Khodorkovski: une perestroïka mondiale comme réponse à la crise (Vedomosti)

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MOSCOU, 7 novembre - RIA Novosti. L'élection de Barack Obama à la tête des Etats-Unis n'est pas un simple changement du pouvoir dans un pays donné, même dans une superpuissance, a indiqué vendredi l'ancien patron de la compagnie pétrolière Ioukos, Mikhaïl Khodorkovski, dans les colonnes du quotidien Vedomosti.

Nous sommes au seuil d'un changement de paradigme s'agissant du développement mondial. L'époque actuelle, ouverte il y a 30 ans par Ronald Reagan et Margaret Thatcher, s'achève. En me plaçant sans doute dans la partie libérale de la société, je vois qu'un tournant à gauche nous attend. Une perestroïka mondiale sera inévitablement la réponse à la crise mondiale.

Nous avons tout droit moral et professionnel de constater que ces 30 années de règne des idées libérales touchent à leur fin. Il est vrai qu'au début des années 1980 les nouveaux leaders américain et britannique, Reagan et Thatcher, ont compris que le "socialisme réel" perdait sa compétitivité dans le domaine économique, politique et social. Ce qui signifiait que le monde bipolaire n'était pas perpétuel et qu'il était possible de gagner la guerre froide. De plus, il fallait le faire en s'appuyant sur le bon vieux libéralisme, car la social-démocratie ne pouvait pas s'opposer aussi distinctement et explicitement au communisme, auquel elle reconnaissait beaucoup de traits productifs et positifs. En outre, les gauches américaines et européennes de cette époque estimaient que le camp communiste était éternel et que la lutte ne devait pas viser une victoire décisive et sans appel.

Aujourd'hui, le monde voit naître la situation inverse. La reaganomie s'est épuisée à ce moment historique après plus d'un quart de siècle d'heureuse destinée. Un néo-socialisme franchit le seuil de l'époque contemporaine. Dans un avenir proche, les idées de Keynes seront plus populaires que celles de Friedman ou Hayek. Les mains tangibles des Etats et des alliances internationales auront plus d'importance que la main invisible du marché.

Le tournant à gauche sera cette fois mondial et non national ou régional. Il représentera une réponse du monde au défi de la crise, et notamment aux problèmes qui se sont accumulés pendant les 25 années précédentes.

C'est le néo-socialisme qui sera vainqueur aujourd'hui, à l'issu de la première décennie du XXIe siècle. Il ne s'agit cependant pas du socialisme totalitaire de la paix de Yalta: nombre de ses traits remontent au néolibéralisme de Reagan et Thatcher. La mondialisation subira un certain ralentissement, mais ne s'arrêtera pas. Le "milliard doré" devrait renoncer à ses espoirs d'améliorer davantage son statut de consommateur, mais les standards élevés de la consommation, formés à la fin du siècle dernier, resteront toutefois la norme. L'aspiration à la liberté politique et à la compétition ouverte des individus ne disparaîtra pas non plus. Les prédictions de Fukuyama ne se sont pas formellement réalisées, mais bon nombre de ses estimations étaient justes, et il faut le reconnaitre en abordant un tournant global à gauche.

La nouvelle révolution de l'histoire, qui arrivera probablement dans 12 à 15 ans, quand le néo-socialisme aura déblayé tous les encombrements de la crise et harmonisé l'économie mondiale, sera marquée par une nouvelle offensive du libéralisme. Un virage à droite suivra celui effectué à gauche. Mais c'est déjà l'ordre du jour de demain.

(Par Mikhaïl Khodorkovski, ex-PDG du groupe pétrolier en faillite Ioukos condamné à huit ans de prison pour escroquerie et évasion fiscale à grande échelle. L'article a été transmis à Vedomosti par ses avocats).

Cet article est tiré de la presse et n'a rien à voir avec la rédaction de RIA Novosti.

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