Le capital étranger investi en Russie a été placé sous contrôle: le 10 juillet, le premier ministre Vladimir Poutine a approuvé la composition de la Commission gouvernementale de contrôle des investissements étrangers en Russie. Elle compte 17 membres, dont les vice-premiers ministres, les principaux ministres, les dirigeants des structures de force et du Service fédéral antitrust (FAS). C'est Vladimir Poutine lui-même qui dirigera ce nouvel organisme. La commission examinera les conditions des transactions à la suite desquelles des étrangers pourront obtenir le bloc de contrôle de compagnies ayant une importance stratégique. Les investissements étrangers seront contrôlés directement par le FAS.
La création de cette commission était prévue par la loi "Sur les modalités des investissements étrangers dans les sociétés économiques ayant une importance stratégique pour la défense du pays et la sécurité de l'Etat" adoptée en avril 2008. Cette loi introduit des limitations notables sur les investissements étrangers dans 42 types d'activités d'importance stratégique pour l'Etat: entre autres, la défense, la construction aéronautique, l'espace, les activités touchant au nucléaire, les minéraux utiles, les produits et services des monopoles naturels et les médias. A présent, les étrangers désireux d'acquérir le bloc de contrôle d'une entreprise appartenant à l'un de ces secteurs devront d'abord obtenir l'autorisation de l'Etat. Concernant les investissements avec participation du Fonds d'investissement de l'Etat, cette autorisation sera également nécessaire, et ce, même pour l'achat d'une minorité de blocage.
Cette nouvelle structure n'est pas une invention russe. "Des institutions de ce genre existent dans tous les pays développés et la Russie ne doit pas être une exception. Certains secteurs nécessitent une attention particulière de la part de l'Etat", a expliqué Igor Nikolaïev, directeur du département d'analyse stratégique de la compagnie FBK. D'ailleurs, l'expérience russe des années 1990 est un parfait exemple de ce qui peut résulter du transfert incontrôlé à des étrangers d'entreprises des secteurs stratégiques. Conformément au rapport de la Cour des comptes russe sur les résultats de la privatisation des années 1990, dans de nombreux cas, des compagnies étrangères ont acheté, au moyen de firmes écrans, des actifs d'entreprises militaires ou aéronautiques russes uniquement en vue de les conduire à la faillite et de faire ainsi disparaître du marché un concurrent potentiel.
En ce qui concerne les investisseurs étrangers eux-mêmes, l'apparition de règles du jeu précises et de moyens clairs d'obtenir l'autorisation de travailler dans tel ou tel secteur leur est forcément avantageuse. Ce qui peut paraître gênant, c'est la liste assez longue des sphères d'activités contrôlées, mais c'est là un point d'ordre technique qui peut être corrigé avec le temps, par exemple, en adoptant des amendements à la loi sur les modalités des investissements étrangers. Les appréhensions des sceptiques selon lesquelles ces nouvelles règles pourraient détourner les investisseurs potentiels sont également injustifiées. De l'avis de M. Nikolaïev, la procédure d'accès aux secteurs stratégiques n'est pas le plus important facteur capable d'influer sur la décision des acteurs étrangers d'investir ou non leurs capitaux dans des actifs russes. L'inflation qui ne cesse d'augmenter en Russie ou la défense insuffisante des droits des propriétaires sont des problèmes bien plus sérieux.
Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.