Conflit en Géorgie: l'hypothèse gazière ne tient pas (Kommersant)

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MOSCOU, 15 septembre - RIA Novosti. La guerre dans le Caucase ne doit pas être interprétée comme une tentative russe de torpiller les efforts de l'Europe en matière d'établissement d'itinéraires alternatifs pour les importations d'hydrocarbures, lit-on lundi dans le quotidien Kommersant.

L'opposition entre les projets russes Nord Stream et South Stream, qui contourneraient l'Ukraine et la Biélorussie, et le projet de gazoduc européen Nabucco, orienté vers le transport du gaz de la région de la mer Caspienne, ainsi que, à long terme, du Proche-Orient, semble pour plusieurs raisons tirée par les cheveux.

L'essentiel est que la quantité de gaz que Gazprom peut diriger vers l'Europe diminue irrévocablement, le géant gazier serait par conséquent incapable de couvrir les volumes projetés par le Nabucco. Selon les statistiques de Gazprom, le potentiel d'extraction dans les gisements actuels, qui sont déjà considérablement entamés, devrait se réduire de 601,9 milliards de m3 en 2010, jusqu'à 412,2 milliards en 2015 et 191,6 en 2020. La réalisation des plans en matière d'extraction nécessite la mise en exploitation de nouveaux gisements avec une capacité minimale de 215-300 milliards de m3 par an d'ici à 2015 et de 780-880 milliards d'ici à 2030. Cela est complètement impossible compte tenu du volume actuel du financement. Malgré les déclarations du président de Gazprom Alexeï Miller qui affirme que sa compagnie occupera un tiers du marché européen du gaz de consommation en 2020, le chef du bureau russe du groupe allemand E.ON Rainer Hartmann estime que la part du géant russe ne dépassera pas 22%, contre 26% actuellement.

Les projets de Gazprom n'augmenteront pas la quantité d'hydrocarbures en Europe, mais ne feront que réorganiser ses flux, en obligeant l'Ukraine et un certain nombre d'autres pays à acheter du gaz aux filiales de Gazprom en Allemagne, en Autriche et dans d'autres pays.

Il n'est pas logique non plus de supposer que la campagne militaire dans le Caucase a eu pour but de saboter les livraisons de gaz de l'Asie centrale vers l'Europe. L'Azerbaïdjan est actuellement incapable d'exporter plus de 6-8 milliards de m3 par an, alors qu'il en faut au moins 30 milliards pour que le Nabucco soit rentable. Quant au Turkménistan, avant de devenir partenaire du Nabucco il doit d'abord signer un accord avec l'Azerbaïdjan sur les frontières maritimes, commencer à exploiter des gisements à l'ouest du pays (ou construire près de 1.000 kilomètres de conduites supplémentaires depuis l'est) et renoncer aux livraisons de gaz vers la Chine. Ces conditions sont encore manifestement irréalisables. En Asie centrale, les compagnies gazières russes se retrouvent quant à elles en concurrence avec les Chinois, et non avec les Européens, qui plus est sans succès apparent.

Dans l'ensemble, on peut reprocher aux stratèges de Gazprom (au sein de la compagnie aussi bien qu'au Kremlin) l'inefficacité de leur gestion du géant gazier, et de nombreuses erreurs en matière de planification stratégique. En tout cas, on ne peut certainement pas les accuser d'avoir créé un conflit militaire afin de lutter contre ce concurrent imaginaire qu'est pour eux le gazoduc Nabucco.

Par Mikhaïl Kroutikhine, partenaire et analyste de l'agence RusEnergy.

Cet article est tiré de la presse et n'a rien à voir avec la rédaction de RIA Novosti.

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