L'heure du bilan pour les armées russe et géorgienne

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Par Ilia Kramnik, RIA Novosti
Par Ilia Kramnik, RIA Novosti

La guerre de cinq jours qui a conduit à la reconnaissance de l'indépendance de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud s'est terminée, d'un point de vue formel, par la victoire de la Russie et de ses forces armées. L'armée de l'agresseur a essuyé une défaite, son matériel de guerre et ses armements ont été détruits ou saisis, sa flotte incendiée et ses principaux entrepôts d'armes et bases militaires ruinés par des frappes aériennes.

Cependant, l'opération de guerre a mis en évidence certains défauts dans l'organisation et l'équipement des forces armées russes qui, dans le cas d'une confrontation avec un adversaire plus puissant, auraient pu compliquer sérieusement les actions militaires. La nécessité de remédier à ces défauts avait déjà été évoquée bien avant la fin de l'opération visant à contraindre la Géorgie à la paix. Que doit changer l'armée russe au vu des résultats de cette nouvelle campagne?

Il s'agit avant tout de changements d'ordre organisationnel, sans lesquels de nouvelles armes et du matériel de guerre neuf ne pourront assurer le succès d'éventuelles actions militaires futures. Dans cet ordre d'idée, il s'agit pour l'armée d'employer de nouveaux procédés tactiques et de nouveaux moyens de conduire une guerre. Cela concerne surtout les forces aériennes russes. Les troupes terrestres ont montré en Géorgie un niveau assez élevé d'interaction à l'intérieur des groupes de manoeuvre constitués d'unités de différentes armes, tandis que les forces aériennes qui ont essuyé des pertes relativement lourdes (4 avions, dont un bombardier à long rayon d'action Tu-22M3) et qui n'ont pas su neutraliser à temps la DCA géorgienne auraient certainement besoin d'une instruction complémentaire.

Tout d'abord, il faut accroître la capacité des forces armées à lutter contre un adversaire disposant d'une aviation et de systèmes de DCA plus perfectionnés que l'artillerie antiaérienne de petit calibre et les missiles antiaériens portatifs (PZRK). C'est la première fois depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale que les forces armées russes ont eu affaire à un tel adversaire, mais cela ne justifie pas leurs pertes: le niveau d'armement actuel des forces aériennes russes leur permet de lutter contre les systèmes antiaériens dont dispose la Géorgie.

Cependant, il convient également de doter les forces aériennes de nouveau matériel. Les programmes de modernisation du matériel aéronautique qui sont actuellement en vigueur concernent, pour l'essentiel, les unités aériennes du commandement spécial (KSpN), des 11e et 37e armées des forces aériennes et de DCA (Russie centrale et Extrême-Orient), alors que la 4e armée des forces aériennes et de DCA qui a participé à la guerre est contrainte jusqu'à présent d'utiliser des appareils non modernisés fabriqués dans les années 80.

Pour l'instant, on ignore encore quelles mesures concrètes seront prises en vue de changer cette situation, mais il est déjà évident qu'il est prévu d'accroître considérablement les volumes d'achat de matériel neuf et modernisé pour les forces armées dans le cadre du Programme GPV 2011-2020 (commande d'Etat pour le développement des armements) qui devrait être adopté en 2010 (le programme actuellement en vigueur est le GPV 2006-2015).

Les troupes terrestres ont également besoin d'être renforcées, malgré les résultats brillants de l'opération. A l'instar des forces aériennes, les principales unités de troupes terrestres dotées de nouveau matériel de guerre se trouvent, on ignore pourquoi, loin de la Région militaire du Caucase du Nord où ont lieu les combats. C'est pourquoi, parmi les armements plus ou moins modernes des troupes terrestres, celles-ci ont employé au cours de l'opération des canons automoteurs Msta, des missiles Totchka et (selon certains renseignements) Iskander, des lance-roquettes Smertch et certains autres systèmes d'armes. Mais la majeure partie du matériel utilisé - des chars T-62 et T-72, des véhicules blindés de combat d'infanterie BMP-1 et BMP-2, des véhicules blindés de transport de troupes BTR-70 et BTR-80, des canons automoteurs Gvozdika et Akatsia et des lance-roquettes multiples Grad - date des années 70-80 et n'a été, au mieux, que légèrement modernisée.

Tout cela donne l'impression que le commandement des forces armées tient le matériel moderne - les chars modernisés et nouveaux, les BMP, les BTR et d'autres types de véhicules - à distance des hostilités, pour ne pas gâter l'image des armes russes en cas d'issue défavorable du combat. Cependant, ce comportement pourrait avoir l'effet inverse: on pourrait penser que l'armée n'a pas confiance en ses nouveaux systèmes, préférant employer d'anciens véhicules de combat possédant des caractéristiques techniques moins bonnes, mais qui, en revanche, ont déjà été éprouvés.

En plus du matériel de combat, le rééquipement des troupes terrestres devrait également concerner les moyens de reconnaissance, de liaison et de navigation: les défauts mis à jour dans ces domaines sont évidents, mais la situation a peu changé depuis le milieu des années 90. Il faut également doter l'armée de moyens auxiliaires à différents usages, allant des véhicules modernes de réparation et d'évacuation aux stations radar de reconnaissance pour l'artillerie. Les trois jours de combats contre l'artillerie géorgienne dans la région de Tskhinval ont montré que l'artillerie russe n'était pas toujours capable de détruire rapidement les canons automoteurs de l'adversaire à cause de l'absence d'indications précises sur les cibles et du nombre insuffisant de munitions guidées.

C'est la flotte, en accomplissant avec succès sa mission, à savoir bloquer le littoral dans la zone du conflit, qui a essuyé le moins de reproches. Mais inutile de se faire des illusions à ce sujet. La majorité des navires de la Flotte russe de la mer Noire sont âgés de plus de 20 ans et devront être retirés du service au cours des 10 à 20 prochaines années. La flotte doit également être renforcée en raison de la détérioration évidente des rapports entre la Russie et l'OTAN: au moins, en vue d'assurer la défense de son littoral en cas de conflit grave et, au mieux, afin d'obliger un adversaire potentiel à renoncer au règlement militaire d'un conflit, si cette idée lui vient à l'esprit.

Mais l'armée russe ne sera pas la seule à connaître des changements. La Géorgie est en train de rétablir de manière intensive son armée, grâce à l'argent reçu des Etats-Unis et de leurs alliés. Si le régime de Mikhaïl Saakachvili décide à nouveau de lancer une opération militaire, son armée sera dotée en nombre sensiblement plus important de systèmes d'armements et de matériel de guerre occidentaux, livrés afin de remplacer les véhicules de fabrication soviétique perdus. Des changements surviendront également en matière d'instruction au combat: à l'exception d'unités isolées, l'armée géorgienne n'a pas fait preuve d'une bonne maîtrise au cours du récent conflit.

Le niveau de préparation au combat de l'armée géorgienne sera une question de temps. Si une nouvelle attaque de la Géorgie contre l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud a lieu en octobre-novembre 2008, il est peu probable que ces changements soient effectifs. Mais ils le deviendront au bout d'un certain temps. Il reste à espérer que les forces armées russes se renforceront suffisamment pendant ce temps pour que ni la Géorgie, ni personne d'autre ne prenne le risque de vérifier leurs capacités au cours d'un combat réel.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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