Revue de la presse russe du 25 août

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MOSCOU, RIA Novosti

Kommersant

La Russie prête à reconnaître l'indépendance de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud

A en juger par de nombreuses déclarations des sénateurs et députés qui assisteront aujourd'hui aux réunions plénières extraordinaires des deux chambres du parlement russe, ces dernières sont enclines à reconnaître l'indépendance de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud, lit-on lundi dans le quotidien Kommersant.

Cela permettra à Moscou de maintenir sa présence militaire dans les deux républiques, car, après la fin de la guerre, les forces russes de maintien de la paix ne pourront plus y rester légalement.

Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov avait déclaré la semaine dernière qu'il ne s'agissait nullement d'une mise en scène (de la reconnaissance de l'Ossétie du Sud et de l'Abkhazie), reconnaissant de fait que la préparation de cet événement était, cette fois, tout à fait sérieuse. Des sources du Kommersant ont fait savoir que, place de Smolensk (siège de la diplomatie russe), on était déjà prêt à mettre en oeuvre le plan de reconnaissance de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud et que ce processus pouvait être mené à son terme d'un jour à l'autre.

Selon une source bien informée auprès des milieux gouvernementaux, Moscou ne nourrit aucune illusion au sujet de la conformité de ses actions par rapport au droit international. "Reconnaissant l'indépendance de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud, nous violons le principe de l'intégrité territoriale de la Géorgie, qui est un Etat souverain. D'ailleurs, en ce qui concerne la situation en Abkhazie, une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU précise que le conflit doit être réglé en respectant le principe de l'intégrité territoriale de la Géorgie. Si Tbilissi s'adresse au tribunal, le procès ne nous sera pas favorable", estime un interlocuteur du journal.

Pour se justifier, Moscou devra affirmer qu'en attaquant Tskhinvali la Géorgie a commis des actes de génocide. "La diplomatie russe reconnaît le droit des peuples à l'autodétermination, mais pas à la séparation. La séparation n'est possible que si un Etat a commis des crimes contre ce peuple, estime la source. Dans le cas du Kosovo, la Russie n'a pas reconnu le fait de génocide unilatéral de la part des Serbes, mais, en l'occurrence, on peut insister précisément sur ce fait".

A en juger par le soutien timide manifesté au cours des dernières semaines par les alliés de la Russie en politique étrangère, la liste de ceux qui reconnaîtront l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud ne sera pas très longue. Comme l'a déclaré Ivan Makouchok, assistant du secrétaire d'Etat de l'Union Russie-Biélorussie, Moscou fonde un grand espoir sur Minsk. Dans ce cas, l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud pourront être intégrées dans cette union. "Ce serait commode pour la Russie, car ce message serait adressé non pas à la Russie, mais à l'Union Russie-Biélorussie", a-t-il relevé.

Expert

L'Occident devra tenir compte des intérêts de la Russie dans le domaine de la sécurité

Le ton et le contenu de la déclaration finale du sommet extraordinaire des ministres des Affaires étrangères des pays de l'OTAN et la création du Conseil spécial Géorgie-OTAN montrent que l'Alliance s'inspire toujours de la réalité virtuelle qui s'était formée dans la tête des hommes politiques occidentaux au cours des années 90, lit-on lundi dans l'hebdomadaire Expert.

L'Occident s'y retrouve très mal dans les motifs de la politique étrangère russe: toutes sortes de phobies prédominent sur l'analyse lucide. D'abord, l'Occident attribue des intentions sinistres à la Russie, ensuite il lutte contre elles. Puisque les résultats de cette lutte ont des conséquences tout à fait différentes des attentes, cela devient un prétexte pour soupçonner la Russie d'avoir des intentions encore plus sinistres.

Ainsi, un motif tout à fait irrationnel est attribué à la Russie: une haine pathologique et inexplicable de la liberté. D'autre part, en même temps, l'Occident traite par le mépris tous les arguments rationnels de la Russie, car il est gênant de s'y opposer, surtout publiquement. Est-ce que George W. Bush peut dire: ces dernières années, nous avons intensivement militarisé la Géorgie, par conséquent, une fois renforcée, elle a attaqué l'Ossétie du Sud où elle a procédé à un nettoyage ethnique? Pour l'auditoire occidental, il est bien plus habituel d'entendre ceci: la Russie autoritaire de Poutine détruit la démocratie abhorrée en Géorgie, petit pays voisin, à bas les ennemis de la liberté!

