La dissolution de la Rada suprême (parlement ukrainien) et les tentatives plus comiques que démocratiques du président Viktor Iouchtchenko pour se procurer de l'argent afin de financer cette nouvelle campagne ont relégué au second plan "l'arrière-goût géorgien" dans les rapports russo-ukrainiens. Cependant, le premier ministre russe Vladimir Poutine a déjà prévenu que Moscou tirerait les conséquences de ce qui s'est produit dans l'évolution de ses rapports avec l'Ukraine. Une enquête a été engagée à Kiev pour déterminer les circonstances des livraisons d'armes ukrainiennes au profit du régime de Mikhaïl Saakachvili.
"L'Ukraine doit se respecter en tant qu'Etat. [...] Nous disposons de renseignements, selon lesquels quatre spécialistes militaires américains (nous connaissons leurs noms) se sont rendus en septembre à Kirovograd. Ils ont sélectionné dans un entrepôt des missiles antichars afin de les envoyer en Géorgie", a affirmé Valeri Konovaliouk, député de la Rada suprême dissoute et président de la commission parlementaire chargée d'enquêter sur les livraisons d'armements effectuées par l'Ukraine à la Géorgie.
Lors d'un duplex Moscou-Kiev organisé par RIA Novosti, Valeri Konovaliouk a exposé les détails de l'enquête. Selon lui, elle n'est pas encore achevée, mais "il est déjà clair que la majeure partie de l'argent provenant des exportations d'armements a été détournée des caisses de l'Etat". "Des armes ont été vendues pour 2,5 milliards de dollars, mais, sur cette somme, l'Etat n'a reçu qu'un milliard de hryvnias (moins de 200 millions de dollars), soit près de douze fois moins", a expliqué le député.
M. Konovaliouk a confirmé que les armements vendus à la Géorgie avaient été spécialement retirés du service, bien qu'ils soient nécessaires pour assurer la capacité défensive de l'Ukraine. Il a cité, entre autres, le système de missiles Buk M-1. Par conséquent, fait remarquer le président de la commission, l'Ukraine n'exporte pas d'armes, mais les privatise plutôt. "En fait, notre pays vend aujourd'hui les réserves d'armements héritées de l'Union soviétique", a-t-il expliqué. Valeri Konovaliouk s'étonne en outre de l'impossibilité pour sa commission d'établir des "rapports normaux" avec les ministères ukrainiens de la Défense et de la Sécurité nationale.
Il a ajouté que les livraisons d'armes étaient aujourd'hui contrôlées par un groupe restreint de personnes qui détiennent le pouvoir, et que la société ne contrôlait que très peu ce commerce. De nombreuses données sur les flux d'armements et d'argent réclamées par la commission sont par exemple étudiées aujourd'hui pour la toute première fois seulement.
En outre, si le président Iouchtchenko n'avait pas dissout la Rada, un organe chargé de contrôler le marché des armements de l'Ukraine aurait été créé au parlement.
Valeri Konovaliouk ne renonce pas à cette idée pour autant. Il envisage de proposer de créer ce type d'organe dans tous les pays de la communauté lors de la prochaine session de l'Assemblée interparlementaire de la CEI (Communauté des Etats indépendants).
Le député n'exclut pas que la Rada suprême ait été dissoute, entre autres, en vue de saper le travail de la commission qu'il préside.
Revenant au lien entre la "guerre des cinq jours" et le scandale des livraisons d'armes, Valeri Konovaliouk a souligné que les dirigeants ukrainiens étaient au courant de l'éventualité d'une agression de la Géorgie en Ossétie du Sud, alors qu'ils livraient des armements à Mikhaïl Saakachvili. Faisant le point sur l'enquête, Valeri Konovaliouk a souligné que l'Ukraine n'avait pas le droit de vendre des armes à la Géorgie ni de lui en apprendre le maniement pour la bonne et simple raison qu'elles ont été employées contre les soldats de la paix. En agissant de la sorte, l'Ukraine s'est opposée à l'ONU, car les soldats de la paix russes avaient reçu un mandat de l'Organisation des Nations unies.
Il faut relever que les actions du gouvernement ukrainien ne se distinguent pas par leur esprit de suite. Peu après avoir apporté leur soutien direct aux actions de Mikhaïl Saakachvili en Ossétie du Sud, les autorités ukrainiennes prorogent le traité d'amitié avec la Russie. Comment évoluera la stratégie de Moscou à l'égard de l'Ukraine compte tenu de cette "multivectorialité"? RIA Novosti a posé cette question à Vladimir Jirinovski, vice-président de la Douma (chambre basse du parlement russe).
"Bien entendu, des conclusions seront tirées de tout cela. Si ces armes ont tué des soldats russes, nous avons toutes les raisons d'avancer des griefs au commandant suprême de l'Ukraine, Viktor Iouchtchenko. Pour l'instant, nous devons faire la lumière sur tout cela, et nous nous en servirons en cas d'aggravation de la situation", a indiqué M. Jirinovski.
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