où la nécessité de prévoir dans la législation des critères pour définir ce qu'est un gros revendeur, autrement dit d'introduire une responsabilité pénale plus grande pour la vente et la distribution de stupéfiants à grande échelle. La peine encourue devrait être d'au moins quinze ans et aller jusqu'à la réclusion à perpétuité.
Espérons qu'Alexandre Torchine parviendra à ses fins. Le sénateur semble avoir étudié le problème à fond, en le prenant à la racine, en Afghanistan. Il est le premier responsable russe à avoir déclaré que dans la lutte contre les drogues afghanes (plus de 90% des opiacées vendues en Russie sont d'origine afghane), le pays ne peut compter que sur lui-même.
Pourquoi? Il suffit de regarder la récente déclaration conjointe des présidents russe et américain sur l'Afghanistan, qui porte, entre autres, sur les stupéfiants afghans. Ce texte n'est pas une simple déclaration. C'est un véritable programme d'action : les deux Etats entendent réaliser ce projet antidrogue sous l'égide du Conseil Russie-OTAN.
Cela signifie que les Etats-Unis se sont, pour la première fois, rangés à l'avis de Moscou, qui a soulevé à maintes reprises la question des drogues afghanes, en la liant toujours à celle de la présence militaire américaine dans la région. En effet, que font donc les Etats-Unis en Afghanistan si le pavot continue de pousser "à leur barbe"?
Il s'agit d'une concession considérable de la part de Washington. L'ancien ministre américain de la Défense, Donald Rumsfeld, avait déclaré, à l'époque, que dans la mesure où l'opium afghan existait grâce à l'argent de la Russie et de l'Europe (par lesquelles il transite), c'était à elles de le combattre. Mais les temps changent, et il s'avère qu'il faut conjuguer les efforts pour régler le problème afghan en général et celui du trafic de stupéfiants en particulier.
Mais comment peut-on le régler ? Il n'existe que deux moyens efficaces pour lutter sur place contre la production d'opium. La première consiste à supprimer les champs de pavot, la seconde à légaliser l'opium. Pour l'instant, le recours à la première méthode en Afghanistan n'a rien donné. En outre, il est clair que la Force internationale d'assistance et de sécurité (FIAS) et l'OTAN ne recourront pas à la force : cela nécessiterait trop d'effectifs et coûterait trop cher. La légalisation de la production d'opium est peut-être la meilleure manière de régler le problème. Dans ce cas, au moins, la production serait contrôlée et une partie des recettes aboutirait dans le budget. Quant aux pays où est vendue la drogue afghane, ils doivent faire plus d'efforts, notamment en durcissant leur législation pour les gros revendeurs.
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