Puisque les médias occidentaux présentent la Russie en utilisant des explications irrationnelles, les actions russes sont, pour l'opinion publique occidentale, inattendues et incompréhensibles. Ces deux dernières années, Moscou avait successivement prévenu l'OTAN et les Etats-Unis qu'ils ne pourraient pas ignorer les intérêts de la Russie dans le domaine de la sécurité et qu'ils devraient payer le véritable prix de leur progression dans cette voie. Discours de Munich de Vladimir Poutine, moratoire sur l'application du Traité FCE, reprise des patrouilles de l'aviation stratégique: tout cela indiquait que l'Occident s'était dangereusement rapproché de la "ligne rouge". Ces mesures ont suscité la réaction suivante: ou bien le Kremlin brandit les armes, ou bien tout cela est destiné à l'usage interne à l'approche des élections. La discussion sur l'avenir du FCE adapté a été, de fait, refusée par les partenaires occidentaux. Le résultat n'a pas tardé: l'emploi "inattendu" et "disproportionné" de la force contre la Géorgie. Mais est-ce que l'opinion publique occidentale ne s'est-elle pas aveuglée elle-même par des raisonnements superficiels sur la politique russe?

L'Occident n'est pas prêt à étendre les garanties de sécurité des alliés à la Russie. Par conséquent, il devra se résigner au fait que les intérêts de la Russie dans ce domaine peuvent différer substantiellement de ceux des Etats-Unis et de l'OTAN, et tenir compte de ces intérêts.

RBC Daily, Kommersant

Moscou attire les leaders des Etats du Proche-Orient

Après la campagne militaire dans le Caucase, les leaders des pays du Proche-Orient ont vu que Moscou était en état de leur proposer une alternative au monde unipolaire américain, lit-on lundi dans les quotidiens RBC Daily et Kommersant.

La fréquence des visites à Moscou des premiers personnages de la région est impressionnante. Le premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan s'est rendu en Russie à la mi-août. La semaine dernière, le président russe Dmitri Medvedev a reçu son homologue syrien Bachar al-Assad à Sotchi. Une rencontre entre le chef de l'Etat russe et le roi Abdallah II de Jordanie a eu lieu dimanche dernier. D'après une source proche de l'administration présidentielle, le premier ministre israélien Ehud Olmert est le prochain sur la liste.

Chacun des leaders des Etats du Proche-Orient a son propre intérêt à coopérer avec Moscou. Ainsi, pour la Syrie, il est important de sortir de l'isolement politique et de normaliser ses rapports avec Israël. Pour la Turquie, dont les élites se sont rendu compte que l'Union européenne ne les admettrait probablement pas dans ses rangs, une alternative s'impose. Amman est profondément inquiet, semble-t-il, des intentions de l'administration américaine de créer un Etat palestinien faisant partie de la Jordanie, sous forme d'une fédération ou d'une confédération. La Jordanie n'a pas oublié les événements de "septembre noir" en 1970, lorsque l'armée régulière dut mener une guerre contre les formations armées palestiniennes qui envahirent le royaume après la guerre des Six jours de 1967.

"Le roi Abdallah est confronté à de graves problèmes. Il comprend que les Etats-Unis qui sont le principal allié de la Jordanie pourraient commencer à redéfinir les frontières au Proche-Orient. Dans ce cas, la Jordanie pourrait en être la première victime", estime le politologue Dmitri Evstafiev.

De nombreux experts estiment aujourd'hui que les leaders des Etats du Proche-Orient et d'Asie centrale sont attirés vers Moscou. "Ce sera une grave menace pour les Etats-Unis, car, avant l'assaut contre Tskhinvali, toute la politique étrangère américaine s'inspirait de l'idée que la Russie n'était pas un acteur, mais celle-ci commence à participer à la formation de réalités géopolitiques", fait remarquer Dmitri Evstafiev. D'après lui, Washington n'a pas de ressources pour contenir Moscou.

Selon Alexandre Sobianine, chef du service de planification stratégique de l'Association de coopération transfrontalière, ces dernières années, la Russie a appliqué une politique intelligente et mesurée au Proche-Orient, surtout avec Gazprom et dans le domaine militaire: "Cela commence à porter des fruits. A présent, il est important pour nous d'intensifier les contacts avec l'Iran et le Pakistan".

Vedomosti

Ossétie du Sud et Kosovo: une approche commune

Le conflit dans le Caucase a de nouveau mis en avant le problème des doubles standards qui existent dans la politique internationale, lit-on lundi dans le quotidien Vedomosti.

La situation actuelle dans les républiques autoproclamées est la même qu'au Kosovo il y a 10 ans. La différence réside dans le fait que la version géorgienne du "règlement" a été plus sévère et a provoqué une réponse plus rapide et musclée. La Russie a profité de la situation, due aussi bien à ses marionnettes en Abkhazie et en Ossétie du Sud qu'aux autorités géorgiennes, pour justifier ses actions, similaires à celles de l'OTAN en 1999. Il s'est cependant trouvé que l'Occident n'était pas prêt à les accepter en tant que règle.

