Nucléaire civil: l'accord russo-américain en stand-by

S'abonner
Par Tatiana Sinitsyna, RIA Novosti
Par Tatiana Sinitsyna, RIA Novosti

"En raison du conflit géorgien, l'administration Bush est prête à bloquer l'entrée en vigueur de l'accord intergouvernemental avec la Russie sur la coopération dans le domaine du nucléaire civil". Cette nouvelle diffusée par les médias occidentaux et qualifiée de sensationnelle se réfère à des sources anonymes. "Cet accord sera l'une des victimes les plus évidentes des frictions entre Washington et Moscou, qui ont rarement atteint un tel degré depuis la fin de la guerre froide", lit-on dans le Financial Times. Les journaux japonais commentent cette situation en des termes encore plus acerbes, estimant que cet acte visant à bloquer l'accord rend incertaines les perspectives de la coopération bilatérale russo-américaine dans le domaine nucléaire.

Cependant, cette coopération dure depuis bien des années, et personne n'a l'intention d'y mettre un terme. Les deux grandes puissances assurent la base des garanties mondiales en matière de non-prolifération des armes nucléaires et de développement du nucléaire civil. De quel accord s'agit-il alors? Il est question du document signé le 6 mai 2008 à Moscou.

Cet accord revêt un caractère structurel, il détermine les principes fondamentaux de la coopération entre les deux pays dans le domaine nucléaire et doit assurer la base juridique nécessaire à une coopération directe entre les entreprises russes et américaines du secteur. Autrement dit, si, jusqu'à présent, tout le travail et tous les contrats étaient fondés sur des accords intergouvernementaux exclusifs, le nouveau document donne la possibilité aux compagnies des deux pays de travailler sans avoir besoin, pour chaque transaction, de la signature de leurs chefs d'Etat.

Les milieux d'affaires attendaient cet accord depuis de nombreuses années, son absence était davantage due à des raisons politiques qu'économiques. Tout simplement, les survivances de la guerre froide fondées sur un schéma de confrontation entre les deux puissances dans le domaine hypersensible du nucléaire, où même les programmes civils sont excessivement politisés, n'avaient pas encore été définitivement éliminées.

Mais la situation a changé. La Russie et les Etats-Unis, qui disposent d'immenses possibilités dans le domaine nucléaire, ont décidé d'affranchir le secteur de ces barrières contraires au marché. Cet accord a été dicté par des tendances objectives, par le désir d'intensifier un partenariat mutuellement avantageux. Côté russe, il a été signé par Sergueï Kirienko, président de Rosatom (Agence russe de l'énergie atomique), côté américain, c'est l'ex-ambassadeur à Moscou William Burns qui en a été chargé. Ce dernier a notamment déclaré: "Par le passé, les Etats-Unis et la Russie ont été des rivaux dans le domaine nucléaire, à présent, nous sommes des partenaires".

Pour que l'accord acquière une valeur juridique, il faut qu'il soit approuvé par le Congrès américain. Cependant, dans le contexte des événements de Tskhinvali, alors que Moscou a fermement pris la défense de ses soldats de la paix et des civils d'Ossétie du Sud contre l'agression de la Géorgie, proche allié des Etats-Unis, des partisans du blocage de ce document ont fait leur apparition au Congrès.

Ce document a-t-il par conséquent une réelle chance d'être approuvé par le Congrès à un moment où les rapports entre les deux pays sont aussi tendus? Il est peu probable que le bon sens et l'utilité prennent le dessus sur la conjoncture politique, surtout dans les conditions de la phase finale de la campagne présidentielle.

La position de Moscou est pragmatique: tout d'abord, il faut que les passions s'apaisent. D'ailleurs, il est peu probable que Washington "claque la porte", renonçant ainsi à un accord avantageux. Les médias occidentaux sont certainement allés trop vite en interprétant négativement les actes de la Maison Blanche. Il est parfaitement évident que, dans la situation politique qui s'est créée, le rappel de ce document du Congrès profite aux deux parties. "L'atmosphère est explosive, c'est pourquoi toute décision à propos des documents déterminant la coopération ultérieure serait précipitée et renfermerait des éléments découlant de la vague émotionnelle qui submerge actuellement la Russie et les Etats-Unis, estime Konstantin Zaïtsev, vice-président du Comité pour l'énergie de la Douma (chambre basse du parlement russe). Il vaut mieux que la Maison Blanche attende que cette question se dépolitise et qu'elle revienne sur le terrain du pragmatisme et de la lucidité".

En effet, ne pas rappeler aujourd'hui l'accord du Congrès signifierait le condamner à un refus. Même si l'administration sortante rappelle effectivement ce document en n'ayant pu assurer son adoption par le Congrès dans le temps imparti (soit 90 jours à partir de sa signature), il s'agira d'une manoeuvre salutaire, qui lui laissera une chance d'entrer en vigueur après l'arrivée du nouveau maître de la Maison Blanche.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

Fil d’actu
0
Pour participer aux discussions, identifiez-vous ou créez-vous un compte
loader
Chat
Заголовок открываемого материала