Le journal moscovite « Novye Izvestia » publie un article de Julia Tchernoukhina, « Fatigués de boire la vodka ». C’est un reportage de la réunion des alcooliques anonymes où la journaliste a assisté sans être reconnue, car les visiteurs n’y sont pas admis.
Ce groupe d’alcooliques anonymes se réunit dans une des églises de la capitale, écrit Julia Tchernoukhina. Une porte au fond de l’église mène vers une salle au plafond voûté. Des murs blancs massifs, un escalier en pierre qui mène en haut. Une lumière électrique intense. 25 personnes sont réunies dans la salle. A les regarder, on dirait que ce sont les poètes géniaux méconnus ou des conspirateurs révolutionnaires. Tous sont assis le long des murs. Sur la table, il y a une icône. L’animateur annonce une minute de silence pour commémorer toutes les victimes de la boisson.
Les membres de la réunion se présentent à tour de rôle : Sergei, alcoolique, Tatiana, de même, Igor, ivrogne. Quelqu’un dit avec joie : « Heureusement, je suis sobre aujourd’hui, merci ».
Alexandre, qui a une barbe grise, avoue : « Toute ma vie, je me sentais froissé. Je pensais que je buvais à cause d’un mauvais boulot – je l’ai remplacé. Puis j’ai pensé que la vraie cause, c’était une mauvaise femme – j’ai changé de femme donc. Je changeais de ville, d’amis, de voisins, mais je n’arrêtais pas de boire. J’ai eu l’idée que tout le mal venait d’un mauvais pays. Mais je n’ai pu rien faire, et je continuais à boire, pendant longtemps… »
Ce groupe d’alcooliques anonymes se réunit dans une des églises de la capitale, écrit Julia Tchernoukhina. Une porte au fond de l’église mène vers une salle au plafond voûté. Des murs blancs massifs, un escalier en pierre qui mène en haut. Une lumière électrique intense. 25 personnes sont réunies dans la salle. A les regarder, on dirait que ce sont les poètes géniaux méconnus ou des conspirateurs révolutionnaires. Tous sont assis le long des murs. Sur la table, il y a une icône. L’animateur annonce une minute de silence pour commémorer toutes les victimes de la boisson.
Les membres de la réunion se présentent à tour de rôle : Sergei, alcoolique, Tatiana, de même, Igor, ivrogne. Quelqu’un dit avec joie : « Heureusement, je suis sobre aujourd’hui, merci ».
Alexandre, qui a une barbe grise, avoue : « Toute ma vie, je me sentais froissé. Je pensais que je buvais à cause d’un mauvais boulot – je l’ai remplacé. Puis j’ai pensé que la vraie cause, c’était une mauvaise femme – j’ai changé de femme donc. Je changeais de ville, d’amis, de voisins, mais je n’arrêtais pas de boire. J’ai eu l’idée que tout le mal venait d’un mauvais pays. Mais je n’ai pu rien faire, et je continuais à boire, pendant longtemps… »
Mikhaïl, qui porte d’impressionnantes bagues noires aux mains, a des raisons d’être fier : il lui est arrivé de ne pas boire pendant 9 mois ! Il raconte : « Mon ami et moi, nous sommes allés dans le sud, au bord de la mer ? Là, nous avons fréquenté des discothèques pendant une semaine. Je ne buvais pas d’alcool, mais, horreur, ma langue ne remuait pas, je disais tout le temps des bêtises, le matin, j’avais une gueule de bois. Donc, j’étais ivre sans boire, voilà un vrai cauchemar ! »
Armina Neressian, narcologue, pense : chaque alcoolique doit aller jusqu’au bout, regagner le fond de l’abime, pour remonter. Pour les uns, cela peut être une voiture favorite cassée, et donc, un retour à son vieux clou, pour d’autres, le fait d’avoir perdu un appartement ou une maison. Pour les troisièmes, la prison. Tant que la catastrophe n’a pas éclaté, le malade nie son mal. Lorsqu’il arrête de boire, il devient impuissant comme un oisillon tombé de son nid. Alors, les proches doivent l’aider – des amis, des collègues, des animateurs de la société anti -alcool.