La Russie s'est engagée dans une politique que l'Occident a toujours considérée comme étant sa prérogative, et elle ne peut pas y renoncer. Moscou n'a pas besoin de nouveaux territoires, tout comme l'Europe n'a pas besoin du Kosovo. La Russie doit cependant montrer aux pays occidentaux qu'elle a le droit d'agir selon leurs règles et le fera.

Il arrive souvent que de jeunes pays, y compris des pays démocratiques, jouent la carte nationaliste, et la violence qu'ils provoquent exige une réponse appropriée. Moscou doit donc déclarer: nous sommes partisans de l'ingérence humanitaire; nos actions visent à protéger les minorités; nous ne violons pas les règles que l'Occident tente d'établir, mais les appliquons. Les conflits similaires nécessitent des solutions similaires.

Malgré l'hystérie américaine, c'est à l'Europe et non aux Etats-Unis de juger si la Géorgie mérite d'adhérer à l'OTAN et à l'UE. La Russie et l'Europe ont besoin d'approches similaires sur les problèmes des Etats séparatistes. Il ne faut pas reconnaître l'indépendance de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud aujourd'hui, le 25 août. Il vaut mieux remettre cette décision à plus tard, dans un avenir proche, quand l'Europe sera prête à l'accepter comme un fait établi. La Russie et l'UE sont plus que des voisins. Ils sont responsables de l'avenir de la Grande Europe, qui sera loin d'être radieux si les deux parties n'apprennent pas de leurs tentatives et de leurs erreurs afin de s'entendre sur des normes uniques de conduite dans l'arène internationale.

Par Vladislav Inozemtsev, directeur du Centre d'étude de la société postindustrielle.

Nezavissimaïa gazeta

Le refus de libérer Khodorkovski est une grave faute politique

Selon certains experts, le refus d'accorder la libération conditionnelle à l'ex-patron du groupe pétrolier Ioukos Mikhaïl Khodorkovski s'explique par la volonté de la Russie de montrer qu'elle ne fait pas de concessions à l'Occident, lit-on lundi dans le quotidien Nezavissimaïa gazeta.

Les avocats de l'ex-magnat en disgrâce préparent déjà une requête en cassation, affirmant que le verdict n'a "rien à voir avec la loi et la justice".

Gleb Pavlovski, président de la Fondation pour une politique efficace: "C'est une grave faute politique. Elle s'explique par une étrange incertitude des instances politiques face à la situation actuelle dans le pays, ainsi que par une profonde incompréhension de l'état de la société et des objectifs à long terme dont il faut commencer à s'occuper aujourd'hui. Une partie de nos "généraux politiques" continue à mener une vieille guerre, qui a été gagnée il y a longtemps. Ce n'est qu'une habitude, un cliché, un mode de pensée. Le pouvoir n'est pas encore prêt à la modernisation. Les questions relatives à la modernisation du pays diffèrent considérablement de celles concernant le rétablissement de l'Etat: cette dernière voie est parsemée de nouveaux ennemis et de nouveaux problèmes, qui sont beaucoup plus sérieux et compliqués".

Mikhaïl Vinogradov, président du Centre de conjoncture politique: "L'activité des lobbyistes oeuvrant pour la libération de Khodorkovski a été insuffisante et n'a pas apporté les résultats escomptés. En outre, la conjoncture politique ne leur a apparemment pas été favorable. Nous avons été témoins de la libération récente de l'opposant Kozouline en Biélorussie, considérée comme un geste de bonne volonté de Minsk envers l'Europe. Compte tenu de la guerre en Ossétie du Sud, la libération de Khodorkovski aurait pu avoir l'air d'une concession, fâcheuse dans le cadre de la confrontation avec l'Occident. Cependant, la question de la libération éventuelle de Khodorkovski reste encore totalement ouverte".

Dmitri Orechkine, analyste politique indépendant: "Cette libération aurait été un défi au système des valeurs hérité de l'époque de Poutine. Elle aurait signifié la fin de l'ère Poutine et le commencement de quelque chose de nouveau. Poutine a créé sa propre langue de communication au sein de l'élite, une langue très simple: "Le plus fort a toujours raison". Dans une autre langue, la libération de Khodorkovski signifierait la clémence, l'humanité, la magnanimité, etc. En "poutine" elle ne signifie qu'une seule chose: la faiblesse. S'il le laisse partir, cela voudra dire que quelqu'un l'a forcé de le faire. Bush, par exemple, ou quelqu'un d'autre. Dans le cadre de ce système de valeurs, toutes les discussions autour de la libération de Khodorkovski ne font qu'irriter Poutine, qui les considère comme une forme de pression sur lui".

Ces articles sont tirés de la presse et n'ont rien à voir avec la rédaction de RIA Novosti.

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