Ukraine: un réveillon sans gaz?

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Par Vlad Grinkevitch, RIA Novosti
Par Vlad Grinkevitch, RIA Novosti

Les habitants de l'Ukraine doivent, semble-t-il, se préparer à passer un hiver rude, car les autorités du pays n'ont toujours pas payé les livraisons de gaz russe et n'auront sans doute pas le temps de régler cette dette avant la fin de l'année. La partie russe promet de suspendre le 1er janvier les livraisons de gaz vers l'Ukraine, d'autant que ce sera très facile techniquement. Gazprom laisse cependant à Kiev la chance de régler la question et propose d'examiner différentes formes de paiement de la dette.

Les guerres gazières entre les deux Etats continuent depuis des années, et les arguments économiques des deux parties sont bien connus. Mais rappelons-les cependant. La Russie, en la personne de Gazprom, ne vend pas à l'Ukraine du gaz russe, mais celui d'Asie centrale, et, évidemment, la société en tire son profit. Le prix moyen du gaz centrasiatique se chiffre à environ 40 dollars les mille mètres cubes, et l'Ukraine l'obtient pour 179,5 dollars les mille mètres cubes (ce chiffre comprend le prix du transit et la composante commerciale). Grâce à ce schéma, Gazprom dégage des profits non négligeables tout en évitant la concurrence des fournisseurs centrasiatiques, en rachetant leur gaz et en le transférant vers l'Europe. L'Ukraine, quant à elle, joue un rôle important dans ce schéma: jusqu'à 80% des exportations de Gazprom passent par le territoire de ce pays, via les gazoducs qui lui appartiennent. Cela permet à l'Ukraine d'acheter du combustible pour un prix beaucoup plus bas que la plupart des Etats d'Europe centrale et occidentale, et même que de nombreux pays de la CEI.

Néanmoins, l'Ukraine a réussi à accumuler environ 2 milliards de dollars de dettes (pénalités comprises). Le monopoleur gazier russe insiste sur l'amortissement complet de la dette, en menaçant, dans le cas contraire, de suspendre les livraisons de gaz dès le 1er janvier 2009.

Jeudi dernier, il a été annoncé que l'Ukraine avait versé à Gazprom 800 millions de dollars. Selon Alexandre Medvedev, vice-président du conseil d'administration de Gazprom, c'est une des nouvelles reçues de la partie ukrainienne. L'autre nouvelle est qu'il n'y aura pas de nouveaux paiements avant la fin de l'année, c'est ce "qu'on nous a dit, clairement et définitivement". Cela veut dire que l'Ukraine n'a amorti que ses dettes d'octobre, mais qu'il n'y aura pas de paiement pour les mois de novembre et de décembre avant le Nouvel An.

D'après Sergueï Kouprianov, porte-parole de Gazprom, la compagnie "n'a aucun fondement juridique pour fournir du gaz aux consommateurs ukrainiens à partir du 1er janvier", et du point de vue technique, il ne sera pas difficile de réduire le volume des livraisons.

La position de la partie ukrainienne est d'autant plus compliquée qu'à la différence de la situation de 2005-2006, les contrats de livraison de gaz et de son transit via le territoire ukrainien sont deux documents séparés. En d'autres termes, l'Ukraine, en tant que pays de transit, est obligée d'assurer le passage de gaz vers l'Europe, quelle que soit la situation sur le marché domestique. Qui plus est, l'Ukraine cherche depuis longtemps à obtenir le passage aux livraisons directes, pour se débarrasser de l'intermédiaire en la personne de la compagnie RosUkrEnergo (dont 50% des actions appartiennent à la partie russe), mais, comme l'a déclaré Alexandre Medvedev, il sera impossible de le faire en "laissant derrière elle" une dette de 2 milliards de dollars.

Quoi qu'il en soit, les représentants de Gazprom assurent qu'ils déploient tous les efforts nécessaires pour régler le problème de la dette ukrainienne en tenant compte de la situation financière difficile du pays. En effet, l'économie ukrainienne traverse actuellement une période d'instabilité, et la monnaie nationale se déprécie rapidement. Les experts ont déjà qualifié "d'historique" la chute du cours de la hryvnia. Cependant, l'Ukraine n'est pas le seul pays à connaître des difficultés financières. Deux dizaines d'Etats, dont la Bulgarie, la Roumanie, l'Estonie, la Lettonie et d'autres encore sont menacés de défaut de paiement. Néanmoins, ces Etats continuent de payer les produits énergétiques ou réduisent leurs volumes de consommation.

Le règlement des problèmes purement économiques dans les relations entre les sociétés russe et ukrainienne, Gazprom et Naftogaz, s'avère plus difficile en raison de la situation politique instable en Ukraine. Le porte-parole du président ukrainien, Viktor Iouchtchenko, a avoué que le report du paiement de la dette à 2009 risquerait d'entrainer une augmentation des prix du gaz. L'administration présidentielle impute au gouvernement de Ioulia Timochenko ce retard dans le règlement du problème gazier, en l'accusant de "s'être écarté des négociations avec la Russie".

En attendant, l'augmentation des prix du gaz fourni par la Russie risque de porter un coup dur aux intérêts des autorités ukrainiennes. Cela s'explique par une politique spécifique des prix adoptée dans ce pays: en achetant du gaz pour 179 dollars les mille mètres cubes, Naftogaz en vend aux consommateurs domestiques pour 320 dollars les mille mètres cubes. Il est clair que si les prix d'achat sont augmentés, il sera impossible de garder la même marge. La balle est donc aujourd'hui dans le camp de l'Ukraine, d'autant que Gazprom estime qu'il est encore possible de trouver un compromis avant la fin de l'année, en prenant en considération les propositions faites par la partie russe.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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