Assemblée générale de l'ONU: le tiercé gagnant

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Par Dmitri Kossyrev, RIA Novosti
Par Dmitri Kossyrev, RIA Novosti

C'est maintenant une vieille tradition, le deuxième à s'adresser à l'Assemblée générale de l'ONU du mois de septembre est le président des Etats-Unis, pays du siège de l'ONU (le premier orateur étant généralement le Brésil). Il est évident que le discours du leader de l'Amérique donne toujours le ton aux discours que les chefs d'Etat et les ministres enchaînent pendant toute une semaine. Ce qui se justifie globalement, les Etats-Unis étant le premier Etat du monde de par leur économie et leur puissance militaire.

Le ton de cette 63e session de l'Assemblée générale de l'ONU aurait toutefois pu engendrer la torpeur et l'ennui: la dernière allocution prononcée par George W. Bush du haut de cette tribune ne fut en rien brillante. Le président américain avait tout de l'académicien las et mélancolique lisant son rapport lors d'une conférence scientifico-pratique. D'une manière générale, d'ailleurs, c'est ainsi que le grand public juge la plupart des discours prononcés à l'ONU, ceci étant qu'il faut bien qu'existe un lieu où les chefs d'Etat peuvent exprimer leurs préoccupations.

Qu'a donc dit George W. Bush qui avait pourtant à sept reprises brandi la foudre dans cette salle, forçant les experts à essayer de deviner si nous allions connaître la guerre ou la paix. Il a particulièrement développé le thème du terrorisme qu'il a abordé sous différents aspects. Le passage le plus remarquable, ici, fut l'énoncé de la conception américaine exotique mais en rien nouvelle, selon laquelle "la lutte contre la tyrannie" et "pour la liberté" serait le meilleur remède contre le terrorisme. Optez pour la liberté et vous terrasserez le terrorisme.

C'est dans cette partie du discours que les speechwriters du président Bush ont opéré une transition subtile entre le thème du "terrorisme et [de] la liberté" et la question géorgienne. Quand le président a commencé à exprimer sa solidarité à divers peuples épris de liberté, et à la Géorgie notamment: le monde observe notre réaction face à "l'invasion russe qui a violé le droit international". Nous réagirons, a poursuivi George W. Bush, en aidant la Géorgie. Un peu plus loin dans son discours, le régime géorgien s'est retrouvé sur la liste plutôt intéressante des pays - Liban, Ukraine, Libéria, Irak et Géorgie - qui "offrent des sacrifices sur l'autel de la liberté", ce qui devrait provoquer l'enthousiasme général.

Tout le reste ne fut malheureusement qu'une pathétique illustration de rhétorique onusienne sans véritable objet. Et la démonstration manifeste d'une absence d'idées brillantes. Lorsque ce même George W. Bush brandissait la menace d'une guerre du haut de cette même tribune, ce ne sont pas les belles idées qui manquaient. Quant à une version souple de la politique des Etats-Unis, on n'en entend malheureusement pas parler aujourd'hui.

Il est tout à fait possible de considérer comme une coïncidence le fait que le président français Nicolas Sarkozy ait immédiatement succédé à George W. Bush à la tribune. Le contraste n'aurait pas pu être plus grand: il arrive qu'un sang neuf soit réellement nécessaire dans la politique mondiale.

Les idées et les figures de style éblouissantes ont jailli de la bouche de Nicolas Sarkozy, qui a répété à plusieurs reprises que le monde ne voulait plus attendre que ses leaders se réunissent pour réagir aux problèmes et aux catastrophes. Il a proposé sa recette pour lutter contre la crise financière globale actuelle: créer une sorte de nouveau capitalisme régulé où l'activité financière n'est pas laissée à la seule appréciation des opérateurs du marché, et où les banques se livrent à leur activité première à savoir agir au service du développement et non des spéculations.

Dans la suite de son discours, il a enfin déclaré ouvertement ce que l'on attendait depuis longtemps, à savoir qu'il était temps d'élargir le G8 à la Chine, l'Inde, l'Afrique du Sud, le Mexique et le Brésil. Et qu'il fallait, par conséquent, renforcer le Conseil de sécurité de l'ONU. "Un monde nouveau est en train de naître", a rappelé Nicolas Sarkozy, montrant de toute évidence que cela lui plaisait beaucoup d'apporter son aide à cette genèse.

Il est intéressant de noter que Nicolas Sarkozy s'est davantage adressé à l'Assemblée en tant que chef de l'Etat qui préside actuellement l'Union européenne que comme le président de la République française. C'est-à-dire en tant que chef de file de l'Europe, voire plus simplement en tant qu'Europe. L'Europe ne veut pas de guerre des civilisations ni de guerre froide: telle fut la teneur du coeur de son discours. C'est intéressant car il y avait longtemps que l'Europe ne s'était pas adressée au monde avec autant d'assurance et d'indépendance, tout du moins au niveau du style si ce n'est du contenu.

A la Russie, l'Europe a exprimé le souhait d'avoir avec elle des liens, qu'elle voulait "bâtir avec elle un avenir partagé", qu'elle voulait être son partenaire et créer un espace économique continental qui unirait la Russie et l'Europe. Même si cette Europe n'a pas manqué, non plus, de rappeler à Moscou qu'il ne saurait y avoir de compromis concernant les questions de souveraineté, d'indépendance et le respect du droit international.

L'Europe (et pas uniquement la France) s'est aussi adressée à l'Iran, à Israël, à l'Afghanistan, à l'Afrique et la Somalie. Tout cela, enfin, a fortement contrasté avec la rhétorique soporifique de George W. Bush. Bien qu'il ne faille pas oublier que l'éloquence de Nicolas Sarkozy dépasse ses possibilités réelles. Néanmoins ce "phénomène Europe" mérite tout de même le respect.

Ce duo des deux parties de l'espace euro-atlantique aurait déjà été à lui seul un bon début pour la 63e Assemblée générale, mais il ne faut pas oublier que le secrétaire général des Nations Unies (Ban Ki-moon en l'occurrence) est la première personne à ouvrir les débats au sommet. Et le duo s'est donc transformé en trio. Il a rappelé dans son allocution ce qu'était l'ONU et a fait remarquer que, dans le cas présent, des progrès dans les relations avaient fait surface au sein du monde occidental. L'ONU, ce sont 192 Etats qui, pour la plupart, rencontrent comme problème essentiel une triple crise, financière, énergétique et alimentaire. De même, d'ailleurs, que la "crise du leadership global". Ban Ki-moon a exposé les priorités avec compétence, mettant en première page la lutte contre le paludisme, l'aide à la lutte contre les fléaux naturels en seconde et, en troisième, "l'apaisement des tensions en Géorgie après le récent conflit". Et, enfin, proche de la fin, la réforme de l'Organisation elle-même, devenue elle aussi depuis longtemps une nécessité.

Au final, il en ressort un début très fort pour la nouvelle année de travail de l'Organisation des Nations Unies, qui n'évoque peut être pas un gouvernement mondial mais qui convient tout à fait pour son devoir de raison et de conscience collective (et en ébullition permanente).

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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