Inflation en Russie: le facteur corruption joue à plein (Transparency International)

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MOSCOU, 25 juillet - RIA Novosti. Le niveau élevé de l'inflation russe est directement lié à la corruption qui gangrène le pays, estime Elena Panfilova directrice du Centre d'études et d'initiatives anticorruption Transparency International Russia.

Au 21 juin 2008, l'inflation russe avait atteint 9,3% depuis le début de l'année, contre 11,9% sur l'ensemble de l'année 2007. Selon les experts, les indicateurs devraient atteindre 12% à 13% au terme de l'année 2008 malgré un ralentissement au deuxième semestre, soit bien plus que les 10,5% promis par le gouvernement.

"En s'y penchant de plus près, on constate avec surprise que les causes macro-économiques ne suffisent pas à expliquer l'inflation galopante qui règne dernièrement", a-t-elle fait savoir dans une interview à RIA Novosti.

Mme Panfilova incrimine la "corruption administrative", les petites gratifications extorquées par les pompiers et autres instances chargées de contrôler les PME, qui à leur tour font payer leurs "frais de corruption" aux consommateurs en augmentant les prix.

LE ROLE DE LA CORRUPTION DANS L'INFLATION

"Quand un commerce est contrôlé, vous croyez que le propriétaire paie de sa poche les sommes extorquées par les instances de contrôle? Bien sûr que non, il n'est pas philanthrope, il les finance en augmentant le prix de ses produits. Le prix du lait est en hausse constante sans aucun fondement économique", a poursuivi Mme Panfilova.

Ceci illustre selon elle la manière dont les "prélèvements" réalisés à chaque étape de la production d'un produit se répercutent sur sa valeur finale en rayon et sur le porte-monnaie du consommateur.

"D'abord les pompiers visitent une ferme - le prix augmente. Ensuite la compagnie de transport - le prix augmente, et ainsi de suite", a-t-elle poursuivi.

QUATRE TYPES DE CORRUPTION

Selon la spécialiste, la Russie propose un cocktail de tous les types de corruption existants: inférieure, supérieure, administrative et politique.

La corruption dite "inférieure" concerne les pots-de-vin versés par les citoyens aux forces de l'ordre, aux enseignants, aux services municipaux et aux fonctionnaires de bas niveau.

La corruption "administrative" touche les fonctionnaires et les structures en charge des PME (pompiers, service des migrations, services sanitaires et autres structures aptes à délivrer des licences), qui profitent de leur position pour extorquer des pots-de-vin.

Mme Panfilova met l'accent sur la corruption politique, qui consiste à violer la législation électorale au niveau local et national.

"Et nous sommes également victimes de la corruption supérieure, qui a à voir avec les dessous de tables, les adjudications frauduleuses, la vente de biens publics, etc. Il s'agit de personnes capables de concéder un contrat en recevant un pot-de-vin équivalent à 40% de son montant. Et ces 40% vont lui permettre de vivre dans l'opulence avec sa famille pour le restant de ses jours", estime la spécialiste.

Le dessous de table consiste à verser de l'argent à une personne responsable de la passation des marchés publics afin qu'il octroie le marché en question à un fournisseur déterminé.

"Si les meubles ou les matériaux destinés aux écoles ou aux hôpitaux sont systématiquement achetés selon ce procédé, ceci se répercute sur les prix, sur la société, et enfin de compte sur la qualité des produits ou services fournis", estime-t-elle.

LE CONSOMMATEUR PRIS EN OTAGE

En effet, les sommes versées afin de remporter un contrat sont soit récupérées par les sous-traitants en augmentant le prix de leurs services, soit au détriment de la qualité.

"En fin de compte, nous surpayons, d'une part, pour des services qui devraient être moins chers, voire carrément gratuits. D'autre part, la qualité en prend un coup. Une maison construite après paiement d'un dessous de table de 40% pourrait en effet s'effondrer, car le béton utilisé contient en réalité 40% de sable", a expliqué la spécialiste.

"Notre pays est immense. Nous avons des pouvoirs municipaux, régionaux. A chaque niveau ces quatre types de corruption peuvent survenir, soit séparément, soit combinés. En outre, tous ces fonctionnaires sont eux-mêmes chapeautés par d'autres organes de contrôle. Si l'on multiplie tous ces facteurs, on arrive à un tableau décourageant", a-t-elle fait savoir.

La corruption se répercute également sur la hausse des prix immobiliers, estime la directrice de Transparency international. Selon elle le décuplement des prix au cours des huit dernières années est également dû en premier lieu aux dessous de table qui atteignent en moyenne 40% du montant des contrats à Moscou.

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