La situation dans la bande de Gaza et l'Iran sont les principaux sujets des batailles électorales en Israël. Ils ont notamment été évoqués dans les discours prononcés par les potentiels candidats au poste de premier ministre à la tribune de la conférence internationale qui s'est tenue du 2 au 4 février dans la ville israélienne d'Herzliya.
Cette conférence est traditionnellement considérée comme un lieu où les hommes politiques israéliens annoncent leur stratégie de développement de l'Etat hébreu et, en premier lieu, leur vision des problèmes de la sécurité régionale. Ainsi, c'est du haut de cette tribune que le premier ministre israélien Ariel Sharon avait ouvertement annoncé, il y a quelques années, l'intention des Israéliens de se retirer de la bande de Gaza. Cette fois, compte tenu de la situation électorale, il n'a pas été question de tracer une stratégie précise, mais plutôt de la choisir. C'est pourquoi la parole a été accordée à la conférence aux potentiels candidats au poste de premier ministre.
Ces candidats formels sont Benjamin Netanyahu (Likoud), Tzipi Livni (Kadima) et Ehud Barak (Avoda), mais seuls les deux premiers ont une chance réelle de gagner. Selon les sondages de l'opinion, le parti Avoda est sérieusement en retard sur ses concurrents, bien plus, il occupe pour l'instant la quatrième place dans la course électorale, évincé par le parti "Israel Beytenou" (Israël, notre maison) mené par Avigdor Lieberman, ex-ressortissant de l'URSS.
La percée impressionnante d'Avigdor Lieberman mérite une analyse à part. Mais ce grand phénomène de la campagne électorale marque un tournant considérable des Israéliens vers la droite, de même que la perspective de la victoire du Likoud, qui devance légèrement le parti Kadima dans les sondages d'opinion. La chance de la formation en Israël d'un gouvernement de droite, voire d'extrême droite, est très grande.
Est-ce que cela signifie la fin du processus de paix entre Palestiniens et Israéliens et, en général, des négociations de paix entre Israël et le monde arabe?
La différence fondamentale entre le Likoud et Kadima formulée par les leaders des deux partis au cours de la campagne électorale réside justement dans l'attitude à l'égard des négociations de paix. En ce qui concerne l'Iran, les positions de tous les candidats sont, en fait, identiques.
Quant à l'attitude envers les Palestiniens, Tzipi Livni a l'intention de poursuivre la politique d'Ehud Olmert, son prédécesseur au poste de leader du parti Kadima, visant à mener des négociations avec le gouvernement palestinien de Mahmoud Abbas en vue de créer un Etat palestinien. Tzipi Livni est prête à céder une bonne partie du territoire occupé par Israël après 1967, entre autres, au prix de l'évacuation des colonies juives. Cependant, sa volonté de négocier s'associe à la ligne dure à l'égard du Hamas et n'exclut pas, si nécessaire, la poursuite des opérations militaires. Tzipi Livni a déjà prouvé sa dureté au cours de la récente opération militaire lancée par Israël dans la bande de Gaza qui s'est terminée trois semaines avant les législatives. En fait, la guerre de Gaza a été une action électorale de Tzipi Livni qui a pleinement manifesté aussi bien sa dureté que la volonté de rechercher des compromis politiques, ainsi que sa capacité de savoir s'arrêter à temps.
D'ailleurs, en ce qui concerne "à temps", ses opposants politiques, en premier lieu Benjamin Netanyahu, ont beaucoup de questions à poser. Le leader du Likoud estime que l'actuel gouvernement israélien, avant tout le premier ministre Ehud Olmert, la ministre des Affaires étrangères Tzipi Livni et le ministre de la Défense Ehud Barak (alliance de Kadima et d'Avoda) ont arrêté trop tôt l'opération dans la bande de Gaza et raté la chance de porter un coup foudroyant au Hamas. Au lieu de parler de la création d'un Etat palestinien, Benjamin Netanyahu préfère accorder son attention aux questions liées à la sécurité. Mais il n'est pas prêt à discuter du règlement politique du conflit palestino-israélien tout en étant disposé à régler les problèmes sociaux et économiques de l'Autorité palestinienne.
En fait, c'est un retour de 10 ans en arrière, à l'époque où "Bibi" (comme on l'appelle en Israël) fut premier ministre. Il est peu probable que cela arrange les Palestiniens qui ont déjà reçu des promesses sur la création de leur Etat dans un proche avenir, faites non seulement par le gouvernement israélien précédent, mais aussi par Washington en la personne de la nouvelle administration Obama. Et le soutien des Etats-Unis est un atout non négligeable pour les hommes politiques israéliens dans la campagne électorale, car la stabilité financière et politique d'Israël, y compris le soutien dans l'arène internationale, y sont en jeu. Cependant, bien que Barack Obama ait maintes fois déclaré son attachement à la sécurité d'Israël, il est fort douteux qu'il apprécie positivement le fait que Benjamin Netanyahu freine le processus de paix, car c'est une affaire d'honneur pour l'administration américaine.
Ce n'est pas par hasard que, dans un de ses discours électoraux, Tzipi Livni a déclaré, en réponse aux reproches de M. Netanyahu de n'avoir pas achevé l'opération militaire dans la bande de Gaza, que le leader du Likoud savait comment il faut faire la guerre, mais qu'il ne savait pas comment il faut travailler avec les alliés, y compris les Etats-Unis, en vue de parvenir à l'établissement de la paix. Dans son discours prononcé au cours de la conférence d'Herzliya, elle s'est prononcée de façon encore plus dure : "La colombe de la paix est assise sur le rebord d'une fenêtre, à présent, il faut prendre une décision: faut-il ouvrir la fenêtre pour la laisser entrer, malgré nos craintes, ou bien fermer cette fenêtre". Pour parer aux arguments de Benjamin Netanyahu, elle a notamment déclaré: "le choix entre la paix et la sécurité n'existe pas, par conséquent, celui qui contraint la société à faire ce choix fait une erreur lui-même et induit en erreur la société, il ne comprend pas le monde dans lequel nous vivons".
Les tentatives des partisans de Tzipi Livni pour présenter ses opposants du Likoud comme porteurs de l'idéologie dépassée se sont heurtées à une riposte. Le discours prononcé par Benjamin Netanyahu à Herzliya était non moins éclatant : "Dans quelques jours, les citoyens israéliens en finiront avec l'ère des illusions et de la faiblesse et fraieront la voie à la reconnaissance de la réalité". Selon lui, l'époque des illusions, c'est celle de Kadima qui tente de parvenir au règlement définitif de la crise au Proche-Orient. "Bibi" joue le rôle d'un prophète qui avait prédit il y a quelques années que des missiles palestiniens tomberaient sur les villes du Sud d'Israël et prévu l'accroissement de la menace émanant de l'Iran. Benjamin Netanyahu promet à ses électeurs de prendre des mesures énergiques et rigoureuses à la différence des mesures diplomatiques boiteuses de Kadima.
Et si son époque s'avère une nouvelle ère des illusions au lieu de devenir une époque des changements si longtemps attendue? D'ailleurs, comme l'a montré plus d'une fois l'histoire d'Israël, les actions des premiers ministres de droite sont bien plus douces que leurs promesses électorales et celles des colombes de gauche sont parfois autant dures que la politique des faucons de droite. Les Israéliens, ont-ils un choix?
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