JO: grand-messe diplomatique à Pékin

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Par Dmitri Kossyrev, RIA Novosti
Par Dmitri Kossyrev, RIA Novosti

Qu'est-ce qui peut empêcher le leader d'un Etat qui se respecte de se rendre vendredi à la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques de Pékin? Trois facteurs: une destitution, un cataclysme naturel ou l'humeur particulière de ses compatriotes (ce dernier cas peut probablement être rangé également au nombre des cataclysmes: la Chine ne plait pas à certains, surtout sur le plan politique).

Viktor Iouchtchenko a annulé son voyage à Pékin au dernier moment en raison des inondations dans l'ouest de l'Ukraine. Le même jour (mercredi), on a appris que le président du Pakistan Pervez Musharraf ne se rendrait pas non plus dans la capitale chinoise. La coalition du Parti du peuple pakistanais et de la Ligue musulmane du Pakistan (de Nawaz Sharif) ont tenu mardi une réunion, au cours de laquelle ils ont décidé que le président pouvait et devait être démis de ses fonctions. M. Musharraf a naturellement dû réunir ses alliés (au lieu de partir pour Pékin) et réfléchit en ce moment aux différents moyens de venir à bout de cette menace.

Quel rapport avec les Jeux olympiques? Il y a probablement un rapport direct. A présent, Pervez Musharraf a l'air d'un homme dont la situation est si mauvaise qu'il ne peut même pas se permettre de se joindre à cet événement qui donnera peut-être lieu à la plus grande réunion de dirigeants et de chefs d'Etat de toute l'histoire de l'humanité. Cela porte un coup à son prestige et, en général, à ses positions dans la politique pakistanaise.

Autrement dit, la diplomatie chinoise a réussi à produire un effet tel qu'il est "impossible de ne pas assister" à cet événement mondain, plus précisément, à l'événement diplomatique le plus prestigieux de ces dernières années. Il suffit de se souvenir des récentes tentatives d'éteindre la flamme olympique en Europe; il suffit de se souvenir des événements de 1980 - les tentatives de boycotter les Jeux olympiques en URSS - pour constater que la Chine a fait ce que l'URSS n'avait pas réussi à faire, et même quelque chose de plus grand encore. Il ne s'agit même plus de sport, mais de politique globale.

Au total, 205 équipes (16.000 sportifs) arrivent à Pékin, ce qui est un point intéressant, compte tenu du fait que l'ONU compte 191 pays. A propos de boycott: ce seront les Jeux les plus relevés et les plus représentatifs de toute l'histoire olympique.

Qui plus est, l'aéroport de Pékin, avec ses terminaux en forme d'immenses dragons au dos couvert d'écailles, accueille 110 avions VIP: on attend l'arrivée de 80 chefs d'Etat. Et ce ne sont pas seulement des George W. Bush, Vladimir Poutine, Shimon Peres ou Noursoultan Nazarbaïev: la liste des hôtes comporte la princesse Anne (Royaume-Uni), le grand duc Henri de Luxembourg, l'héritier du trône danois Frederik, le Cheikh Tamim, prince héritier du Qatar... il y aura aussi Henry Kissinger, qui avait joué un rôle important au milieu des années 70 pour avancer vers la reconnaissance mutuelle des Etats-Unis et de la Chine, alors encore "véritablement" communiste.

De nombreuses rumeurs circulent sur ces hôtes de marque, entre autres, sur leur protection. 600 gardes du corps américains s'en chargeront, ce qui n'a rien d'étonnant ni d'inédit, mais également trois brigades de gardes du corps d'élite de la Chine, 100 personnes au plus. Ils ont été choisis pour leurs capacités particulières qui feraient rougir même Jackie Chan, le plus célèbre acteur chinois d'Hollywood. Selon d'autres rumeurs, non confirmées, l'armée chinoise enverra dans les rues de Pékin des unités spéciales constituées de femmes au physique agréable, mais tout aussi compétentes.

Bien entendu, le président américain George W. Bush a joué un rôle important dans ce pèlerinage de chefs d'Etat à Pékin. Certes, la Chine n'est pas encore devenue la première économie et la première puissance du monde, il faudra encore patienter un certain temps pour cela, par contre, les Etats-Unis sont aujourd'hui le pays numéro un, par conséquent, on regarde l'Amérique avant de prendre des décisions. George W. Bush qui n'a laissé planer aucun doute sur son intention de se rendre à Pékin se trouvait mercredi à Séoul, capitale de la Corée du Sud, et y a mangé, au cours d'un banquet officiel, de la viande sud-coréenne et américaine. Il a préféré justement le boeuf, car la société sud-coréenne, lasse des changements qui se produisent en Asie et dans le monde, a concentré tout son anti-américanisme et son mécontentement à propos du président "pro-américain" Lee Myung-bak sur l'importation de viande américaine, autorisée par ce dernier. Les causes réelles de cette réaction nerveuse sont certainement autres. Comment se présentera le monde dans lequel les Etats-Unis et la Chine coexisteront un certain temps en tant que partenaires égaux, alors que la situation ne cessera de se compliquer par la suite? Que feront, dans ce monde, la Corée du Sud, le Japon et les autres pays? Comment s'adapter à la baisse de son rôle dans l'arène internationale?

Que doivent faire les Européens, qui ont presque contraint certains de leurs leaders à ne pas aller à Pékin, afin de donner une leçon de valeurs européennes aux Chinois? Et en fin de compte, qui a donné une leçon à qui? Que doit faire l'Europe pour ne pas devenir une région marginale du monde?

Il est peu probable que les contacts entre les 80 chefs d'Etat à Pékin se muent en une véritable rencontre internationale où pourraient être examinées toutes ces questions. Et ce, même s'ils seront nombreux à discuter de tels ou tels problèmes. Mais l'essentiel est certainement l'effet spectaculaire auquel aspirent les leaders chinois. Plus précisément, il s'agit d'arriver à des "Jeux olympiques de haut niveau avec des traits particuliers", comme la déclaré lundi le président chinois Hu Jintao, dans un discours qui ressemblait beaucoup à un bilan avant l'ouverture des JO. "Nous espérons montrer par le biais des Jeux le désir sincère du peuple chinois... d'être aux côtés du reste du monde dans l'édification d'un avenir brillant", a-t-il ajouté.

En fait, il aurait très bien pu ne rien dire, tant il est certain que l'effet attendu sera au rendez-vous, aussi bien en ce qui concerne les Jeux olympiques que la capacité incomparable des Chinois à préparer minutieusement les événements de ce genre.

Un autre élément du programme à venir pourrait produire un effet d'une force surprenante. On se souvient que les Jeux olympiques de Barcelone en 1992 ont marqué l'histoire par la chanson (et le disque) "Barcelona" interprétée par Freddie Mercury et Montserrat Caballé. Cette fois, c'est la célèbre Sarah Brightman et le non moins célèbre (dans sa patrie) Liu Huan qui préparent un duo. La musique et les paroles sont gardées secrètes, mais la chanson s'appellera probablement Pékin (Beijing).

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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