Pyongyang a lancé un nouveau missile balistique dans l'espace. En fin de compte, la question de savoir s'il a vraiment placé un satellite sur orbite, ou si sa "tête" est tombée dans l'océan, est désormais sans importance. Ce qui importe, c'est que les Nord-Coréens ont fait ce qu'ils avaient promis, malgré tous les avertissements et toutes les menaces. Et bien qu'il leur ait été instamment recommandé de ne pas le faire. Il est tout de même un peu étrange que ce tir ait tellement indigné le Japon, les Etats-Unis, la Corée du Sud, l'Europe, etc. qu'ils aient exigé la convocation d'une réunion extraordinaire du Conseil de sécurité de l'ONU, lequel est en train de chercher un moyen de punir la Corée du Nord.
Le pays des idées du Juché (une philosophie, selon laquelle l'homme est maître de tout et décide de tout) a toujours manifesté ostensiblement et avec détermination son mépris pour toutes les injonctions de "ne pas faire", "ne pas continuer", "ne pas développer", etc.
Cette initiative de la Corée du Nord soulève des questions bien plus profondes que celles de son comportement pour le moins très spécifique. D'une certaine manière, elle tombe à pic, car cela peut amener bien des pays - le monde occidental, naturellement, et en premier lieu les Etats-Unis - à changer d'attitude à l'égard de Pyongyang. Evidemment, on ne peut déjà plus traiter la Corée du Nord comme autrefois. Cela n'apporte plus de résultats car, en fait, les guides nord-coréens n'ont d'ores et déjà plus rien à perdre. Jusqu'à présent, on n'a pas trop dialogué avec Pyongyang. On lui a surtout dicté ce qu'il devait faire et attendu de lui des résultats. Pyongyang n'est du reste pas le seul dans ce cas. Les Etats-Unis ont adopté la même attitude à l'égard de l'Iran, de la Biélorussie et de la Syrie. Un dialogue direct s'ébauche actuellement avec ces pays. Mais, pourquoi, pas avec la Corée du Nord?
Pour Barack Obama, le problème nucléaire nord-coréen sera une épreuve tout aussi difficile que le problème nucléaire iranien, les rapports avec la Russie et le rétablissement de la confiance des autres pays dans les Etats-Unis.
Il se peut que, sans bien s'en rendre compte et, naturellement, sans le vouloir vraiment, les Nord-Coréens aient largement contribué à démystifier toutes les attentes liées au 44e président américain. Et ce pour le bien de tous, car l'"obamamania" n'a que trop duré. Barack Obama, certes, sort de l'ordinaire (surtout comparé à George W. Bush). Jamais un nouveau président américain n'a été accueilli avec une telle bienveillance dans le monde. Jamais un président accueilli avec autant d'enthousiasme que Barack Obama n'a succédé à un président aussi détestable que George Bush fils. Mais l'addition de ces situations extrêmes est en train de donner naissance à de mauvaises racines. L'administration Obama commence, semble-t-il, à croire elle-même, et à persuader les autres, que Barack Obama est si bon que le monde entier doit s'asseoir à la table des négociations avec lui pour la seule raison qu'il a affaire, pour son plus grand bonheur, à Barack Obama, et non à George W. Bush.
Barack Obama a déclaré être venu en Europe "pour écouter et apprendre". Lors de tous les récents sommets - G20, OTAN, UE-Etats-Unis - les Européens lui ont donné quelques leçons de diplomatie européenne réelle: le 44e président américain n'a pas obtenu tout ce qu'il voulait, loin s'en faut. Le lancement du missile nord-coréen montre bien qu'il ne sera pas facile de passer à un monde dénucléarisé. Mais c'est possible. Il convient, tout simplement, de prendre en compte les intérêts de l'"autre partie", aussi désagréable qu'elle soit. Pour cela, il faut soumettre aux négociations à six (Etats-Unis, Russie, Chine, Japon, Corée du Sud, Corée du Nord) sur le problème nucléaire coréen un projet de traité qui soit acceptable pour tout le monde.
Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.