OTAN-Russie: où irons-nous en boitant?

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Par Andreï Fediachine, RIA Novosti
Par Andreï Fediachine, RIA Novosti

Les relations OTAN-Russie, gelées après la "guerre caucasienne" d'août 2008, sont en train d'être réchauffées: la première réunion du Conseil Russie-OTAN (CRO) depuis le conflit en Ossétie du Sud s'est tenue à Bruxelles, au niveau des ambassadeurs. Ces derniers préparent l'ordre du jour de la rencontre ministérielle du CRO, prévue pour le 19 mai, qui doit être le théâtre de la "Grande fonte" de la glace postcaucasienne. En tout cas, les deux parties en parlent. Mais une question se pose: que vont-ils "dégeler", ou, plus précisément, qu'espèrent-ils "voir fondre"?

L'ambassadeur russe à l'OTAN, Dmitri Rogozine, avait promis, bien avant la rencontre, de réprimander l'Alliance pour les exercices militaires qu'elle prévoit en Géorgie. Ce qu'il a fait. Ces exercices sont, certes, anodins, mais le fait de les effectuer avec un agresseur, d'encourager ainsi Tbilissi à se lancer dans de nouvelles aventures sordides, de renforcer sa réputation ternie, c'est une belle saleté que nous fait le bloc.

En réalité, ce qui est en train de dégeler (ou que l'on s'apprête à faire dégeler, si vous préférez) à Bruxelles est une substance très étrange. A y regarder de plus près, on ne comprend pas très bien: s'agit-il d'une "matière" gelée, "séchée", voire même "ossifiée" ?

Le Conseil a été créé, on s'en souvient, le 28 mai 2002, lors du sommet Russie-OTAN de Rome. Comme le stipule son site officiel, son objectif principal est d'être un forum pour les consultations et un mécanisme de consensus, de coopération, d'élaboration de décisions communes et d'actions sur toute une série de problèmes ayant trait à la sécurité dans la région euro-atlantique. Il s'agit donc de choses sérieuses.

Mais il y a un hic: depuis sa fondation, le CRO n'a absolument RIEN fait de tant soit peu important pour ce qui est d'éliminer les stéréotypes stratégiques datant de la guerre froide. Il n'a formulé AUCUNE évaluation stratégique commune sur les menaces et les méthodes de lutte contre celles-ci. Et pas question de placer ici ses avis sur le terrorisme, car le Conseil Russie-OTAN n'est pas nécessaire pour cela.

La "matière de la coopération" était médiocre avant la "guerre du Caucase". C'est pourquoi son "gel" après août 2008 n'a rien ajouté à rien.

A présent, pour reprendre une formule toute faite, la Russie est davantage nécessaire à l'OTAN qu'elle n'en a besoin. La Russie a-t-elle eu réellement besoin, un jour, de cette organisation? En revanche, l'OTAN a besoin de la Russie comme voie de transit vers l'Afghanistan. Mais Moscou a accepté d'accorder aux Etats-Unis et à leurs alliés, sans passer par l'OTAN, un corridor pour acheminer leur fret "non militaire" en Afghanistan.

Le Conseil n'a absolument RIEN fait de ce qu'il aurait dû faire (compte tenu de sa vocation officielle) ni avant, ni après la guerre en Ossétie du Sud. Rappelons-le, pour ceux qui l'auraient oublié: c'est l'Union européenne qui est intervenue en tant que médiatrice entre Moscou et Tbilissi, et plus concrètement, le président français Nicolas Sarkozy.

Je voulais éviter de donner mon avis personnel, mais il m'est difficile de ne pas le faire, car, en analysant objectivement ce genre de réunions et nos démarches hardies, je dois avouer que, soit je ne comprends pas bien les choses, soit je me trompe du tout au tout.

