Regarder Obama dans les yeux

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Par Dmitri Kossyrev, RIA Novosti
Par Dmitri Kossyrev, RIA Novosti

Qu'a donc fait ce dernier week-end à Moscou Henry Kissinger, le diplomate américain le plus respecté de ces cinquante dernières années ? Peu de gens le savent, et cela demeurera un mystère. Mais l'on comprend bien que pour les Etats-Unis, actuellement, le moment est venu de prendre des décisions sérieuses et douloureuses. Et bien que ce soit le président Obama qui doive prendre ces décisions à compter du 20 janvier, il est facile d'imaginer qu'elles seront concoctées par les meilleurs membres de la communauté de politique étrangère des Etats-Unis. Cette communauté est à la fois importante et complexe, se tient au-dessus des contradictions entre les partis. Le républicain Kissinger y occupe une place particulière - c'est une sorte de magicien hors catégories.

Il est parfaitement clair, aujourd'hui, que les relations entre Moscou et Washington vont mal, et que cela plaît encore moins à l'Amérique qu'à la Russie. Il est tout aussi clair que les principales erreurs ont été commises du temps du célèbre mari de la future secrétaire d'Etat américaine, sous la présidence Clinton. Il ne fallait pas que la communauté américaine qualifie inconsciemment ce qui s'est passé en 1991 de défaite infligée à l'URSS par les Etats-Unis et confonde la Russie avec le Japon d'après 1945, que le "shogun américain" Douglas MacArthur avait remodelé. Qu'est-ce que les Etats-Unis ont obtenu, au final ? Que, par exemple, en Russie, le nombre de citoyens éprouvant de la sympathie pour les Etats-Unis a presque été divisé par trois dans la période postsoviétique. Pourtant, à l'aube des années 2000, il était déjà clair que l'opinion publique exerçait dans notre pays une influence notable sur la politique extérieure. Et que toutes les initiatives ou déclarations de Moscou, montrant son indépendance vis-à-vis des Etats-Unis ne pouvaient que rencontrer le soutien des électeurs.

Il y avait eu peu d'initiatives ou déclarations de ce type dans les années 90. Mais, par la suite, les Etats-Unis n'ont pas été les seuls à découvrir que dans leurs actes, ils pouvaient ignorer le point de vue de la Russie (une attitude qui avait été impossible vis-à-vis de l'URSS). Mais après l'échec américain en Irak, Moscou a compris elle aussi que dans de nombreuses situations, elle pouvait se permettre de ne pas prendre en compte la position des Etats-Unis, et que l'opinion russe ne ferait que soutenir cette position.

Autrement dit, "l'unilatéralisme" américain, unilatéralisme qui vaut, du reste, aux Etats-Unis les reproches des Européens et des habitants d'autres régions du globe, a tout simplement engendré en Russie une réponse symétrique.

Le résultat, c'est que l'Amérique et nous ne nous côtoyons pas beaucoup sur la scène internationale, si l'on fait abstraction des accusations verbales, sans conséquences, que nous nous adressons mutuellement. Le contact est rompu, même si l'on fait la comparaison avec la période soviétique.

Naturellement, il y aura des sommets Obama-Medvedev, quelles que soient les circonstances. Les deux leaders devront modifier quelque chose au Traité sur la réduction et la limitation des armements stratégiques offensifs (START-1), qui arrive à expiration le 5 décembre 2009. Mais, globalement, les deux pays ont abordé la fin de la présidence Bush et le début de la présidence Medvedev avec un certain vide d'idées concernant la manière de tirer des avantages notables de la coopération bilatérale. Kissinger joue un rôle-clé pour sortir de cette impasse. Somme toute, il faudrait non seulement que Dmitri Medvedev regarde Barack Obama bien dans les yeux, mais que nos deux pays le fassent eux aussi, tels qu'ils sont.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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