Ce lundi 25 août a eu lieu la libération par Israël de 199 détenus palestiniens. En outre, la secrétaire d'Etat américaine Condoleezza Rice doit arriver aujourd'hui dans la région. Les deux événements sont destinés à apporter un soutien au président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas dans sa confrontation avec le mouvement de la résistance islamique Hamas et, en fin de compte, à contribuer à la progression du processus de paix entre Palestiniens et Israéliens.
Il reste moins d'un mois avant les primaires du parti Kadima au pouvoir en Israël, mais il existe aussi un risque qu'il faille organiser des élections législatives anticipées. Les passions sont échauffées à l'extrême: tout événement est exploité dans la lutte pour le leadership politique. Le processus de paix et les échanges de prisonniers sont à ce titre un véritable filon pour les politiques.
Les Israéliens ne se sont pas encore remis de la transaction conclue à la mi-juillet avec le mouvement libanais Hezbollah, lors de laquelle des dépouilles de soldats israéliens avaient été échangées contre des détenus libanais et palestiniens, dont certains avaient du sang sur les mains. Cette fois, la liste des détenus à libérer comporte également deux hommes condamnés à la réclusion à perpétuité pour avoir commis des actes terroristes: Mohammad Abou Ali qui avait tué en 1979 un réserviste israélien à Hébron, ainsi qu'un Palestinien en prison qu'il soupçonnait de collaborer avec les autorités; et Saïd Al-Attaba accusé d'avoir commis plusieurs actes terroristes en 1977. En échange, Israël ne recevra rien, la libération des détenus est considérée comme un "geste de bonne volonté".
Est-ce là une nouvelle manifestation de faiblesse de la part d'Israël? Rappelons que la transaction avec le Hezbollah avait été interprétée ainsi dans le monde arabe. Les autorités israéliennes affirment que c'est faux. Selon la ministre des Affaires étrangères Tzipi Livni, qui occupera probablement le fauteuil de premier ministre, il ne convient pas de libérer des détenus en réponse aux seules actions violentes des terroristes, car cela renforce le Hamas et d'autres groupements. Le geste de "bonne volonté" d'Israël doit renforcer les positions de Mahmoud Abbas et de son mouvement, le Fatah. En même temps, il doit montrer au monde arabe l'existence d'une alternative au règlement violent des problèmes, surtout en tenant compte du fait qu'Israël libère des prisons essentiellement des partisans et membres du Fatah. Purgeant sa peine en Israël, Mohammad Abou Ali a tout de même réussi à se faire élire lors des législatives de 2006 dans les rangs du Fatah.
D'autre part, Benyamin Netanyahu, autre prétendant au poste de premier ministre et leader du Likoud, parti d'opposition, a accusé le gouvernement de libérer des terroristes au lieu de mener une lutte intransigeante contre la terreur. Cependant, le gouvernement ne prête pas l'oreille à ces conseils et fait tout son possible en vue de discréditer le Hamas et d'aider Mahmoud Abbas. En outre, la libération de détenus est un geste adressé aux Etats-Unis qui exercent une pression aussi bien sur les Palestiniens que sur les Israéliens en vue de parvenir dans les plus brefs délais à un accord de paix, ou au moins à une ébauche. Conscientes qu'il est impossible de conclure un accord de paix avant la fin de l'année, les deux parties engagées dans le conflit font de leur mieux en vue de montrer à Washington qu'elles ne renoncent pas aux tentatives d'améliorer les rapports. Cette libération de détenus est une leçon édifiante donnée au Hamas en vue de lui montrer qu'il est également possible d'engager le dialogue avec des terroristes. Mais, pour cela, ils doivent renoncer à la violence et troquer les explosifs contre des cravates respectables. L'exemple du Fatah sera-t-il suivi par d'autres groupements extrémistes dans la région? Pour l'instant, rien de tout cela ne s'est produit.
Le fait que l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), dont le Fatah est le noyau, ait reconnu le droit à l'existence d'Israël et qu'elle ait signé avec lui plusieurs accords de paix qui, depuis 15 ans, n'ont toujours pas conduit à la création d'un Etat palestinien, donne aux appels à la poursuite de la résistance armée une chance de plus d'être entendus. Un des leaders du Hamas, Ismaïl Haniyeh, a déclaré ces derniers jours que la voie diplomatique et les négociations de paix ne répondaient pas aux intérêts des Palestiniens et que la seule voie juste était celle de la résistance armée. Ses paroles rencontrent un écho auprès du peuple palestinien.
Selon les sondages du Centre palestinien d'études politiques (Palestinian Center for Policy and Survey Research), 68% des Palestiniens interrogés estiment que les rencontres entre Mahmoud Abbas et le premier ministre israélien Ehud Olmert sont inutiles, et 66% considèrent que les chances de créer un Etat palestinien dans les cinq prochaines années sont nulles ou minimes. En même temps, entre mars et juin, le soutien apporté au Hamas s'est réduit de 35% à 31% et celui apporté au Fatah est passé de 42% à 43%. En outre, plus de 50% des sondés soutiendraient d'éventuelles négociations entre le Hamas et Israël, dans le cas où les Israéliens manifesteraient le désir d'engager le dialogue avec ce mouvement. Le nombre de partisans des actions armées s'est quant à lui réduit, bien que de façon insignifiante.
Les cotes de popularité du Fatah et du Hamas qui diffèrent peu permettent aux deux forces de marquer des points supplémentaires. Israël et les Etats-Unis soutiennent le Fatah et poursuivent l'objectif de discréditer entièrement les islamistes. Mais, en l'absence de progrès dans les négociations de paix, ils n'y parviennent pas. Les Palestiniens ne font pas confiance à Israël et d'autant moins à Washington, plus de 70% estiment que les négociations amorcées fin 2007 à Annapolis (Etats-Unis) sont vouées à l'échec.
Par conséquent, cette libération de détenus organisée, en fait, à l'occasion de la visite de Condoleezza Rice, sera probablement le seul effet positif de la visite de la secrétaire d'Etat américaine dans la région et, d'ailleurs, seulement pour une partie des Palestiniens. Le Hamas est vexé, car ses partisans ne figurent pas sur la liste des détenus à libérer, et il qualifie le Fatah de traître, ce qui diminue les chances de réconciliation entre les groupements palestiniens. La majorité des Israéliens ne sont pas non plus ravis des actions de leur gouvernement et des tentatives des Etats-Unis d'accélérer le processus de paix. Bref, au lieu de contribuer à la conciliation dans la région, les Etats-Unis ne font ces derniers temps que contribuer à l'apparition de nouveaux conflits.
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