Visite d'Abdullah Gül à Moscou

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Par Andreï Fediachine, RIA Novosti
Par Andreï Fediachine, RIA Novosti

Le président de la République turque Abdullah Gül arrive à Moscou pour une visite d'Etat de trois jours (du 12 au 14 février).

Les sommets Moscou-Ankara ne sont pas rares, mais ils ont toujours une importance particulière. Dans un contexte actuel marqué par la crise économique, les litiges gaziers, les disputes sur le gazoduc Nabucco et l'admission de la Turquie à l'Union européenne, les problèmes de la Géorgie, de l'Ossétie du Sud et de l'Abkhazie, le règlement du Haut-Karabakh, la lutte antiterroriste, l'Afghanistan, l'Irak et l'Iran, l'importance de ces sommets s'avère capitale. D'autant plus que la Turquie joue un rôle géopolitique majeur en tant que pays de transit du pétrole et du gaz.

Avant son arrivée à Moscou, Abdullah Gül s'était rendu dans certains pays de l'UE et en Egypte, accompagné de son ministre des Affaires étrangères Ali Babacan. Après sa visite en Russie, il se rendra en Géorgie. Mais les détails de sa tournée euro-africaine ne seront certainement pas analysés aussi minutieusement que sa visite à Moscou.

Les rapports Ankara-Moscou ont toujours fait l'objet d'une inquiétude particulière de l'Europe, de l'OTAN, des Etats-Unis, de l'Asie et du monde musulman. Ceux-ci ont toujours cherché à déceler une feinte, une perfidie ou un dessein caché, voire un complot des deux partenaires, dirigé contre qui que ce soit, sans presque jamais trouver rien de très convaincant. Quant aux rapports entre le Kremlin et la Sublime Porte (ancien nom du gouvernement turc), ils ont toujours été peu ordinaires, pour ne pas dire plus.

La Turquie représente un étrange paradoxe dans les rapports entretenus par la Russie (URSS, Moscovie, Empire de Russie) avec tous les autres pays du monde. A en juger par les ouvrages des historiens russes, les contacts entre les deux Etats commencèrent à l'époque du prince Ivan III (fin du XVe siècle). Depuis cette époque-là, il y eut plusieurs guerres entre la Russie et la Turquie suivies de périodes de réconciliation et de rapprochement. Moscou et Ankara ont aujourd'hui aussi bien des points communs que des domaines sur lesquels leurs intérêts divergent. Nous sommes habitués, paraît-il, à cet état de choses. Pour nos pays, il était toujours difficile, semble-t-il, de vivre à côté et impossible de vivre séparément.

La Turquie est l'unique pays de l'OTAN ayant conclu avec la Russie plus de 60 traités, accords et d'autres documents sur l'approfondissement de l'amitié, les contacts gouvernementaux, les échanges et les consultations, sans parler de la coopération économique dans divers domaines, y compris la pêche, le nucléaire civil et, bien entendu, le pétrole et le gaz.

Gazprom livre actuellement à la Turquie 63% du gaz dont elle a besoin, ce qui la place à la troisième place après l'Allemagne et l'Italie, et se dit prêt à lui accroître ses livraisons. Une partie du gaz passe par l'Ukraine, la Moldavie, la Roumanie et la Bulgarie, l'autre partie est transportée par le gazoduc Blue Stream passant par le fond de la mer Noire. En 2008, le volume des livraisons a constitué 25 milliards de m3, y compris 10 milliards de m3 acheminés par le gazoduc Blue Stream. En janvier dernier, 48 millions de m3 de gaz par jour, contre 40 millions de m3 prévus initialement, ont été livrés à la Turquie par le gazoduc Blue Stream. La Russie propose de construire un deuxième tronçon de ce gazoduc en vue d'augmenter ses exportations, en faisant valoir l'importance de la Turquie en tant que pays de transit. Ce sujet sera certainement abordé au cours des prochaines négociations de Moscou.

La Russie livre à la Turquie du pétrole pour environ 1,8 milliard de dollars par an et des produits pétroliers pour 1,1 à 1,3 milliard de dollars. Les Turcs s'apprêtent à aborder la construction du grand oléoduc Samsun-Ceyhan, dont le projet avait été approuvé en 2006. Le président Abdullah Gül a récemment annoncé son intention de "réaliser avec la Russie le projet d'oléoduc Samsun-Ceyhan". Un tronçon de 550 km doit relier le port turc de Samsun de la mer Noire à Kirikalle (à 15 km d'Istanbul) où il sera connecté à l'oléoduc Ceylan-Kirikkale qui existe déjà. Le nouveau tube est destiné à acheminer 50 à 70 millions de tonnes de pétrole provenant de Russie et du Kazakhstan vers le port méditerranéen de Ceyhan.

La Turquie a toujours joué très habilement la "carte de Moscou" dans ses rapports avec l'Europe. Ainsi, lorsque la Turquie s'est vue refuser pour la première fois l'adhésion à l'Union européenne au sommet de l'UE à Copenhague en 2002, le premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan s'est rendu tout de suite à Moscou. Ankara a intérêt à montrer qu'il a plusieurs solutions politiques à sa disposition.

La Turquie se voit toujours refuser l'entrée à l'Union européenne. Ce refus a déjà été publiquement annoncé par le président français Nicolas Sarkozy et, de façon voilée, par la chancelière d'Allemagne Angela Merkel. Lorsque Paris et Berlin ne veulent pas admettre quelqu'un à l'UE, cela signifie qu'il en sera ainsi. Cependant, l'UE se comporte de façon très étrange en insistant pour que la Turquie y participe pleinement et alloue de l'argent pour la construction du gazoduc Nabucco. Pour l'instant, Ankara reste dans l'expectative laissant toutefois entendre qu'il l'accepte en principe mais souhaite que l'UE aille au-devant de la Turquie et lui ouvre la porte de l'Union européenne.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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