La troisième Intifada du Hamas

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Par Ilgar Velizade, politologue (Bakou), pour RIA Novosti
Par Ilgar Velizade, politologue (Bakou), pour RIA Novosti

La situation au Proche-Orient permet déjà de tirer des conclusions peu réconfortantes : l'étape présente de la dégradation des relations israélo-palestiniennes sera un nouveau test important pour la solidité du système de sécurité dans cette région stratégique, qui repose pratiquement sur une « parole d'honneur ».

Le Hamas, qui constitue la raison essentielle de la guerre actuelle, n'est que le sommet d'un iceberg de contradictions constitué aux deux tiers de problèmes n'ayant qu'un rapport indirect avec le conflit lui-même. Quand on parle des causes de ce nouveau regain de tension entre Arabes et Juifs, la question qui se pose n'est pas de savoir qui a commencé mais à qui profite le plus le conflit. On en conclut immanquablement que les extrémistes palestiniens, pour lesquels le Hamas fait office d'organisateur et d'instigateur, sont les plus intéressés. Mais sont-ils les seuls ?

Le Hamas (dont le nom arabe signifie « mouvement de résistance islamique ») a été fondé en 1987 en vue de liquider complètement l'Etat d'Israël et de créer à sa place un Etat palestinien, précisément durant la première Intifada. L'Intifada était par nature, la « marraine » du Mouvement de résistance islamiste, son « parrain » étant le cheikh Ahmed Yassine, un religieux connu pour son intransigeance. Bien que, durant la première Intifada, le Hamas soit pour l'essentiel resté dans l'ombre du Fatah, son principal rival politique, il a su occuper un créneau commode, édifiant sa politique sur les erreurs de l'organisation fondée par Yasser Arafat. L'euphorie du début des années 90, liée aux espoirs de la création rapide d'un Etat palestinien indépendant, ainsi qu'à la popularité des courants pacifistes, ont contraint le Hamas à reconsidérer quelque peu ses activités et à développer sa propagande au sein de la population. L'organisation a largement réussi à faire partager ses vues extrémistes par la population, surtout parmi les groupes de Palestiniens socialement les plus vulnérables.

La deuxième Intifada, déclenchée en 2000 aura été, pourrait-on dire, « l'ère de grâce » du Hamas. Ses militants et ses fonctionnaires ont eu la possibilité de se développer à plein. Des centaines d'incursions armées, les tirs contre les territoires israéliens, les sabotages visant les infrastructures avec, en toile de fond, les ripostes cinglantes d'Israël et la faiblesse du pouvoir politique de l'Autorité palestinienne ont conduit à accroître la popularité de cette organisation parmi la population palestinienne. Lors des élections législatives de 2006, le Hamas a remporté une victoire haut la main, qui a donné « la migraine » non seulement à Israël et aux dirigeants palestiniens, à Mahmoud Abbas en premier lieu, mais aussi aux élites politiques des Etats arabes voisins.

Mais, au fur et à mesure que l'effet de la seconde Intifada retombait et que le Hamas, qui avait pris en main l'économie de la Palestine, cessait de justifier les espoirs que la population avait placés en lui, ses rivaux politiques, à commencer par le Fatah, eurent la possibilité de prendre leur revanche de la défaite subie deux ans auparavant. Les problèmes ont commencé pour le Hamas. Si l'on ajoute que l'élection du chef de l'Autorité palestinienne aura lieu en 2009 et que la crise financière mondiale pourrait d'une manière générale paralyser une économie palestinienne déjà moribonde du fait de l'incompétence des gens du Hamas, on peut en déduire que les leaders du Hamas ont décidé de prendre les devants.

La troisième Intifada, que les extrémistes palestiniens sont prêts à déclencher, n'est rien d'autre qu'une tentative désespérée de détourner l'attention des Palestiniens des problèmes internes réellement graves (la Palestine s'est retrouvée à plusieurs reprises, ces dernières années, au bord de la faillite économique) et de résoudre les propres problèmes du Hamas en faisant porter l'essentiel des coups contre son principal rival, le Fatah.

Mais, aujourd�hui, le Hamas a déclenché une guerre dont aucun participant ne peut prévoir les conséquences. Les intentions israéliennes de mettre fin à cette organisation pourraient bien déblayer le champ politique devant Mahmoud Abbas d'un côté et, de l'autre, modifier notablement l'équilibre des forces dans la région, acculant à nouveau l'extrémisme islamique à la clandestinité. Mais sans l'anéantir définitivement.

Bonne année au Proche-Orient ! La Turquie se lave les mains, l'Iran fait des déclarations abruptes, l'Egypte propose des solutions pour sortir de cette situation de crise aiguë� La « carte palestinienne » constitue traditionnellement un instrument important de la politique extérieure des principaux acteurs régionaux. Mais il semblerait que le Hamas ait, cette fois, sérieusement mélangé toutes les cartes.

La Turquie qui, d'une manière générale, fait preuve ces derniers temps d'une politique étrangère active et qui a servi d'intermédiaire dans les discussions indirectes israélo-syriennes, a jugé impossible de poursuivre les négociations dans l'état actuel des choses. Le ministre turc des Affaires étrangères a déclaré à l'issue d'une rencontre avec son homologue égyptien Ahmed Aboul Gheit : « Il est impossible d'avoir une guerre entre Israël et la Palestine et de consolider en même temps la paix entre Israël et la Syrie ».

La Syrie et l'Iran ont d'ailleurs immédiatement réagi aux bombardements israéliens intensifs contre la bande de Gaza. La montée des tensions régionales peut avoir des incidences graves sur les plans syriens de normalisation des relations avec les Etats-Unis et d'implication dans le règlement au Proche-Orient. Pour ce qui est de l'Iran, une élection présidentielle est prévue à l'été 2009. Qui pourrait mettre maintenant en doute le fait que Mahmoud Ahmadinejad exploitera activement le thème israélo-palestinien, en fera un de ses « chevaux de bataille » de prédilection en politique extérieure. Reste à savoir si cela l'aidera�

Les autres pays arabes se déclarent, qu'on le veuille ou non, solidaires des Palestiniens. Mais tous les slogans ne se résument pas en un seul : « quand nous disons « Palestiniens », nous sous-entendons le Hamas ».

Les grandes puissances mondiales vont avoir leur mot à dire. Le nouveau chef du bureau ovale de la Maison Blanche va devoir déterminer le vecteur de sa politique au Proche-Orient dans une période qui est loin d'être simple. La réponse du monde arabe à la question « Qui êtes-vous Monsieur Obama ? » sera fonction des premiers pas que Barack Obama fera dans cette direction. De ces premiers pas dépendra également la réponse à leurs attentes concernant la nouvelle administration américaine.

Le Proche-Orient a débuté l'année 2009 avec des questions auxquelles on pourrait en partie trouver une réponse cette année, sans que jamais une solution définitive y soit apportée�

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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