Moscou-Washington: un redémarrage incertain

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Par Nikita Petrov, RIA Novosti
Par Nikita Petrov, RIA Novosti

Le discours de politique étrangère de l'administration de Barack Obama, prononcé par le vice-président américain Joe Biden à la 45e Conférence internationale de Munich sur la sécurité, n'a pas créé la surprise. Et ce, bien que l'Américain ait annoncé une relance des relations avec la Russie. Certains membres de la délégation russe ont exprimé à cet égard un optimisme prudent, en espérant que le dialogue entre le Kremlin et la Maison Blanche redémarrerait à zéro et que les nombreux problèmes épineux des relations bilatérales pourraient être réglés. D'ailleurs, les experts militaires russes ne partagent pas à cent pour cent ces espérances.

L'une des causes de ce scepticisme réside dans le fait que les Etats-Unis (d'après M. Biden) envisagent de mener jusqu'au bout la mise en place de leur bouclier antimissile en Europe. Certes, ils promettent de consulter à ce propos l'OTAN et la Russie, mais on sait déjà comment cela se passe. En effet, la précédente administration américaine a elle aussi régulièrement "demandé conseil" à Moscou au sujet de l'ABM en Europe, mais n'a jamais revu sa décision de principe portant sur le déploiement de dix missiles intercepteurs en Pologne et d'un radar haute fréquence en République tchèque.

Les experts soulignent également que dans son discours à la grand-messe de Munich, le vice-président américain n'a rien dit (à en juger par les informations diffusées par les agences de presse) sur les perspectives de conclusion d'un nouveau traité de réduction des potentiels stratégiques offensifs et des arsenaux nucléaires des deux Etats, ainsi que sur les mécanismes de contrôle de ceux-ci. Or, le traité START-I en vigueur expire en décembre 2009. On peut en déduire que la nouvelle administration américaine n'a pas encore adopté une position claire à ce sujet. Par ailleurs, les informations selon lesquelles Washington serait prêt à réduire de 80%, conjointement avec Moscou, ses potentiels nucléaires (en les portant à 1.000 têtes nucléaires), publiées par le quotidien britannique Times, n'ont pas été officiellement confirmées.

A la veille de la conférence de Munich, le chef de la diplomatie britannique, David Miliband, est toutefois intervenu à l'Institut international d'études stratégiques (IISS) de Londres pour présenter un nouveau document réglementaire relatif à la politique internationale du Royaume-Uni. Le rapport de Miliband a en somme développé et précisé les idées présentées par le Times. En quoi consistent-elles?

Premièrement, il s'agit de prendre les mesures nécessaires afin de prévenir la prolifération des armes nucléaires. Ceci est une allusion directe à Téhéran. Miliband propose de prendre des mesures internationales très sévères contre tous les contrevenants au régime de non-prolifération.

D'après Londres, une réduction la plus radicale possible des arsenaux nucléaires des Etats possédant des armes de ce type et l'élaboration d'un cadre juridique assurant des restrictions rigoureuses et vérifiables relatives aux armes nucléaires constituent la deuxième condition de la mise en place d'un monde dénucléarisé. La réalisation de cette mesure supposerait des négociations russo-américaines et la conclusion d'un accord prévoyant une réduction considérable des potentiels nucléaires de ces deux Etats, qui disposent des arsenaux les plus importants. Dans le même temps, d'autres "puissances nucléaires" devraient soutenir ces négociations et réduire au maximum leurs réserves d'armes atomiques. En outre, la diplomatie britannique propose d'interdire tout essai nucléaire, afin de limiter la possibilité de développer et de perfectionner ce genre d'armement.

La troisième condition consiste à rechercher une solution pour faire face aux défis en matière de sécurité qui se poseront au cours de la réduction des arsenaux nucléaires et ne disparaîtront pas avant leur destruction complète. Une telle recherche, selon David Miliband, devrait s'effectuer au cours de négociations, notamment dans le cadre d'une conférence internationale qui pourrait être organisée à Londres en 2009.

Si toutes ces idées développent réellement la proposition non officielle de Washington relative à une réduction radicale des arsenaux nucléaires, expliquent les experts militaires russes, elles ont le droit de cité. D'autant qu'elles rappellent beaucoup les propositions avancées jadis par le premier et dernier président de l'URSS, Mikhaïl Gorbatchev. Mais à l'époque, les principaux Etats occidentaux n'avaient pas soutenu ces idées. Par exemple, à la différence de la Russie, les Etats-Unis n'ont toujours pas ratifié le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires (TICEN). La réduction des potentiels nucléaires - a fortiori une réduction de 80%, comme le proposerait Washington - est également une question compliquée.

Il importe de savoir si ces réductions concernent seulement les têtes nucléaires, comme l'avait proposé la partie américaine, ou également les vecteurs. Comment sera effectué le calcul des têtes nucléaires, concernera-t-il celles qui sont déjà installées sur des missiles ou inclura-t-il également celles encore conservées dans les dépôts? Les initiatives de Londres et de Washington, ne constituent-elles pas une tentative de désarmement unilatéral de la Russie? Il est en effet notoire que les forces conventionnelles russes sont sans comparaison avec celles de Washington et que la sécurité de Moscou est principalement assurée par les missiles nucléaires.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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