Par exemple, il m'est très difficile de comprendre comment nous pouvons, en même temps, critiquer l'OTAN - devenue, depuis longtemps, un véritable anachronisme, car elle assume de plus en plus des missions qu'elle ne doit absolument pas accomplir (telles sa mission au Kosovo, ou ses tentatives de s'attribuer une partie des fonctions de l'ONU et de l'OSCE) - et affirmer qu'il est nécessaire de modifier la coopération avec elle, de la renforcer, de la porter à un nouveau niveau concret, de lui donner un contenu nouveau. Comme le disait Stirlitz, dans le film russe "17 moments du printemps", "quelque chose cloche". Soit l'OTAN n'est pas un anachronisme (bien que ce soit une évidence pour nous), soit il s'agit d'une coopération trompeuse.

Tout est embrouillé, tout cloche. Même les déclarations de notre ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, que je respecte beaucoup, me semblent étranges. Je ne comprends pas ce qu'il avait en vue le 27 avril, à Luxembourg, lorsqu'il a abordé le thème de l'OTAN après une réunion du Conseil permanent de partenariat Russie-Union européenne. Il a déclaré que la Russie espérait persuader l'Alliance, lors de la prochaine réunion du Conseil Russie-OTAN au niveau ministériel, que chacun de ses pays membres devait présenter SA PROPRE POSITION, ET NON PAS CELLE DE L'OTAN DANS SON ENSEMBLE. "Les principes mis à la base de l'activité du Conseil Russie-OTAN sont plus progressistes que notre dialogue avec l'UE, car pour le Conseil Russie-OTAN il est stipulé, d'un commun accord, que chacun représente son pays, et non pas l'OTAN en tant qu'alliance � J'espère que nous en parlerons en mai, lorsque le Conseil Russie-OTAN reprendra son travail au niveau des ministres des Affaires étrangères". A quoi sert donc le Conseil Russie-OTAN, s'il est possible de traiter avec chacun séparément? L'OTAN est-elle au courant que chacun peut agir séparément au sein de ce Conseil ?

Je commence à y voir un peu plus clair en regardant le "portrait collectif" de Dmitri Rogozine et de l'OTAN. Est-ce une manifestation secrète de notre attitude réelle envers le bloc, envers la coopération avec lui ?

Je n'ai rien, personnellement, bien sûr, contre Dmitri Rogozine. J'éprouve même de la sympathie pour lui, car c'est un homme franc qui parle sans ambages, même si c'est avec une certaine rugosité. Mais en le regardant et en écoutant ses déclarations, je ne puis me départir de l'idée politique sous-jacente qu'il a été envoyé à l'OTAN en application du raisonnement suivant: "Envoyons-leur Dima, il leur en fera baver. Dima en est capable". Je serais curieux de savoir si je suis le seul à me tromper, ou si de nombreuses autres personnes pensent comme moi.

Vu de l'extérieur, le Conseil Russie-OTAN paraît tout à fait correct: des discussions sont en cours, une coopération s'est établie dans certains domaines. Mais si l'on examine les choses de plus près, on ne comprend pas. Je suis retourné sur le site Internet du CRO pour essayer de me persuader que je me trompais, mais j'en suis sorti tout à fait perplexe. Il m'est impossible de comprendre, par exemple, la présence, parmi les problèmes importants de la coopération militaire déjà débattus dans le cadre du Conseil Russie-OTAN, de sujets tels que:

"Séminaire du Groupe de travail spécial du CRO chargé de la logistique sur le thème "Compatibilité opérationnelle des carburants et lubrifiants".

"Le lien entre le crime organisé et le terrorisme".

"Les achats, la conclusion de traités et la planification financière" (thème étudié par le groupe de travail du CRO chargé de la réforme militaire et de la coopération).

"La prise d'otages par des groupes terroristes à l'étranger".

"La place et le rôle des petites et moyennes entreprises dans l'adaptation sociale des citoyens ayant cessé de servir dans l'armée ".

Etait-il nécessaire de créer le Conseil pour cela ? A-t-il examiné ces sujets ? Continuera-t-il de le faire ?

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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