Caucase: la diplomatie des formules

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Par Ivan Zakhartchenko, RIA Novosti
Par Ivan Zakhartchenko, RIA Novosti

La diplomatie est, entre autres, un art qui consiste à choisir les bons mots pour se réserver une marge de manoeuvre. Le président français Nicolas Sarkozy, qui a décidé de jouer le rôle de médiateur en vue de faire cesser la guerre en Ossétie du Sud, a pleinement usé de cet art lors de ses négociations avec Moscou et Tbilissi sur les principes du règlement du problème posé par l'attaque de la Géorgie contre Tskhinvali, capitale sud-ossète.

Parmi les six principes acceptés par les parties, le plus important pour l'avenir des républiques autoproclamées d'Ossétie du Sud et d'Abkhazie concerne la convocation de négociations internationales en vue de définir leur futur statut. A un moment donné, il en avait été de même pour la province du Kosovo qui faisait partie de l'ex-Yougoslavie et dont l'indépendance vis-à-vis de la Serbie avait été unilatéralement entérinée par l'Occident.

La Russie avait alors maintes fois prévenu que cette démarche entraînerait une réaction en chaîne de séparation de territoires litigieux dans divers pays.

Cependant, le principe du lancement de négociations multilatérales sur le statut des républiques caucasiennes autoproclamées a été contesté par la Géorgie qui y a apporté des changements, finalement acceptés par la Russie. La nouvelle variante précise que les futures négociations porteront simplement sur le règlement des problèmes de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud, et non pas sur leur statut.

Les autres principes prévoient le non-recours à la force et l'arrêt de toutes les opérations militaires, le libre accès à l'aide humanitaire, le retour des troupes géorgiennes dans leurs cantonnements permanents et des forces armées russes à la position qu'elles occupaient avant le début de l'intervention militaire. En outre, avant la création de mécanismes internationaux, les forces russes de maintien de la paix prennent des mesures supplémentaires de sécurité.

Le dernier point - sur le statut de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud - a suscité un désaccord avec Tbilissi qui a également été mécontent du fait que les formules employées par Nicolas Sarkozy n'évoquent nullement l'intégrité territoriale de la Géorgie.

Cela signifie-t-il que la France conteste l'intégrité territoriale de la Géorgie?

Au cours d'une conférence de presse à Moscou, le président français a expliqué en employant le langage alambiqué de la diplomatie qu'il préférait à la formule "d'intégrité territoriale" les termes "indépendance" et "souveraineté". Selon lui, c'est une formule plus large, nécessaire pour que le conflit cesse. De toute évidence, en qualité de concession à la Géorgie, Nicolas Sarkozy a consenti à oeuvrer en vue de modifier le sixième principe et en exclure l'évocation du statut de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud, c'est à dire la possibilité d'une reconnaissance de la séparation de ces territoire d'avec la Géorgie, ce qui s'est, de fait, déjà produit au début des années 90 à la suite de conflits armés.

La Russie a accepté les modifications apportées à cette formule, désormais plus vague, mais n'a nullement renoncé à la possibilité d'entamer des négociations internationales sur le futur statut de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud.

Cela a été confirmé par le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov qui a indiqué aux journalistes qu'au cours de ce débat international il serait impossible de régler le problème de la sécurité de l'Ossétie du Sud et de l'Abkhazie "en dehors du contexte de leur statut". Selon le ministre, il doit être examiné précisément dans cette optique, compte tenu de la réalité objective et des systèmes administratifs existant en Abkhazie et en Ossétie du Sud.

Autrement dit, cette tournure de langage diplomatique a été acceptée aussi bien par la Russie que la Géorgie, mais chaque partie l'a interprétée à sa manière.

Cependant, certains politologues estiment que la correction du sixième principe du règlement de la situation dans la région fournit une marge de manoeuvre à la France en tant que médiateur, et la possibilité de rejeter l'idée selon laquelle l'Ossétie du Sud ne serait pas une partie inaliénable de la Géorgie.

Alexandre Pikaïev, chef du service du désarmement et du règlement des conflits à l'Institut d'économie mondiale et de relations internationales, estime que la Russie a accepté la modification du principe, en premier lieu, parce qu'elle est certaine de pouvoir insister sur l'examen du statut de l'Ossétie du Sud, en annonçant sa reconnaissance. Deuxièmement, Moscou ne souhaitait pas s'attirer de nouveaux problèmes avec les Etats-Unis et l'Union européenne. Cependant, comme l'a expliqué M. Pikaïev à RIA Novosti, cela n'aurait probablement eu aucune influence sur la position des Américains, quant à Nicolas Sarkozy, il ne pouvait pas reculer, c'est pourquoi Moscou aurait pu insister sur les formulations. Par ailleurs, ces principes, même corrigés, se sont avérés suffisants pour assurer l'arrêt immédiat des hostilités. Et ce, bien que tout le monde comprenne que les débats ultérieurs sur l'avenir des républiques autoproclamées dépasseront probablement le cadre du langage diplomatique.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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