Etablissements de jeu : comment partir tout en restant ?

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Par Vlad Grinkevitch, RIA Novosti
Par Vlad Grinkevitch, RIA Novosti

Depuis le 1er juillet, les jeux de hasard sont hors la loi presque partout en Russie : on ne peut jouer légalement à la roulette, aux machines à sous ou au Blackjack que sur le territoire de zones spéciales de jeu, dont la construction est encore au stade embryonnaire. Cela signifie-t-il qu'il n'y aura plus de jeux de hasard en Russie ? Les experts estiment qu'une partie des établissements de jeu essaieront de profiter des trous dans la loi, tandis que les autres passeront dans la clandestinité.

L'interdiction des jeux de hasard en dehors des zones spécialement désignées a été décidée il y a deux ans, avec l'adoption de la loi sur "La Réglementation par l'Etat de l'organisation des jeux de hasard". Cette loi prévoit le transfert de tous les établissements de jeu dans quatre zones spéciales : à la frontière du territoire de Krasnodar et de la région de Rostov, dans la région de Kaliningrad, dans le territoire du Primorié (littoral du Pacifique) et dans l'Altaï.

Mais, pour l'instant, la plupart des zones de jeux annoncées n'existent que sur le papier. Dans le Primorié et l'Altaï, les travaux n'ont même pas commencé, tandis que deux terrains ont été mis aux enchères dans la région de Kaliningrad. C'est dans le territoire de Krasnodar que la réalisation du projet a le plus progressé. Selon les fonctionnaires locaux, 900 millions de roubles ont été octroyés l'année dernière sur le budget territorial pour la construction de l'infrastructure : une route, une ligne à haute tension, des conduites d'eau et de gaz. Les autorités estiment qu'elles ont fait leur part de travail : la parole est désormais aux hommes d'affaires. Mais ceux-ci ne sont pas pressés d'investir dans la création de zones de jeu. En effet, ils ne sont pas certains de "récupérer leur mise", si l'on peut dire, car le risque est grand que les joueurs fortunés préfèrent l'étranger aux zones de jeu nationales. Certaines compagnies organisent déjà des voyages à destination des casinos européens. Les autorités pourraient rendre moins aléatoires les investissements dans l'industrie du jeu en accordant, par exemple, des facilités fiscales et en précisant les règles du jeu. L'administration a tort de faire traîner les choses en longueur, car les opérateurs russes des établissements de jeu, ou plus exactement leurs capitaux, sont déjà attendus en Europe de l'Est et dans certains pays de la CEI (Communauté des Etats indépendants).

De nombreux opérateurs ont espéré jusqu'au dernier moment que l'Etat leur accorderait un délai tant que les terrains destinés à leurs établissements de jeu ne seraient pas prêts. Ils pensaient que l'administration ne tuerait pas la poule aux oeufs d'or. Le chiffre d'affaires des établissements de jeu est estimé pour 2008 entre 5,9 et 6 milliards de dollars, et les jeux de hasard ont rapporté au budget fédéral 26,4 milliards de roubles. Les budgets de Moscou et Saint-Pétersbourg ont reçu en gros, respectivement, 6 et 3,5 milliards de roubles d'impôts. Cependant, les autorités sont demeurées inflexibles et n'ont décidé d'aucun ajournement.

Les observateurs sont certains que 90% des établissements de jeu continueront à fonctionner, d'une manière ou d'une autre. Les propriétaires de certains d'entre eux vont retarder au maximum la fermeture de leurs tripots, en trouvant un « langage commun » avec les fonctionnaires locaux et la milice (police). D'autres vont utiliser les trous de la loi ou passeront dans la clandestinité. En fait, les possibilités de contourner la loi ne manquent pas.

Environ un tiers des établissements de jeu peuvent se transformer en clubs de poker sportif, reconnu en 2007 comme un sport par le ministère du Sport (Rossport). Une bonne partie des clubs de jeu peuvent se convertir en cybercafés avec accès à des jeux en ligne - roulette, jeux de cartes. Ils pourront transférer les mises au moyen des cartes de crédit des clients ou par le système de paiements sur Internet. Les jeux de hasard virtuels sont interdits dans le domaine .ru, mais rien n'empêche d'enregistrer un site dans un nom de domaine étranger où cette interdiction n'existe pas.

Il y a déjà des preuves indirectes que les choses vont se passer ainsi. Dans les villes où les autorités locales ont tenté d'anticiper l'application de cette loi sur les jeux de hasard, les organes de protection de l'ordre ont mis au jour des dizaines de casinos clandestins. La sanction pour cette infraction à la loi est tout sauf sévère : une amende d'environ 500.000 roubles ou un an d'emprisonnement.

On peut être certain que les patrons des établissements de jeu ne sont pas ruinés pour autant. En revanche, les employés de ces établissements, eux, ont perdu leur travail : rien qu'à Moscou, ils sont près de 40.000 et, à l'échelle du pays, ce secteur employait quelque 350.000 personnes au 1er juillet.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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