L’animateur se lève et prononce devant une icône ce discours solennel : « Mes amis, félicitons Grigori à l’occasion d’un magnifique anniversaire : depuis dix ans, il ne boit plus ! » Tous se lèvent, se prennent par la main est disent lentement la prière « Oh Dieu, donne de la raison et du calme pour accepter les choses que je ne peux pas changer. Grand Dieu, aide-moi à changer ce que je suis en mesure de changer ! » A la fin de la réunion, tous prennent du thé et échangent leurs numéros de téléphone pour communiquer si quelque chose ne va pas, on se sent trop seul…
A Moscou, il existe une trentaine de groupes de sobriété. Il y en a déjà dans 120 villes russes. Leurs activistes affirment que grâce à ces groupes, la moitié d’alcooliques parvient à surmonter leur maladie. En Russie, il existe aussi des groupes de drogués anonymes, de fumeurs, de joueurs. Mais la dépendance alcoolique est le mal le plus répandu en Russie. Selon l’agence sociologique Romir, seulement un quart de Russes ne boit pas du tout. Les autres boivent de temps à autre. Une personne sur 20 a avoué regarder au fond de la bouteille tous les jours. Donc, nombreux sont les gens fatigués de boire la vodka.
Le journaliste en vue Mikhaïl Leontiev a commenté l’article « Vodka trompeuse » publié dans le journal « Novye Izvestia ».
C’est un problème sérieux. Certes, en Russie on consomme beaucoup d’alcool mais pas plus que, disons, qu’en Ecosse ou en Pologne, a dit Mikhaïl Leontiev. Pourquoi les Scandinaves sont plus réservés ? Parce que s’ils prennent de l’alcool, ils le font outre mesure. En ce qui concerne les Japonais, ils prennent régulièrement un petit verre au travail, c’est la tradition. Le problème de la dépendance alcoolique existe sans doute en Russie et a plusieurs aspects : social, médical, moral … L’alcoolisme, c’est la fuite de la réalité. Les pauvres et les riches, les vieux et les jeunes, les hommes et les femmes s’enfuissent de la réalité. Mais pourquoi ? Chacun a ses raisons. Il existe de mauvaises traditions en famille. D’aucuns manquent de fermeté dans des situations difficiles et prennent de l’alcool pour se défouler.
Ce phénomène a pris une telle ampleur en Russie parce que notre société manque d’objectifs bien conçus, poursuit Mikhaïl Leontiev. Le mieux-être, la construction d’une société d’épanouissement proclamés en tant qu’objectifs essentiels ne le sont pas, à mon avis, pour la Russie. Premièrement, tout le monde ne peut pas les réaliser. Deuxièmement, la vie sous le mot d’ordre : « Gagner de plus en plus d’argent ! n’arrange pas tout le monde.
Notre peuple consomme, il est vrai, beaucoup d’alcool mais ce n’est pas parce que le pays est mauvais ! Il est magnifique, notre pays, d’une grande diversité linguistique, culturelle, géographique. Cependant, il n’existe pas chez nous de société civile et c’est très mal. Chacun doit se sentir nécessaire, participer à la vie de la société. Sinon, c’est foutu …
Certes, il est possible de lutter contre l’alcoolisme en instituant les associations d’alcooliques anonymes, par le biais de l’Eglise, de la famille, en s’initiant aux valeurs culturelles, etc. Mais pas de tabous ! Il ne faut pas interdire la vente de boissons alcooliques, car les tabous multiplient la consommation d’eau de vie et de substituts entraînant la mort. Je connais un prêtre orthodoxe le père Tikhon qui organise les réunions d’alcooliques anonymes dans une église moscovite. Et c’est juste ce qu’il faut faire, le problème étant pour une large part spirituel.
