Crise tchèque: la présidence de l'UE fragilisée

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Par Andreï Fediachine, RIA Novosti
Par Andreï Fediachine, RIA Novosti

Dans la soirée du 24 mars, l'opposition tchèque a destitué le gouvernement de son pays, provoquant ainsi une crise interne mais aussi une situation désagréable au sein de l'Union européenne, dont la présidence tournante est actuellement exercée par Prague. Le parlement tchèque a voté une motion de censure contre le cabinet de Mirek Topolanek avec une voix de plus (101 sur 200). L'inoubliable brave soldat Schweik aurait certainement dit quelque chose du genre: "avec des tempêtes financières qui soufflent si fort, il n'est pas étonnant que des gouvernements soient emportés par le vent". Mais il ne faudrait surtout pas attribuer tout cela uniquement à la crise financière et économique.

Pour expliquer ce qui est arrivé, l'Europe met l'accent sur les erreurs économiques du cabinet Topolanek, passant ainsi sous silence un détail très important. Le mécontentement des Tchèques provoqué par la légèreté avec laquelle le gouvernement a essayé de régler le problème du déploiement d'éléments du nouveau système américain de défense antimissile (ABM) en République tchèque a également joué un rôle dans sa chute. Et même la décision de reporter à plus tard la solution du problème de l'ABM américain n'a pu venir en aide à Mirek Topolanek. Une majorité de Tchèques (environ 70%) s'étaient prononcés contre cette décision, estimant à juste titre que la Russie serait alors en droit de prendre des mesures de rétorsion. Ce qui ne renforcerait nullement la sécurité du pays. Naturellement, ce mécontentement s'est répercuté sur le rapport des forces au parlement. Les députés qui ont rejoint l'opposition faisaient partie de ceux qui se prononçaient contre l'"américanisation" des environs de Prague par les radars américains.

Quoi qu'il en soit, le Parti démocratique civique (ODS) de Mirek Topolanek, parti de centre droit au pouvoir, et les leaders des sociaux-démocrates doivent entamer cette semaine des consultations avec le président Vaclav Klaus.

Le chef de l'Etat tchèque devra décider du sort du gouvernement. D'un côté, selon la Constitution, il doit accepter sa démission. Mais, de l'autre, la Constitution tchèque ne fixe aucun délai pour organiser des élections anticipées: tout dépend de la volonté des partis. Vaclav Klaus n'a pas beaucoup de choix: il doit soit annoncer des élections anticipées, soit parvenir à convaincre toutes les parties de former un gouvernement sur la base d'un "consensus politique", et laisser les choses évoluer doucement vers les législatives suivantes. Mirek Topolanek est favorable à cette dernière solution.

S'il ne s'agissait que de la chute du gouvernement tchèque, ce ne serait pas un trop grand malheur pour l'Europe. Des gouvernements tombent, cela arrive. La politique tchèque est, d'une manière générale, assez peu prévisible ces derniers temps, ou, pour employer le langage de la bourse, elle est très "volatile". Mais la présidence de l'UE assumée par la République tchèque a conféré aux problèmes politiques internes de Prague une envergure européenne, bien plus large.

Bruxelles ne cache pas, aujourd'hui, qu'il serait préférable que les Tchèques puissent s'entendre et former un cabinet incluant tous les partis qui tiendrait jusqu'au 30 juin, date de l'expiration de la présidence tchèque de l'Union européenne.

Si l'on y regarde bien, cette présidence tournante de l'UE n'est pas, en réalité, un poste si important que cela. Il s'agit plutôt d'assumer les fonctions de "capitaine d'honneur", de coordinateur d'actions déjà prévues. Mais il est vrai aussi que le pays en charge de la présidence de l'UE peut influer fortement sur l'agenda de l'UE pendant six mois, sur les dossiers à examiner en priorité. Cela n'est toutefois possible que si ces priorités sont mises en avant par les plus anciens membres de l'UE - Allemagne, France, Grande-Bretagne, Italie - ou si ceux-ci acceptent ces priorités. En tout état de cause, c'est la Commission européenne qui assure la direction de l'UE.

Bref, la tournure prise actuellement par la présidence tchèque de l'UE n'aurait pas été un trop grand malheur s'il n'y avait pas cette crise financière et économique, et son cortège de vilaines composantes politiques. Les Européens n'ont jamais beaucoup aimé la bureaucratie de Bruxelles. A présent, de nombreux "dissidents" du vieux continent commencent à suggérer une idée hérétique aux simples Européens: avons-nous besoin d'une bureaucratie aussi pléthorique, qui n'a même pas vu venir cette profonde crise financière et économique? N'est-il pas temps de modifier toute la structure de l'UE, qui ne prend pas de mesures efficaces pour surmonter la crise?

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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