Barack Obama envisage de proposer à la Russie de réduire radicalement les potentiels stratégiques nucléaires, jusqu'à 1.000 têtes de part et d'autre, ont annoncé les médias russes le 4 février 2009 se référant au Times, qui citait des sources anonymes au sein de la nouvelle administration américaine.
La réaction de la Russie ne s'est pas fait attendre: le jour même, le vice-premier ministre Sergueï Ivanov s'est déclaré prêt à entamer des négociations sur la réduction des arsenaux stratégiques et à signer un nouvel accord visant à prendre la relève de l'ancien traité START-I qui expire en 2009.
La parité nucléaire entre l'URSS/la Russie et les Etats-Unis constitue, depuis des dizaines d'années, l'un des principaux problèmes des relations entre ces deux pays. A l'heure actuelle, leurs rapports dans ce domaine sont réglementés par plusieurs documents. En premier lieu, il s'agit du traité START-I, signé en 1991 et entré en vigueur en 1994 et qui prévoit de réduire les potentiels stratégiques offensifs jusqu'à 1.600 vecteurs et à 6.000 têtes nucléaires.
Au moment de la signature, l'URSS disposait de 2.500 vecteurs et de 10.271 têtes nucléaires, les Etats-Unis de 2.246 vecteurs et de 10.563 têtes nucléaires. La réduction devait être mise en oeuvre au cours des sept années suivant l'entrée en vigueur du document. Le 6 décembre 2001, les deux parties ont rapporté que les conditions du traité avaient été respectées. La Russie possédait 1.136 vecteurs et 5.518 têtes nucléaires, et les Etats-Unis 1.237 vecteurs avec 5.948 ogives nucléaires. En outre, le START-I imposait des restrictions considérables quant au déploiement des forces nucléaires existantes, en particulier concernant les zones de stationnement des batteries de missiles mobiles.
Outre le traité START, la réduction des potentiels stratégiques nucléaires des deux parties est régie par le Traité de réduction des arsenaux nucléaires stratégiques (SORT, ou traité de Moscou), signé en 2002. Il prescrit un plafond de 1.700-2.200 têtes nucléaires pour chacun des deux Etats. La quantité de missiles et la limitation du nombre de charges nucléaires portées ne sont pas précisées, chaque partie pouvant définir à son gré la composition et la structure de ses forces nucléaires. Le document n'établit en outre aucun mécanisme de contrôle: les signataires se sont bornés à se référer au traité START qui restait en vigueur et à convoquer deux fois par an une commission chargée de l'application du document.
Cependant, le traité START expire en 2009; passé ce délai, les règles de contrôle et de vérification du respect des engagements pris ne seront plus valables. Le traité SORT n'établit aucune limitation quant aux ogives et vecteurs retirés du service. Les parties conservent le droit de stocker autant d'armes comme bon leur semble, les ogives et les vecteurs pouvant, si besoin, être rapidement remis en service.
En 1993, la Russie et les Etats-Unis ont signé le traité START-II, interdisant entre autres l'utilisation de missiles dotés d'ogives mirvées. Toutefois, ce document n'a jamais entré en vigueur, et en 2004, la Russie s'est retirée du traité START-II, en réponse au retrait des Etats-Unis, en 2002, du traité ABM de 1972.
Aujourd'hui, les deux parties risquent donc de se retrouver dans une situation où les relations dans le domaine nucléaire seront réglementées uniquement par le traité de Moscou, qui ne prévoit aucun mécanisme de contrôle et expire en 2012. En outre, il convient de prendre en compte la situation économique de la Russie qui ne lui permet pas d'assurer une augmentation rapide du potentiel stratégique nucléaire, étant donné la nécessité de remplacer, d'ici dix ans, presque trois cents missiles basés au sol et cent missiles embarqués de fabrication soviétique. Etant donnés les rythmes actuels de renouvellement des forces stratégiques nucléaires, la Russie ne pourra avoir plus de 500 vecteurs avec 1.700-2.000 têtes nucléaires d'ici dix ans.
Une variante optimiste suppose la possibilité pour Moscou de maintenir les potentiels à 2.500 têtes nucléaires; selon les estimations pessimistes, le nombre d'ogives nucléaires pourrait chuter à 1.000-1.200. Il faut prendre en compte qu'aucune mesure visant à accroître le potentiel nucléaire et à augmenter le nombre de missiles fabriqués n'aura un effet immédiat; en revanche, cela entraînera de grandes dépenses, ce qui est inadmissible en temps de crise.
Par conséquent, il est impératif de conclure un nouvel accord portant sur la limitation des potentiels stratégiques offensifs, qui établirait non seulement des restrictions quantitatives, mais également un mécanisme de contrôle de son application.
Par ailleurs, l'accord prévoyant la réduction des arsenaux stratégiques nucléaires à 1.000 têtes nucléaires doit obligatoirement prévoir des restrictions concernant le développement du système antimissile. A défaut, les Etats-Unis pourront mettre en place un vaste bouclier antimissile capable d'intercepter les quelques missiles non détruits par une première frappe "désarmante".
L'accord doit limiter le déploiement de l'ABM non seulement en Europe, mais également dans d'autres régions du monde, tout en empêchant le développement incontrôlé des systèmes antimissiles maritime, aérien et spatial. Dans l'idéal, les deux Etats devraient renoncer aux tentatives de création d'un AMB "stratégique" et concentrer leurs efforts sur la mise au point de systèmes de défense antimissile performants de théâtre (TMD). Ceci leur permettrait de se protéger de façon efficace contre les éventuels tirs de missiles balistiques que pourraient fabriquer des pays tels que l'Iran ou la Corée du Nord.
Les relations entre Moscou et Washington dans ce domaine pourraient servir d'indicateur des humeurs de ce dernier au cours des années à venir. Si les Etats-Unis refusent de lier les restrictions sur l'AMB à la réduction des armements nucléaires, cela signifiera qu'ils ne sont pas disposés à mettre en place un accord ad hoc mutuellement avantageux et établi sur un pied d'égalité.
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