Armina Neressian, narcologue, pense : chaque alcoolique doit aller jusqu’au bout, regagner le fond de l’abime, pour remonter. Pour les uns, cela peut être une voiture favorite cassée, et donc, un retour à son vieux clou, pour d’autres, le fait d’avoir perdu un appartement ou une maison. Pour les troisièmes, la prison. Tant que la catastrophe n’a pas éclaté, le malade nie son mal. Lorsqu’il arrête de boire, il devient impuissant comme un oisillon tombé de son nid. Alors, les proches doivent l’aider – des amis, des collègues, des animateurs de la société anti -alcool.
L’animateur se lève et prononce devant une icône ce discours solennel : « Mes amis, félicitons Grigori à l’occasion d’un magnifique anniversaire : depuis dix ans, il ne boit plus ! » Tous se lèvent, se prennent par la main est disent lentement la prière « Oh Dieu, donne de la raison et du calme pour accepter les choses que je ne peux pas changer. Grand Dieu, aide-moi à changer ce que je suis en mesure de changer ! » A la fin de la réunion, tous prennent du thé et échangent leurs numéros de téléphone pour communiquer si quelque chose ne va pas, on se sent trop seul…
A Moscou, il existe une trentaine de groupes de sobriété. Il y en a déjà dans 120 villes russes. Leurs activistes affirment que grâce à ces groupes, la moitié d’alcooliques parvient à surmonter leur maladie. En Russie, il existe aussi des groupes de drogués anonymes, de fumeurs, de joueurs. Mais la dépendance alcoolique est le mal le plus répandu en Russie. Selon l’agence sociologique Romir, seulement un quart de Russes ne boit pas du tout. Les autres boivent de temps à autre. Une personne sur 20 a avoué regarder au fond de la bouteille tous les jours. Donc, nombreux sont les gens fatigués de boire la vodka.
Le journaliste en vue Mikhaïl Leontiev a commenté l’article « Vodka trompeuse » publié dans le journal « Novye Izvestia ».
C’est un problème sérieux. Certes, en Russie on consomme beaucoup d’alcool mais pas plus que, disons, qu’en Ecosse ou en Pologne, a dit Mikhaïl Leontiev. Pourquoi les Scandinaves sont plus réservés ? Parce que s’ils prennent de l’alcool, ils le font outre mesure. En ce qui concerne les Japonais, ils prennent régulièrement un petit verre au travail, c’est la tradition. Le problème de la dépendance alcoolique existe sans doute en Russie et a plusieurs aspects : social, médical, moral … L’alcoolisme, c’est la fuite de la réalité. Les pauvres et les riches, les vieux et les jeunes, les hommes et les femmes s’enfuissent de la réalité. Mais pourquoi ? Chacun a ses raisons. Il existe de mauvaises traditions en famille. D’aucuns manquent de fermeté dans des situations difficiles et prennent de l’alcool pour se défouler.
Ce phénomène a pris une telle ampleur en Russie parce que notre société manque d’objectifs bien conçus, poursuit Mikhaïl Leontiev. Le mieux-être, la construction d’une société d’épanouissement proclamés en tant qu’objectifs essentiels ne le sont pas, à mon avis, pour la Russie. Premièrement, tout le monde ne peut pas les réaliser. Deuxièmement, la vie sous le mot d’ordre : « Gagner de plus en plus d’argent ! n’arrange pas tout le monde.
Notre peuple consomme, il est vrai, beaucoup d’alcool mais ce n’est pas parce que le pays est mauvais ! Il est magnifique, notre pays, d’une grande diversité linguistique, culturelle, géographique. Cependant, il n’existe pas chez nous de société civile et c’est très mal. Chacun doit se sentir nécessaire, participer à la vie de la société. Sinon, c’est foutu …
Certes, il est possible de lutter contre l’alcoolisme en instituant les associations d’alcooliques anonymes, par le biais de l’Eglise, de la famille, en s’initiant aux valeurs culturelles, etc. Mais pas de tabous ! Il ne faut pas interdire la vente de boissons alcooliques, car les tabous multiplient la consommation d’eau de vie et de substituts entraînant la mort. Je connais un prêtre orthodoxe le père Tikhon qui organise les réunions d’alcooliques anonymes dans une église moscovite. Et c’est juste ce qu’il faut faire, le problème étant pour une large part spirituel.