Mechel: Poutine tape du poing... sur la bourse

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Par Oleg Mitiaïev, RIA Novosti
Par Oleg Mitiaïev, RIA Novosti

Le 24 juillet, au cours d'une réunion à Nijni-Novgorod consacrée aux problèmes de la sidérurgie, le premier ministre Vladimir Poutine a soudain âprement critiqué la compagnie Mechel et son patron Igor Ziouzine. Il les a accusés d'avoir vendu du charbon sur le marché intérieur deux fois plus cher qu'à l'étranger: cela aurait privé l'Etat d'un certain volume d'impôts et expliquerait la forte hausse des prix de l'acier sur le marché national. Cette vive critique de la part du premier ministre a immédiatement entraîné une baisse d'un tiers du cours de l'action Mechel, ce qui représente pas moins de 5 milliards de dollars.

Le groupe Mechel avait été fondé dans les années 2002-2003, lorsque la compagnie d'extraction de charbon Ioujny Kouzbass, de la région de Kemerovo, avait racheté le combinat métallurgique Mechel, situé à Tcheliabinsk. Environ 70% du groupe appartiennent actuellement à Igor Ziouzine. L'avantage du groupe Mechel par rapport à ses concurrents est de posséder non seulement des capacités de production d'acier, mais aussi des réserves importantes de charbon, matière incontournable en sidérurgie. En outre, Mechel est un important vendeur de houille sur le marché libre aux compagnies qui ne possèdent pas de réserves suffisantes de charbon.

Ces derniers mois, l'Etat russe a manifesté une profonde inquiétude quant à la hausse des prix de la houille et de l'acier, après des plaintes à ce sujet formulées par les producteurs de tubes et les compagnies pétrolières. Les producteurs d'acier l'ont expliqué par la hausse du prix du charbon, de janvier à avril, de 80 à 100%. C'est pourquoi, fin juillet, lors d'une réunion spécialement convoquée par le vice-premier ministre Igor Setchine, il a été recommandé aux charbonniers et aux métallurgistes de conclure des contrats à long terme pour la livraison de leurs productions. Le 22 juillet, Mechel a annoncé son passage à cette pratique.

Mais il l'a fait trop tard. Une semaine avant la réunion de Nijni-Novgorod, le Service fédéral antitrust (FAS) avait engagé une action en justice contre les compagnies du groupe Mechel pour abus de position dominante sur le marché à des fins d'accroissement artificiel des prix. Il est significatif que les plaintes contre Mechel aient été déposées au FAS par ses collègues métallurgistes: le combinat métallurgique de Novolipetsk (NLMK) auquel Mechel avait cessé de livrer du charbon, et le combinat métallurgique de Magnitogorsk.

Le problème de Mechel est qu'il avait conclu la plupart de ses contrats à long terme pour les livraisons de charbon justement avec des partenaires étrangers, et que les prix de la compagnie sur le marché intérieur subissaient de fortes fluctuations. De plus, comme l'affirment les collègues d'Igor Ziouzine dans le secteur, il a enfreint les règles du jeu tacitement respectées: approvisionner d'abord les consommateurs intérieurs, ensuite exporter.

D'ailleurs, si le FAS avait trouvé des infractions, Mechel se serait vu infliger une amende d'au maximum 2% de son bénéfice net. C'est le FAS qui a préparé les documents pour l'intervention de Vladimir Poutine à Nijni-Novgorod. Mais il est peu probable qu'ils aient contenu des formules aussi dures que l'ont été les propos tenus par le premier ministre à propos d'Igor Ziouzine. C'est surtout le fait que, au premier trimestre de cette année, Mechel ait vendu son charbon à l'étranger à des prix deux fois inférieurs aux prix intérieurs qui a indigné Vladimir Poutine, ainsi que le fait qu'Igor Ziouzine ne se soit pas déplacé à la réunion, malgré l'invitation qui lui avait été faite. (Devinant probablement ce qui l'attendait, il s'est réfugié dans une clinique cardiologique de Moscou). Vladimir Poutine s'est adressé à Igor Artemiev, directeur du FAS, qui était assis à côté de lui et l'a chargé de démêler la situation. En fait, rappelons-le, c'est le FAS qui avait informé le premier ministre de l'affaire Mechel. "Il faudrait peut-être impliquer également le comité d'enquêtes du parquet", a ajouté le premier ministre.

Les bourses mondiales ont réagi instantanément aux paroles du premier ministre. A ce moment, jeudi 24 juillet, les marchés russes étaient déjà fermés, mais pas à New York où les actions Mechel ont tout de suite reculé d'environ un tiers, réduisant la capitalisation de la compagnie de 15 à 10 milliards de dollars. A l'ouverture des bourses russes vendredi matin, les actions Mechel ont baissé de la même façon. Mais leur chute a également entraîné celle des autres compagnies métallurgiques russes concurrentes: 5% en moyenne. Finalement, c'est tout le marché russe des valeurs qui a perdu environ 5%

Certains experts du secteur estiment que, si Mechel s'en tient à l'avenir à une politique "judicieuse" sur le marché, la compagnie n'aura aucun problème. D'autre part, le métallurgiste sibérien Igor Ziouzine (12e place avec 13 milliards de dollars au classement russe de Forbes), jadis très prudent, s'est mis à acheter activement ces deux dernières années des actifs métallurgiques, houillers et énergétiques. Il devrait se trouver suffisamment de candidats pour les lui racheter, à supposer que Mechel traverse une période difficile.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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