Russie-UE: une crise qui pourrait assainir les relations

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Par Iouri Trofimov, pour RIA Novosti
Par Iouri Trofimov, pour RIA Novosti

L'actuelle crise gazière russo-ukrainienne n'a pas compliqué mais au contraire a considérablement assaini les relations entre l'Union européenne et la Russie, a estimé Konstantin Kossatchev, président du comité pour les affaires internationales de la Douma d'Etat (chambre basse du parlement russe).

Selon le parlementaire, l'époque du romantisme du début des années 1990 est révolue. A cette époque-là, les deux parties avaient l'impression que la Russie était sur le point d'adhérer à l'UE, ce qui lui devrait ouvrir de nouvelles perspectives. On évoquait même l'idée d'une harmonisation totale de la législation russe avec le droit européen. Mais la réalité s'est avérée beaucoup plus sévère. A l'heure actuelle, personne ne soulève - même hypothétiquement - la question de l'adhésion de la Russie à l'Union européenne. La période romantique dans les relations russo-européennes a été remplacée par une période de déceptions et même de confrontations. La mise en oeuvre de certains projets concrets se poursuivait, mais le dialogue politique piétinait. Cela ressemblait souvent à un dialogue entre un aveugle et un sourd. Les deux parties échangeaient de temps à autre des répliques mordantes, mais la réaction était nulle. L'intérêt réciproque s'estompait rapidement.

Des bouleversements tels que le conflit armé dans le Caucase en août dernier et l'actuel conflit gazier entre la Russie et l'Ukraine ont été nécessaires pour changer la situation. Ce n'est qu'alors que les deux parties se sont mises à réfléchir s'il était possible "d'éduquer" ou même de "dresser" la partie opposée. Il est devenu clair qu'il s'agissait plutôt d'une occupation dénuée de sens et qu'il fallait renoncer à chercher des contradictions et des divergences au profit de positions communes qui rapprocheraient l'UE et la Russie, pour en faire de véritables partenaires stratégiques.

Il existe par ailleurs le facteur économique qui ne doit pas être oublié. La Russie dispose de 12% des réserves mondiales de pétrole et de 23% des réserves de gaz (contre 4% et 9% respectivement contrôlés par l'Union européenne). Mais la production d'électricité en Russie ne représente que 6% des volumes mondiaux, alors que la part de l'UE s'élève à 17%. La Russie assure 2,3% de la production automobile mondiale, contre 50% en Europe. Autrement dit, toutes les conditions sont réunies pour développer une coopération mutuellement avantageuse à long terme entre Moscou et Bruxelles.

En 2006, la réaction de l'Europe au précédent conflit gazier entre l'Ukraine et la Russie avait été dure. L'UE avait ostensiblement soutenu Kiev et condamné Moscou. Aujourd'hui, les Européens tirent des leçons de ce qui se passe et avouent qu'il y a trois ans, ils avaient eu tort de ne pas prêter suffisamment d'attention aux obligations de l'Ukraine en tant que pays de transit de gaz et s'étaient concentrés exclusivement sur les obligations de la Russie en tant que pays fournisseur. Ainsi, ils avaient posé une mine à retardement sous leur bien-être et n'avaient pas réussi à prévenir la répétition de la crise, sous une forme plus violente, en hiver 2008/2009. Or, il était clair à l'époque déjà que la Russie ne pouvait pas subventionner éternellement l'économie ukrainienne, qui gagnait 14 millions de dollars par jour grâce à la différence entre le prix du gaz fourni par la partie russe et celui du gaz vendu par Kiev à ses consommateurs. L'Europe s'en rend désormais compte.

Espérons qu'elle comprendra également l'intérêt soutenu de la Russie pour la "politique du nouveau voisinage" appliquée activement par l'Union européenne dans les anciennes républiques soviétiques. Par exemple, en évaluant le développement des liens entre l'Azerbaïdjan et l'UE, le représentant spécial de l'UE au Caucase du Sud, Heikki Talvitie, a déclaré à Bakou que l'Europe souhaitait être un partenaire principal et durable [de la région], étant donné que les trois républiques transcaucasiennes sont considérées comme appartenant géographiquement à l'Europe. Les autres pays reconnaîtront donc, tôt ou tard, les intérêts européens dans cette région, estime-t-il. D'autant que les dirigeants géorgiens, arméniens et azerbaïdjanais ont plusieurs fois déclaré leur intention d'intégrer l'Union européenne.

La Biélorussie constitue un maillon important pour l'économie et la politique de l'UE, comme le déclare le président biélorusse Alexandre Loukachenko. Jusqu'à 25% du gaz naturel, souligne-t-il, sont acheminés vers l'Europe via la Biélorussie, ainsi que 40% du pétrole que la Russie vend aux pays européens. "Nous représentons une importante artère de transport, ce qui place la Biélorussie dans le même rang que ses principaux partenaires européens", selon lui.

L'Union européenne étend et renforce activement ses positions dans la région caspienne et en Asie centrale, qu'elle considère non seulement comme une source de produits énergétiques, mais également comme un obstacle empêchant le trafic de drogue et l'immigration clandestine. C'est le Kazakhstan qui est le principal partenaire commercial et d'investissement de l'UE dans cette région. Les principaux destinataires des exportations kazakhes sont Italie (7,9%), la France (2,2%), les Pays-Bas (1,4%), la Grande-Bretagne et l'Allemagne (1,5% chacune). Le Kazakhstan fournit à l'Europe essentiellement du pétrole et des produits pétroliers, des engrais minéraux et des produits textiles.

"Nous sommes prêts à élargir et à approfondir à l'avenir également nos relations avec l'Union européenne, dit le président kazakh, Noursoultan Nazarbaïev. Ces dernières années, l'Union européenne est devenue notre principal partenaire économique et commercial, le plus important investisseur sur notre marché". Le Kazakhstan a même élaboré un programme national "La voie vers l'Europe", dont l'objectif consiste à porter les relations avec l'UE au niveau de partenariat stratégique, d'attirer dans le pays les technologies et l'expérience européennes, ainsi qu'à intensifier la coopération dans le cadre de la présidence kazakhe de l'OSCE en 2010.

Comment la Russie doit-elle réagir à cela? Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a récemment publié sur le site Internet "Russie - Union européenne: partenariat et succès" un article dans lequel il dit entre autres: "Nous ne nous sommes pas fixés d'objectif d'adhérer à l'UE. En réalisant son choix européen, la Russie, en tant que puissance mondiale située sur deux continents, est obligée de conserver la liberté nécessaire pour définir et appliquer sa politique intérieure et extérieure, sauvegarder son statut et ses avantages en tant qu'Etat euro-asiatique. Nous nous en tenons strictement au principe selon lequel le partenariat Russie-UE, bien qu'il revête pour nous une importance prioritaire, ne peut pas être opposé aux relations avec les autres pays et régions.

Il s'agit d'une réalité objective, déterminée par les processus de mondialisation. Mais il importe de faire en sorte que la concurrence s'effectue selon les règles établies conjointement, sans qu'on essaie de se soumettre ou de s'écraser réciproquement".

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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