Législatives en Inde: de nouveaux changements en perspective?

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Par Dmitri Kossyrev, RIA Novosti
Par Dmitri Kossyrev, RIA Novosti

Des changements ont commencé en Inde, la deuxième économie mondiale après la Chine en termes de croissance. Les pays qui sont en retard sur les mutations en cours dans le monde risquent de rater leur avenir. Telles sont les conclusions qu'on peut tirer des résultats du marathon des élections législatives qui a duré plus d'un mois en Inde et qui se soldera par une reconduction du gouvernement sortant.

Les élections législatives précédentes de 2004 firent une véritable sensation: elles furent gagnées, contre toute attente, par le Parti du Congrès actuellement au pouvoir. Le grand perdant des législatives, le Bharatiya Janata Party (BJP), qui fut au pouvoir pendant 4 ans, montra au monde entier que l'Inde était une puissance ayant un grand avenir devant elle. Le BJP perdit l'élection parce que, comme c'est souvent le cas dans la période de changements profonds en cours dans la société, l'électeur indien rejeta sa mentalité trop globale accusant ce parti d'avoir négligé les intérêts de l'homme de la rue. Ces élections firent surprise: le Parti du Congrès, le plus ancien des partis indiens, le "parti de l'indépendance" de Jawaharlal Nehru et d'Indira Gandhi, qui n'était pas en 2004 dans sa meilleure forme intellectuelle et politique, arriva au pouvoir grâce aux électeurs qui voulaient punir le BJP.

Voici les résultats des récentes élections: le Parti du Congrès a remporté 206 sur 543 sièges au parlement, devançant largement le BJP avec seulement 116 sièges. Autrement dit, le Parti du Congrès a maintenu ses positions, alors que le BJP les a perdues encore plus, en essuyant le deuxième échec en huit ans. Par contre, des formations régionales, une sorte de "troisième force", commencent à émerger du paysage politique indien. Ces groupes amorphes pourraient constituer dans les prochaines années un instrument des changements politiques selon deux scenarios possibles. Premièrement, les deux principaux partis,

craignant la "troisième force", commencent à se rénover, à se rajeunir et à oeuvrer sérieusement en vue de créer une Inde nouvelle. Deuxièmement, l'arrivée au pouvoir (par exemple, à la suite des élections suivantes) de la "troisième force" plonge ce pays de 1,2 milliard d'habitants dans un véritable chaos.

La "troisième force" est constituée de nombreux petits partis locaux ou de candidats isolés qui accusent les hommes politiques traditionnels d'élitisme et, en général, de tous les maux qui peuvent arriver à ce pays, dont la moitié de la population vit dans la pauvreté. Ces groupes enlevèrent aux partis traditionnels les éléments les plus incultes, pauvres et conservateurs de leur électorat qui, après la proclamation de l'indépendance, avaient voté automatiquement pour le Parti du Congrès, puis, dans les années 1990, pour le BJP.

Bien entendu, tout ce public bien connu en Russie de la fin des années 1980 et du début des années 1990, ne peut que détruire. Où est donc la force créatrice?

Le BJP dirigé par Lal Krishna Advani, 81 ans, doit subir des changements bien plus radicaux que d'autres force politiques. Lorsque le BJP détenait le pouvoir, il fut un parti de l'"Inde forte", celui de transformation de l'Inde en grande puissance contemporaine. L'électeur de l'opposition percevait le nationalisme de ce parti dans sa variante interne, comme le nationalisme des hindouistes opposé à d'autres religions et il ne l'apprécia pas.

Mais, si le BJP doit se refaire, la tâche du Parti du Congrès est encore plus complexe, car il sera au pouvoir au moment où le pays traverse une mauvaise passe. Il ne sera pas en mesure de maintenir son taux de croissance habituel de 9%. Les secteurs les plus modernes (et orientés vers les marchés extérieurs), par exemple, l'informatique, se sont avérés les plus touchés. Autrement dit, c'est l'électorat du Parti du Congrès qui en souffre le plus. Si le parti perd le pouvoir à cause de la crise actuelle et le BJP s'avère incapable de le remplacer, c'est alors que le chaos commencera.

On estime que le premier ministre Manmohan Singh démissionnera, après une certaine pause, pour passer le pouvoir aux "Kennedy indiens" - les membres de la dynastie Gandhi, Rahul et Priyanka. Ils sont très différents et très populaires parmi les jeunes électeurs. Rahul ressemble à son père, ancien premier ministre Rajiv Gandhi, fils d'Indira Gandhi: il est calme et enclin aux compromis. Priyanka est une copie d'Indira Gandhi. Bref, il y a le choix et il y a ceux qui peuvent rénover le pays qui a besoin d'environ 500 milliards de dollars rien que pour remplacer l'infrastructure obsolète. Mais il y a aussi une bureaucratie "obsolète" et beaucoup d'autres problèmes à régler.

Une telle période de transition dans la vie des nations s'accompagnait auparavant d'une politique étrangère isolationniste. A l'époque de mondialisation, l'isolationnisme est tout à fait exclu, surtout dans la politique des grandes puissances. On peut plutôt qualifier d'isolationniste la politique appliquée par le premier ministre sortant Manmohan Singh. Les Indiens disent qu'"il ne voit que l'Amérique", en laissant ses adjoints s'occuper d'autres problèmes internationaux. C'est pourquoi cette politique était assez faible, d'ailleurs, tout comme la politique intérieure. Au moment des grandes mutations en cours, surtout en Amérique, le gouvernement de l'Inde devra s'occuper sérieusement des rapports avec le monde, en mettant l'accent sur leur composante économique.

Pour les Etats-Unis, l'Inde a une importance cruciale étant donné sa proximité du Pakistan et de l'Afghanistan, considéré comme orientation principale de la politique étrangère de Barack Obama. Une autre question importante est de savoir qui aidera le plus l'Inde à sortir de la crise: les Etats-Unis, la Chine ou quelqu'un d'autre. De toute façon, l'inaction de New Delhi y serait absolument néfaste, surtout dans le Nord et en Asie centrale. Le jour de l'annonce des résultats des élections a coïncidé avec la fin de la guerre civile au Sri Lanka voisin. New Delhi peut donc nouer maintenant de nouveaux rapports pacifiques tout au long de ses frontières: avec le Pakistan et la Chine, pays voisins amicaux, le Sri Lanka plus prospère, les pays de l'ASEAN (Association des Nations du Sud-Est asiatique), etc.

Quant à la Russie, il lui faudra engager, pour une nième fois, un nouveau dialogue politique avec l'Inde. Pour les leaders de nouvelle génération qui arrivent tant au Parti du Congrès que dans d'autres partis importants, l'URSS, sa confrontation avec les Etats-Unis, relèvent du passé. Moscou devra comprendre en quoi il peut être utile à l'Inde et, par conséquent, définir les positions de la Russie dans un monde nouveau où l'Inde jouera obligatoirement un rôle plus important qu'aujourd'hui.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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