Rouble: les gagnants et les perdants de la dévaluation

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Par Vlad Grinkevitch, RIA Novosti
Par Vlad Grinkevitch, RIA Novosti

Le rouble russe chute rapidement: si au milieu de l'été 2008, un dollar coûtait 23,5 roubles, le cours du billet vert a augmenté au 2 février de 76 kopecks par rapport au 30 janvier, se chiffrant à 36,1767 roubles. D'ailleurs, en misant sur l'affaiblissement de la monnaie nationale, les autorités financières russes pourraient faire d'une pierre deux coups: préserver les réserves de change, qui en six mois ont fondu de presque 600 milliards à 386,5 milliards de dollars, et donner une impulsion au développement de l'industrie russe. Car, selon les estimations des experts, la production russe en termes de valeur pourrait augmenter de 1.000 millions de roubles grâce à la réduction des importations.

On pourra vérifier ces prévisions au plus tôt fin été 2009. Les économistes assurent que l'effet positif de la dévaluation se manifeste environ six mois après la fin de la chute d'une devise. C'est le temps nécessaire pour que l'industrie cesse de connaître des troubles liés à la baisse de la demande et à la diminution des investissements.

Cependant, il est déjà possible de définir qui profitera de la baisse du rouble et qui en pâtira. Les compagnies et secteurs dont les dépenses sont effectuées en roubles et obtenant leurs revenus en devise étrangère seront gagnants, ainsi que les producteurs desservant le marché intérieur et les monopoles. Les exportateurs d'hydrocarbures seront eux aussi bien placés dans un contexte de dévalorisation du rouble, car les compagnies pétrolières et gazières reçoivent 70% de leurs recettes en devise étrangère, tandis que la plupart de leurs dépenses sont effectuées en roubles. Ainsi, étant donné les prix actuels du pétrole, la croissance des bénéfices en roubles - par exemple, de Rosneft - pourrait être deux fois supérieure à celle des dépenses de la compagnie.

Gazprom espère lui aussi augmenter son chiffre d'affaires. A la fin de l'année 2009, celui-ci pourrait dépasser les 700 milliards de dollars, étant donné que jusqu'à 95% des dépenses opérationnelles de la compagnie sont libellées en roubles, et que les consommateurs étrangers effectuent les règlements en dollars américains. D'autre part, plus de 90% des dettes du monopole gazier sont également libellées en dollars.

Jusqu'à 58% des dettes et entre 90% et 100% des recettes des plus grandes compagnies métallurgiques sont aussi libellées en devise étrangère. Cependant, il leur sera beaucoup plus difficile de faire face à la crise, la demande de leur production ayant diminué beaucoup plus que celle des produits énergétiques. La chute de la demande pourrait diviser par deux voire trois les bénéfices des métallurgistes en 2009.

Le recul de la demande pourrait également réduire à néant l'éventuel effet positif de la dévaluation pour les producteurs automobiles russes. Certes, la plupart des recettes et du prix de revient des automobiles étant libellés en roubles, un rouble faible devrait rendre leur production plus compétitive par rapport aux produits des concurrents étrangers. Cependant, pour l'instant, les plus grands constructeurs automobiles, tels qu'Avtovaz et Kamaz, sont obligés de tourner au ralenti faute de commandes.

Les opérateurs de téléphonie mobile russes étant à l'abri des concurrents étrangers, ils ne peuvent guère compter sur les effets positifs de la dévaluation. Près de 80% des dettes des plus grands opérateurs sont libellées en devise étrangère, alors que les recettes sont essentiellement en roubles. Il n'existe qu'un seul moyen d'augmenter les recettes en monnaie étrangère, à savoir la hausse des tarifs. Mais ce n'est pas la meilleure solution, car plus les appels sont chers, plus le client économise sur leur nombre et leur durée. Ainsi, selon les analystes du secteur, une hausse des tarifs de 30% provoque une réduction de quelque 10% du montant de la facture payée par l'abonné. Par conséquent, les opérateurs de téléphonie mobile connaîtront sans doute une réduction de 9% de la rentabilité.

Le commerce de détail et l'industrie du bâtiment se retrouveront sans doute dans la situation la plus mauvaise. Ces deux secteurs ont connu ces dernières années un impétueux développement extensif. Mais il est notoire que ce boom était lié à la possibilité d'obtenir des crédits faciles. Les entreprises de ces deux secteurs ont contracté des dettes en monnaie étrangère alors qu'elles reçoivent leurs recettes (qui ne cessent de plonger, soit dit en passant) en roubles. Peut-on alors s'étonner que les banques ne se bousculent pas pour leur accorder de nouveaux emprunts. Ces compagnies placent donc leurs espoirs dans l'Etat, qui leur a promis son soutien.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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